Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
R

Rajcev (Gueorgui)

Écrivain bulgare (Zemlen 1882 – Sofia 1947).

Tempérament complexe et contradictoire, d'abord lié aux symbolistes puis fervent admirateur de Poe et de Dostoïevski, il fut l'un des premiers représentants du roman psychologique en Bulgarie. Préoccupé par le problème du mal dans la nature humaine, il cherche à travers ses romans (la Reine Neranza, 1920 ; le Royaume des serfs, 1929), ses Récits (1923, 1931) et ses drames (Elenovo Tsartsvo, 1929), où le personnage du double occupe une place prépondérante, à percer le mystère des aspirations inconscientes qui gouvernent l'individu.

Rajnov (Bogomil)

Écrivain bulgare (Sofia 1919).

Appartenant à la génération d'écrivains de l'entre-deux-guerres, il consacre ses poèmes à l'édification du monde socialiste (Poèmes sur le plan quinquennal, 1951) et ses romans à l'évocation nostalgique et discrète d'un humanisme menacé de faillite (Un soir pluvieux, 1961 ; l'Impasse, 1966). Directeur de la chaire d'esthétique à l'Académie des beaux-arts de Sofia, il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'esthétique et la création artistique (Roman noir, 1970). On lui doit également des romans policiers et des scénarios de films.

Rajnov (Nikolaj)

Écrivain bulgare (Kessarevo, district de Tarnovo, 1889 – Sofia 1954).

Dessinateur et peintre, professeur à l'Académie des beaux-arts de Sofia, il élabora à travers ses études philosophiques une interprétation de l'histoire de l'art marquée par le néoromantisme et le symbolisme. Son œuvre lyrique et ses ouvrages en prose, inspirés de thèmes exotiques et historiques, révèlent l'influence de Nietzsche, dont il traduit le Zarathoustra, et de la théosophie (les Légendes des bogomiles, 1912 ; le Livre des rois, 1918 ; le Livre des énigmes, 1919 ; Poèmes éternels, 1928 ; l'Éternel dans notre littérature, 1941).

Rakhimi (Moukhamedjan)

Poète tadjik (Faïk, près de Boukhara, 1901 – Douchanbe 1968).

Fils d'un conteur populaire qui l'initia aux traditions orales, il prit part à la guerre civile et consacra ses premiers vers à la satire du patriarcat, des superstitions et à la célébration de la vie nouvelle (le Pamir rouge, Douchanbe, Ma Moscou chérie, 1941). Rendu célèbre par une poésie de guerre qui emprunte souvent aux formes classiques (Mort pour mort, 1943 ; Sois impitoyable ; l'Or blanc, 1943-1945), il renoua dans ses dernières œuvres avec l'inspiration lyrique et folklorique de ses débuts (le Pays doré, 1948 ; le Chemin de lumière, 1952 ; le Matin du verbe, 1963).

Rákóczi (Ferenc II)
ou François II Rákóczi

Prince hongrois (Borsi 1676 – Rodosto, auj. Tekirdag, 1735).

À la tête des insurgés hongrois (1705), il conquit la majeure partie du pays et proclama l'indépendance de la Hongrie (1707) ; mais, abandonné par la noblesse, il dut se réfugier en France (1713), puis en Turquie (1717) avant d'être interné à Rodosto (1718). On lui doit des Mémoires sur la guerre de Hongrie depuis 1703 jusqu'à sa fin, écrits en français, ainsi que des réflexions politiques (Sur le pouvoir).

Rakosi (Carl)

Poète américain (Berlin 1903-San Francisco 2004).

Lié pendant les années 1930 au groupe des « objectivistes » , il ne sépare pas le monde social du monde du langage, et donne une œuvre où la recherche d'une aperception neuve du poème ne se distingue pas de la perception directe de l'objet (Poèmes choisis, 1941 ; Amulette, 1967 ; Avanvoix, 1971 ; Nuit ex granium, 1975 ; Drôle de journal, 1981).

Rakotoson (Michèle)

Écrivain malgache (née en 1948).

Professeur de lettres malgaches dans son pays de 1973 à 1983, aujourd'hui journaliste indépendante à R.F.I. à Paris, elle œuvre à la découverte et à la diffusion de jeunes écrivains malgaches. Elle écrit elle-même, en malgache et surtout en français, des pièces de théâtre (la Maison morte ; Un jour, ma mémoire, 1990), nouvelles (Dadabé, 1984), et des romans (le Bain des reliques, 1988 ; Elle, au printemps, 1996 ; Henoÿ, fragments en écorse, 1998) qui évoquent une société malgache contemporaine ballottée entre tradition et modernité et vivant dans le désarroi les désillusions politiques et économiques.

