Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Baudelaire (Charles) (suite)

Esthétique et économie

Plus qu'au romantisme, c'est à la bataille rangée du romantisme et du classicisme que la modernité baudelairienne met un terme. Le romantisme, lit-on dans le Salon de 1846, est un produit du Nord dont les brumes libèrent la couleur de la sujétion à la ligne. Le classicisme en revanche est méridional comme la lumière qui souligne la forme et le trait. Phidias était grec, Rembrandt, hollandais : le Nord rêve quand le Sud perçoit. Aussi est-ce vers le Nord que l'Invitation au voyage convie de partir, mais c'est un Nord encombré d'évocations tropicales, rempli de souvenirs de « la splendeur orientale ». Ni classique ni romantique, ni sud ni nord, l'esthétique baudelairienne a pour objet, comme Leiris l'a montré, un classicisme fêlé : le Sud dont rêve le Nord.

   D'où ses attaques contre « l'école païenne », qu'il appelle aussi « l'école plastique ». D'où également le caractère ambigu des éloges qu'il décerne à Théodore de Banville dans la notice qu'il lui consacre en 1861 : « Il a l'audace, écrit-il, de chanter la bonté des dieux et d'être un parfait classique. » Mais la notice suivante, consacrée à Pierre Dupont, évoque sans sympathie la « nuée » qui a « vomi les néoclassiques » sur Paris, dénonce l'« infatuation des Français pour la sottise classique ». Quand il loue Banville d'ignorer les « discordances » et les « dissonances » du sabbat, de refuser les « glapissements » de l'ironie, cela ne doit pas nous faire oublier la strophe centrale de « l'Héautontimorouménos » : « Ne suis-je pas un faux accord / Dans la divine symphonie, / Grâce à la vorace Ironie / Qui me secoue et qui me mord ? » Les belles heures dont il trouve l'écho dans la poésie de Banville, ce sont elles qui séparent le plus nettement leurs inspirations respectives : alors que les néoclassiques chantent le Paradis comme s'ils continuaient à y vivre, la poésie baudelairienne est porteuse d'une expérience beaucoup moins euphorique de la beauté. « Je ne prétends pas que la Joie ne puisse s'associer avec la Beauté, note-t-il dans une page de Fusées, mais je dis que la Joie en est un des ornements les plus vulgaires. »

   C'est probablement du même œil sceptique qu'il faut lire le mot dont il salue Gautier dans la dédicace les Fleurs du mal : si, comme le titre du recueil l'indique assez clairement, la beauté est originellement pécheresse, un poète « impeccable » se trouverait en effet pécher, esthétiquement, par défaut. Tel est d'ailleurs le reproche constant que Baudelaire fera à ce qu'il appelle « la puérile utopie de l'école de l'art pour l'art ». Il n'y a pas de beauté pure, pas d'esthétique strictement formelle, pas de beauté classique si, par là, on veut entendre préchrétienne : pas de beauté païenne et innocente. Si le progrès (qu'il appelle « le paganisme des imbéciles ») et la civilisation consistent essentiellement « dans la diminution des traces du péché originel », l'art doit leur opposer l'ambition anachronique d'en raviver la marque.

   Comme Bataille l'a montré dans le chapitre de la Littérature et le mal qui répond au Baudelaire de Sartre, la question de l'utilité, c'est-à-dire en particulier celle de la place de la poésie dans une économie générale, peut être considérée comme le centre de gravité du texte baudelairien dans son ensemble. Elle articule son esthétique à une économie négative : « Être un homme utile, note-t-il dans ses journaux intimes, m'a paru toujours quelque chose de bien hideux. » Il regrettera, à la fin du grand article sur Théophile Gautier, qu'il soit arrivé au poète de céder devant « l'Industrie et le Progrès, ces despotiques ennemis de toute poésie ».

   L'inutilité que Baudelaire invoque pour innocenter les Fleurs du mal n'a rien d'un détachement impassible ou indifférent ; à la limite même, elle n'a rien d'innocent. Elle est le résultat d'une tension agressive dirigée contre la rentabilisation idéologique. L'inutilité du beau ne va pas de soi : elle est moins la définition de l'œuvre d'art que la formule de ce qu'elle doit être. Son non serviam ne va pas sans défi : celui par lequel la poésie a lieu dans un monde où elle n'a pas lieu d'être.

   Bien que promoteur de la modernité comme valeur esthétique, Baudelaire n'a pas été tendre pour son époque qui, d'ailleurs, le lui a bien rendu. On pourrait penser à cette note de Fusées : « Chercher le passage : vivre avec un être qui n'a pour vous que de l'aversion. » Mais, ici, il ne s'agit pas de l'époque : la note renvoie à un ouvrage consacré au suicide. D'où on pourrait conclure que Baudelaire évoque, en s'y référant, l'aversion qu'il éprouverait pour sa propre personne. La majorité des commentateurs préfère pourtant y lire une allusion à ses rapports difficiles avec sa maîtresse. La possibilité de cette double lecture n'en souligne que plus fortement ce qu'a d'ambigu l'agressivité baudelairienne dont il est difficile de dire, unilatéralement, à qui elle s'adresse, qui en est la véritable victime : le poète ou les autres.

Baudry (Jean-Louis)

Écrivain français (Paris 1930).

Son premier roman, le Pressentiment (1962), impose un réalisme subjectif d'inspiration proustienne. Le suivant, les Images (1963), change radicalement de manière : l'abandon du psychologisme et l'absence d'intrigue inscrivent cette « chanson de geste de la conscience » dans la mouvance du Nouveau Roman. Personnes (1967) coïncide avec la fin d'une analyse et le début de l'écriture textuelle (la « Création », 1971), influencée par Tel Quel, dont l'auteur est membre de 1962 à 1975. Sa réflexion sur l'Effet-cinéma (1976), nourrie de Husserl et de Lacan, et Proust, Freud et l'Autre (1984) réaffirment le travail « d'une parole qui se cherche », avant le renouvellement de Personnages dans un rideau (1991), notamment confirmé par A celle qui n'a pas de nom (2000).

Baum (Lyman Frank)

Écrivain américain (Chittenango 1856 – Hollywood 1919).

Surnommé le « Grimm américain » par ses compatriotes, il est surtout connu pour sa série consacrée au légendaire pays d'Oz, dont le premier volume, le Magicien d'Oz (1900), est un classique de la littérature enfantine, popularisé dans le monde entier par l'adaptation cinématographique (1939).