Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
T

Tibulle, en lat. Albius Tibullus

Poète lyrique latin (vers 50 – 19 ou 18 av. J.-C.).

Nous savons peu de chose sur la vie de Tibulle, né dans une riche famille équestre de Pédum, près de Tibur, dans les monts Albains. Dès 31, une amitié profonde le lie à M. Valerius Corvinus Messala, grand seigneur, général rallié à Octave et protecteur d'un cercle de poètes. Attaché à son état-major, Tibulle le suit en Aquitaine et en Orient ; mais, tombé malade à Corcyre, en 29, il rentre à Rome et se consacre à la poésie. Dès lors, lié d'amitié avec Horace, Virgile, Properce, Ovide, il évoque sa passion pour Délie, avec laquelle il rompra pour connaître une brève aventure avec un jeune homme, Marathus ; en 26-25, il publia son premier livre d'Élégies consacrées à Délie et à Marathus. Dans le livre II des Élégies, parues sans doute après sa mort prématurée, il évoque un troisième amour pour une jeune femme qui, à cause de sa cruauté, est surnommée Némésis par le poète. Ces deux livres d'élégies formeront avec d'autres poèmes composés par des amis de Tibulle, membres comme lui du cercle de Messala, le Corpus tibullianum. À l'instar de son ami Properce, Tibulle confie au mode élégiaque l'expression d'une suite de situations passionnelles typiques et conventionnelles dont l'évolution correspond à l'élaboration du poème. L'artifice même des situations évoquées affadit les sentiments prêtés aux personnages : l'amour devient galanterie, et l'hymne à la nature, bergerie. Ce mode d'expression convient au tempérament à la fois sensuel et mélancolique de Tibulle et le rythme musical de ses poèmes, dans lequel le thème principal est prétexte à de nombreuses variations, traduit bien la nostalgie rêveuse du poète.

Tieck (Ludwig)

Écrivain allemand (Berlin 1773 – id. 1853).

Pionnier, comme son ami Wackenroder, du goût romantique, Tieck se passionne pour la redécouverte des légendes médiévales et des Volksbücher, dont il publie de libres adaptations dans des contes (Contes populaires, 1797) et dans des comédies mettant en scène Sainte Geneviève (1800), Octavius (1804) ou Fortunatus (1816). Il emprunte aux contes de Perrault l'action de comédies parodiques (le Chevalier Barbe-bleue, le Chat botté, 1797 ; le Petit Chaperon rouge, 1800), offrant un exemple particulièrement baroque d'ironie romantique. Mais il crée aussi de toutes pièces des fantasmagories unissant superstition médiévale et délire romantique (Eckbert le blond, 1797 ; Der Runenberg, 1804). Tieck manifeste dans son œuvre, qui compte aussi des romans historiques et des nouvelles, un intérêt prononcé pour les questions esthétiques, volontiers exposées dans des digressions théoriques. Homme de grande culture, il a contribué à la traduction et à la redécouverte de classiques tels que Shakespeare, Cervantès et Calderon.

Tikhonov (Nikolaï Semionovitch)

Poète soviétique (Saint-Pétersbourg 1896 – Moscou 1979).

La fidélité de Tikhonov aux idéaux communistes le conduira bien loin du romantisme de ses poèmes de jeunesse. Combattant de la guerre civile, il célèbre dans ses ballades l'élan des années de Révolution (la Horde, 1921 ; la Bière, 1922) : elles sont centrées autour d'une action souvent militaire, à laquelle l'écriture lapidaire et elliptique du poète confère un dynamisme haletant. Refusant de prendre pour héros des « gens de papier » (Recherches d'un héros, 1927), il se tourne, avec la même maîtrise stylistique et un goût prononcé pour les sonorités nouvelles, vers l'exotisme (Yourga, 1930). Objet d'un culte officiel, du fait de son loyalisme, mais aussi par le choix de ses héros (des soldats), Tikhonov est un exemple de la déchéance et de la sclérose d'un écrivain happé par le stalinisme.

Tillier (Claude)

Journaliste et romancier français (Clamecy 1801 – Nevers 1844).

Ses pamphlets sont ancrés dans le Nivernais où, pour sa verve incisive, son style libre et truculent, ce « Rabelais moderne » jouit d'une grande notoriété. Il donne son chef-d'œuvre avec Mon oncle Benjamin (1841). À travers quelques épisodes tantôt vifs et amusants, tantôt émouvants, cette chronique de la vie de province au XVIIIe s., hardie et narquoise, mais tendre parfois, a le charme désuet des fabliaux.

Timmermans (Félix)

Écrivain belge d'expression néerlandaise (Lierre 1886 – id. 1947).

En dehors de tout courant littéraire, il occupe une place à part dans la littérature belge. Issu d'une famille d'artisans, artisan lui-même, il publie d'abord des vers (1907) et des récits pessimistes avant de devenir célèbre avec la publication, au sortir d'une crise religieuse, de Pallieter (1916), série de tableaux de mœurs flamandes qui ont pour héros un jeune et joyeux meunier, paillard et farceur, plein d'entrain et de couleur. Vivant désormais de sa plume, il écrit des romans et des récits débordant de vitalité et d'humour et tout imprégnés de la Flandre dont il recrée aussi bien les mentalités (Psaume paysan, 1935) que l'atmosphère pittoresque des petites villes (l'Enfant Jésus en Flandre, 1917 ; Pieter Brueghel, 1928 ; la Harpe de saint François, 1932 ; la Famille Hernat, 1941 ; Adriaan Brouwer, 1948). Son théâtre, en collaboration avec E. Veterman, puise aux mêmes sources d'inspiration. Un recueil poétique, Adagio (1947), est l'expression d'une foi confiante inscrite, en filigrane, dans toute son œuvre.

Tinan (Jean de)

Écrivain français (Paris 1874 – id. 1898).

Jeune dandy qui côtoie le Tout-Paris littéraire de la fin du siècle, il fait ses gammes avec Un document sur l'impuissance d'aimer (1894). Les quelques romans qu'il publie avant de disparaître à 24 ans donnent, dans un style bref et dépouillé, le tableau d'une société noctambule un peu snob qui cultive le désespoir et vit dans la certitude du néant (Penses-tu réussir ?, 1897 ; l'Exemple de Ninon de Lenclos, amoureuse, 1898 ; Aimienne ou le Détournement de mineure, 1899).

Tinayre (Marcelle)

Romancière française (Tulle 1872 – Grossouvre 1948).

Femme du graveur Marcel Tinayre, elle eut des débuts précoces (Vivent les vacances !, 1885), mais se fit surtout connaître, à partir de 1897 (Avant l'amour), par ses romans sociaux aux héroïnes féminines et même féministes (Hellé, 1899 ; la Maison du péché, 1902 ; la Vie amoureuse de François Barbazanges, 1904 ; la Rebelle, 1906 ; la Rançon, 1910 ; l'Ennemie intime, 1931).