Raleigh (sir Walter)
ou sir Walter Ralegh

Navigateur et écrivain anglais (Hayes Barton, Devon, 1554 – Londres 1618).

Parfait courtisan que la faveur d'Élisabeth Ire dote des moyens d'établir une colonie dans le Nouveau Monde (1584) et d'explorer la région des Guyanes, il tombe en disgrâce avec Jacques Ier. Condamné à mort pour avoir prétendument intrigué contre le roi, il voit sa peine commuée en détention à vie, passe douze ans à la Tour de Londres, puis est relâché pour diriger une exploration de l'Orénoque. Mais l'expédition échoue, Raleigh ne trouve pas l'or espéré et, à son retour en Angleterre, ne peut échapper à la condamnation capitale. Auteur d'une volumineuse correspondance, de poèmes et d'écrits politiques imprégnés de la pensée de Machiavel, il publie en 1614 le premier et unique volume d'une Histoire du monde depuis la création, entreprise en 1608 pour l'éducation du prince de Galles.

Ram-Ker

Le Ram-Ker, orthographié dans la pratique courante Ream-Ker, est la version cambodgienne du Ramayana de l'Inde. Son titre signifie « la gloire de Rama » ou « la renommée de Rama ». Il ne s'agit pas là d'une traduction, pas plus que d'une adaptation en khmer d'un original sanskrit ou hindi, ni d'un résumé ou d'un raccourci de telle ou telle version indienne. Le Ram-Ker est une œuvre khmère, probablement datée du XVIe s. mais reprise par les copistes et remaniée et découpée pour le théâtre. En effet, tout autant qu'un long poème écrit dans une langue savante et poétique, le Ram-Ker a été transmis par la tradition orale des conteurs et des chanteurs, par le spectacle et la danse, par le théâtre d'ombres, par la musique orchestrale et chorale. Certains de ses épisodes ont été sculptés, notamment sur les murs du temple d'Angkor-Vat, et ont par ailleurs inspiré les peintres et les imagiers.

   Nous disposons, outre plusieurs manuscrits (en tout 5 034 strophes), d'une édition imprimée en caractères cambodgiens par la Bibliothèque royale de Phnom-Penh en 1937. Elle comprend seize livrets, dont la composition, d'ailleurs incomplète, correspond à la représentation scénique. Chaque séquence définit à la fois un chant destiné à être récité ou chanté par les choristes, et mimé par les danseuses du théâtre-ballet classique. Tout, dans ce type de théâtre, héritier du drame magico-religieux, est strictement codifié : modes de récitation, de musique, position des mains, expression chorégraphique. Le public reconnaît d'emblée quel est l'épisode évoqué et qui sont les personnages présents sur la scène.

   Il faut ajouter que dans la tradition khmère le Ram-Ker est joué par d'autres troupes que celles qui, dans le passé, évoluaient au palais royal ou devant Angkor-Vat. Des troupes populaires, comme celle du Lokhon Khol, jouaient dans les provinces de Kandal et de Battambang. Il est repris de nos jours, à Paris même, par des groupes de jeunes Khmers attachés à maintenir leur héritage artistique.

   Classiques ou populaires, les différentes versions du Ram-Ker présentent une certaine unité. La première partie du récit est consacrée à l'origine des personnages, au Prince Rama lui-même, d'essence divine, puisqu'il est selon la tradition indienne une incarnation du dieu Visnu, mais qui, ici, devient « bourgeon de Bouddha », Bodhisattva marqué par le bouddhisme local. Puis, le texte illustre le départ de Prah Ram, son exil dans la forêt avec son épouse Sita (Seta) et son frère Lakshmana (Laks), l'enlèvement de Sita par le roi des démons Ravana (Rab), la longue guerre entre Prah Ram et Rab, les exploits du singe Hanuman, la victoire de Prah Ram et son retour avec Sita au royaume de son père. Une troisième partie, rarement mise en scène, concerne l'exil de Sita, la présentation de ses deux enfants et l'apothéose finale. Le Ram-Ker est le chef-d'œuvre de la littérature khmère, par ses images, la richesse de sa langue, le raffinement de la versification. Les dieux, les démons, le peuple des singes, les ascètes-ermites animent les paysages fantasmagoriques de l'Himavant et des forêts de l'Inde, et maintes scènes célèbres comme le franchissement de la mer et le survol de la brillante capitale de Sri Lanka.