Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
Y

yiddish (littérature) (suite)

La littérature moderne

Deux mouvements amorcent la transition vers les temps modernes. L'un croit en la toute-puissance de la raison : ce sont les Lumières (Haskalah) ; l'autre se base sur le pouvoir de la foi et du sentiment : c'est le hassidisme. Les premiers tenants des Lumières publient en yiddish, dès la fin du XVIIIe s., des ouvrages de vulgarisation sur des questions d'hygiène, de géographie et d'autres sujets de culture générale, auxquels viendront se joindre bientôt des satires antihassidiques, des traductions bibliques et d'autres textes de plus en plus marqués par la découverte d'une esthétique littéraire. Le hassidisme développe cependant une littérature narrative anonyme faite de récits tantôt hagiographiques, tantôt allégoriques. Une seule personnalité s'en détache : Rabbi Nakhmen de Braslev (1772-1810). Ses Contes, modèle d'un art narratif juif original riche en images poétiques, visent autant à exprimer une conception mystique qu'à contrecarrer les effets du rationalisme. Si les satires, comédies et romans des premiers auteurs progressistes (Yisrel Aksenfeld, 1787-1866, Shloïme Etinger, 1803-1856, ou Avrom-Ber Gotlober, 1810-1899) n'ont que peu de diffusion, Aïzik Meyer Dik (1814-1893) réussit à conquérir pour ses nouvelles un nombreux lectorat populaire et à faire passer sous une apparence traditionnelle les idées des Lumières. Par l'utilisation de l'humour plutôt que de la satire et par son recours au folklore, il apparaît comme le précurseur des trois auteurs consacrés : Mendele Moykher Sforim, Sholem Aleykhem et I. L. Peretz.

   La littérature yiddish, avec eux, change de nature. Yitskhok Yoel Linetzki (1839-1915), Yankev Dineson (1856-1919) et Mordkhe Spektor (1858-1925) n'avaient parlé au lecteur que de ce qui se trouvait dans la sphère de son expérience immédiate. Mendele ou Peretz ont d'autres ambitions. À un moment où l'industrialisation de la Russie a déjà donné lieu à l'émergence de nouvelles classes de Juifs, plus ouvertes à une vision moderne de la littérature et de son rôle, ils entreprennent de créer une littérature nationale. Leur prose se veut toujours populaire, mais s'adresse aussi au Juif docte et cherche à atteindre également les nouveaux intellectuels qui ont déjà goûté à la culture européenne. Elle s'adresse toujours aussi à la femme, mais en la mettant sur une pied d'égalité avec le lecteur masculin.

   Avec les auteurs de la génération suivante (Dovid Pinski, 1872-1959 ; Avrom Reisen, Lamed Shapiro, Sholem Asch, Dovid Bergelson, Joseph Opatoshu, H. Leivik), la littérature yiddish, s'adressant désormais à toutes les couches sociales, devient le témoin et la conscience des conflits et des drames qui les traversent : combat du travailleur juif, émancipation de la femme, impact des persécutions, rêve d'une renaissance nationale, émigration et implantation en terres nouvelles, tragédie de l'intellectuel coupé de ses racines juives. L'histoire juive, notamment celle des poussées messianistes qui l'ont ponctuée, occupe une place grandissante dans ses sujets, tant à titre de cadre unificateur pour une communauté éclatée que comme grille de lecture pour les idées contemporaines.

   Pour les écrivains s'étant fait connaître entre les deux guerres, le défi, quel que soit l'engagement de chacun dans les grandes questions collectives, est en premier lieu esthétique. C'est l'époque des mouvements modernistes (Khaliastre, In-Zikh, Yung Vilne), des grandes personnalités poétiques (Kadia Molodowski, Moïshe Kulbak, Aaron Zeitlin, Itsik Manger), des rénovateurs de la prose (I. J. Singer, Oser Warszawski, Isroël Rabon, 1900-1940).

   Toutes générations confondues, la littérature yiddish a été la principale caisse de résonance de la Seconde Guerre mondiale et de l'Holocauste. Suivant les événements avec une anxiété décuplée par la distance ou bien témoins directs et victimes, internés dans des ghettos et des camps ou combattant tant au front que dans les maquis, ses écrivains ont su exprimer le pressentiment de la catastrophe imminente, aviver la flamme de la résistance matérielle et morale, témoigner des faits et donner forme, au nom du peuple entier, à la douleur infinie de l'anéantissement. Parmi les survivants s'étant illustrés dans ce sens figurent Isaïe Spiegel (1906-1990), Mendel Mann, Mordekhaï Strigler (1921-1998) et Chawa Rosenfarb (1923).

   Rares sont les auteurs en yiddish nés après 1939. Ce sont souvent des écrivains qui créent en même temps dans une autre langue ; pour certains, le yiddish est une langue apprise. Bien que leur nombre restreint et leur lectorat limité reduisent la portée de leur œuvre, on compte parmi eux quelques figures déjà consacrées : Lev Berinski (1939), Hirshe-Dovid Menkes (1956).

   La littérature yiddish a guidé l'action et la spiritualité du Juif d'Europe orientale tant sur son sol natal que partout dans le monde où il planta sa tente. Partie du shtetl, elle a atteint l'universalité : l'attribution du prix Nobel en 1978 à Isaac Bashevis Singer en est la reconnaissance éclatante.

Yildiz (Bekir)

Nouvelliste turc (Urfa 1933 – Istanbul 1994).

Après avoir passé quatre ans en Allemagne comme ouvrier, il ouvre une imprimerie à Istanbul puis se consacre à l'écriture : il publie des romans (Kerbela, 1987), des reportages (la Grande Migration, 1973) et des nouvelles qui mettent en scène la population déshéritée du sud de la Turquie (l'Agha Recho, 1967 ; Chahane le contrebandier, 1970). Son style vériste et ses dialogues mordants l'ont imposé comme un nom important de la prose contemporaine.

Yivo, sigle du Yidisher Visnshaftlekher Institut (Institut juif de recherches scientifiques)

Fondé en 1925 à Vilno, il comprenait des sections de philologie, histoire, économie, pédagogie et théâtre, et un cycle avancé d'études pour la formation de chercheurs. Une branche fut organisée à New York, une autre à Buenos Aires. La Seconde Guerre mondiale et l'occupation allemande détruisirent l'Institut de Vilno. La section américaine prit la relève. Les archives du YIVO, installées à New York, constituent un fonds d'une richesse exceptionnelle du point de vue historique et littéraire.