Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Assoucy (Charles Coypeau d')

Musicien et écrivain français (Paris 1605 – id. 1677).

Luthiste, il amusa Louis XIII et Louis XIV par ses chansons et composa la musique de l'Andromède de Corneille. Mais ses couplets satiriques et ses mœurs libertines lui valurent plusieurs emprisonnements et une vie vagabonde qu'il relate dans les Aventures du sieur d'Assoucy (1677). Auteur d'une « comédie en musique » (les Amours d'Apollon et de Daphné, 1650), il reste surtout l'un des principaux représentants du travestissement burlesque des modèles antiques : l'Ovide en belle humeur (1650), parodie du premier livre des Métamorphoses, connut un vif succès, autorisant son auteur à se déclarer l'« empereur du burlesque ».

Astafiev (Viktor Petrovitch)

Écrivain russe (Ovsianka, près de Krasnoïarsk, 1924 – Krasnoïarsk 2001).

C'est l'expérience de la guerre qui pousse Astafiev, engagé volontaire, à écrire pour « dire la vérité », en réaction à des textes trop aseptisés. Il se fait connaître ensuite par des récits consacrés à l'enfance et inspirés de sa propre expérience des orphelinats sibériens (Passage, traduit par Une enfance en Sibérie, 1959). Les romans suivants opposent à la violence destructrice de la guerre (Pluie d'étoiles, 1960 ; Berger et Bergère, 1971) la responsabilité éthique de l'homme envers un milieu naturel identifié à la vie même, et puissamment symbolisé par le fleuve Ienisseï dans le cycle du Tsar-Poisson (1972-1975). Avec Triste Polar (1987) ou Lioudotchka (1989), il dénonce la dégradation morale de l'homme russe coupé de ses racines paysannes. Ses derniers livres, Maudits et tués (1990-1994) ou Un joyeux soldat (1998), reviennent sur le thème de la guerre, comme matérialisation du mal absolu.

astracán
ou astracanada

Ce nom désigne un genre théâtral florissant à Madrid de 1900 à 1930 environ, prolongement du « género chico ». Caractérisé par la vulgarité du dialogue, des quiproquos laborieux, l'absence d'intrigue, l'astracán eut son fournisseur attitré : Pedro Muñoz Seca (1881-1936), antirépublicain déclaré. D'abord représenté pendant les fêtes de Pâques au théâtre de la Comedia, ce genre se répandit sur d'autres scènes madrilènes à partir de 1915.

Asturias (Miguel Ángel)

Écrivain et diplomate guatémaltèque (Guatemala 1899 – Madrid 1974).

D'origine à la fois espagnole et maya (dualité qui marquera profondément son œuvre), il obtient le grade de docteur en droit (1923) avec une thèse sur les problèmes sociaux des Indiens de son pays. À l'université – période qu'il évoquera dans Vendredi des douleurs (1972) –, il collabore à El Estudiante, périodique qui attaque violemment le dictateur Estrada Cabrera, au pouvoir depuis 1898 et destitué en 1920. En 1924, il se rend à Paris où il étudie l'anthropologie sous la direction de Georges Raynaud, et traduit en espagnol le Popol Vuh, livre sacré des Mayas, et les Annales de Cakchiqueles. Il se lie avec Romain Rolland, Barbusse, Valéry, Anatole France et les surréalistes. En 1930, il part pour Madrid où il publie ses Légendes du Guatemala. Il visite la Grèce, l'Égypte et la Palestine, puis retourne dans son pays (1933), où il enseigne la littérature à l'École de droit. Asturias, qui avait été correspondant du quotidien El Imparcial de Guatemala, auquel il envoyait des chroniques et des contes (ainsi qu'à de nombreux périodiques du continent américain), fonde l'éphémère journal Éxito, puis, de 1937 à 1945, dirige le premier journal parlé de son pays (Diario del aire). En 1946, il publie à Mexico – où il vient d'être nommé attaché culturel–  son roman Monsieur le Président, remarquable par son style à la fois caricatural, picaresque et poétique, première dénonciation moderne de la dictature, dont il montre les mécanismes, souligne les aspects mythologiques et prouve le caractère fatal dans bien des pays d'Amérique latine. Diplomate à Buenos Aires (1948), il y publie Hommes de maïs (1949), où, au-delà de l'anecdote, il évoque la permanence des mythes indigènes, l'affrontement de deux mondes, celui de la raison et celui de l'imagination, celui de la civilisation judéo-chrétienne et celui des cultes précolombiens, le mythe et la réalité. Après Paris (1952), il est nommé ambassadeur au Salvador (1953). Lorsque Castillo Armas prend le pouvoir, il s'exile en Argentine (1954). C'est l'année où il publie son roman le Pape vert. Viennent ensuite les contes de Week-end au Guatemala (1956), réquisitoire contre la United Fruit Company, qui s'est approprié, grâce aux complicités de dirigeants locaux, la majorité des plantations du pays. Le roman les Yeux des enterrés (1960) est un appel aux luttes sociales et à la grève générale pour que le peuple recouvre les terres dont on l'a dépouillé. Inquiété à Buenos Aires après la chute du gouvernement Frondizi pour ses déclarations anti-impérialistes, Asturias s'installe à Paris en 1962, et voyage dans plusieurs pays d'Europe. L'année suivante, il publie Une certaine mulâtresse qui, comme le Miroir de Lida Sal (1967), relève d'une inspiration à la fois lyrique et légendaire. Gómez Montenegro, qui vient de restaurer la démocratie au Guatemala (1966), nomme Asturias ambassadeur à Paris, fonction dont il se démettra en 1970. En 1967, l'écrivain obtient le prix Nobel de littérature. Outre ses romans et ses contes, ses très nombreuses chroniques journalistiques, Asturias a publié plusieurs recueils de poèmes (Petit Rayon d'étoiles, 1929 ; Avec le mors aux dents, 1942 ; Bolívar, 1955 ; Claire Veillée de printemps, 1965), des pièces de théâtre (Soluna, 1955 ; l'Audience des confins, 1957), des essais (Amérique latine et autres essais, 1968 ; Trois des quatre soleils, 1971), et des traductions de Sartre, de Claude Simon et de Robbe-Grillet.

   L'œuvre d'Asturias est celle d'un « homme à l'image de la forêt », comme l'a défini Marcel Brion. Farouche défenseur des Indiens, victimes des conquérants espagnols, puis de la domination économique des États-Unis, Asturias s'est toujours dressé contre l'injustice, la dictature, l'impérialisme. Cet écrivain engagé est aussi un poète tellurique qui sait faire passer dans ses vers toute l'inspiration de la tradition indienne, toute la grandeur de la luxuriante nature de son continent. Romancier, il se situe sous le double signe d'un surréalisme très particulier, magique et primitif, et d'un réalisme parfois fantastique. Jamais l'histoire n'est absente de ses récits, où son imagination se déploie dans le chatoiement perpétuel d'un langage aux multiples niveaux et aux mille séductions, passionné ou ironique, argotique ou familier, musical ou rude, mais toujours porteur d'un message de fraternité avec les humbles et les exploités.