Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Grèce (suite)

La tragédie

Eschyle, Sophocle et Euripide, auteurs athéniens du Ve siècle, sont les seuls tragiques grecs dont nous soient parvenus des drames entiers ; le genre paraît ainsi vivre et disparaître dans l'espace d'une cité et d'un siècle. Si le développement du genre est lié à Athènes et à une période de son histoire, la tragédie a continué d'exister même après la période hellénistique, dans des conditions évidemment fort différentes. L'origine de la tragédie est une question qui a suscité de nombreuses hypothèses, et l'histoire du genre est aussi malaisée à établir. On situe habituellement l'établissement des concours tragiques aux Grandes Dionysies, à Athènes, en 534 (Thespis y aurait été le premier vainqueur) ; mais certains les placent à la fin du VIe siècle. L'institution des concours des Lénéennes dans la seconde moitié du Ve siècle date de 440 pour les concours comiques, de 432 pour les concours tragiques. Les Dionysies des champs, en Attique, donnaient aussi lieu à des représentations théâtrales. L'important est le cadre où s'inscrit la tragédie. Elle est politique, au sens ancien et au sens moderne. Politique, parce que la production théâtrale et les représentations n'existent que dans les concours que la cité organise jusque dans leur déroulement. Aux concours des Grandes Dionysies, trois tragiques donnaient une tétralogie, soit une trilogie, trois tragédies, parfois traitant de la même légende, comme l'Orestie d'Eschyle (trilogie liée), et un drame satyrique (drame où les satyres forment le chœur, à la fin heureuse et à la tonalité parodique et comique). Politique, la tragédie l'est encore, à Athènes, au Ve siècle, au sens où elle est le lieu d'expression à la fois de la grandeur de la cité et de ses difficultés dans un temps de mutations importantes, quand l'empire athénien se constitue, quand la guerre du Péloponnèse fait rage. Mais les auteurs mettent aussi sur la scène les préoccupations morales, les débats intellectuels qui sont leur actualité. Ils le font en utilisant et en faisant évoluer une forme fixée. La tragédie est faite d'oppositions. Le texte tragique se divise entre des parties parlées par les acteurs, un prologue et des épisodes, et des parties chantées par le chœur, la parodos (entrée du chœur), les stasima, entre les épisodes, avant l'exodos (fin de la pièce et sortie du chœur). Le coryphée, chef du chœur, peut dialoguer avec les acteurs, deux, puis trois avec Sophocle (le protagoniste, le deutéragoniste et le tritagoniste). Mais les auteurs usent aussi du kommos, chant alterné d'un acteur et du chœur, ou des monodies données aux acteurs, assouplissant les structures. La dualité tragique est aussi dans la manière dont la tragédie se sert du mythe pour parler du monde présent, parfois de l'actualité, comme le Philoctète de Sophocle qui évoque la question du retour d'Alcibiade à Athènes (409). En 406, Sophocle et Euripide meurent. Après eux, au IVe siècle, la production tragique se poursuit (nous ne disposons que de fragments) et tout le monde grec s'ouvre à la tragédie. Mais le genre se modifie, la tonalité des drames n'est plus la même.

La comédie

De la comédie ancienne à la comédie nouvelle

Le genre comique a existé avant le Ve siècle, en Grèce, sous des formes différentes. Aristophane raille encore la farce de Mégare, tandis qu'Epicharme de Cos est le meilleur représentant de la comédie syracusaine (VIe s.-Ve s.). À Athènes la première forme de comédie (ou comédie ancienne) est une satire violente, à résonances politiques et souvent personnelles, de la réalité contemporaine : elle est illustrée par Cratinos, Platon le comique, Phérécrate ou Eupolis et, surtout, Aristophane, dans la première partie de sa carrière. Si les premiers concours comiques des Grandes Dionysies remontent à 486 et ceux des Lénéennes à 440, nous ne possédons que des fragments des comiques qui ont précédé Aristophane. En conservant une grande fantaisie, la comédie a une forme fixée : les parties parlées et les chants du chœur alternent, la parabase divise la comédie en deux parties et comprend elle-même une transition (commation), la parabase, en tétramètres anapestestiques, terminée par le pnigos (où le coryphée « s'étouffe »), un chant du chœur, une tirade du coryphée ou épirrhème, suivie d'une antode (second chant du chœur qui répond au premier) et d'un antépirrhème. Le Coryphée s'adresse aux spectateurs, au nom du poète qui parle ainsi à son public. Un agon à la construction fixe, différent d'un agon tragique, oppose souvent deux personnages dans une forme de débat qu'illustre bien celui du Discours Juste et de l'Injuste dans les Nuées. Le komos (d'où vient la komodia), évoquant les rites agraires associés au culte de Dionysos et leur « mascarade-charivari » (M. Trédé), se retrouve dans la sortie du chœur. Chez Aristophane, les comédies de la fin du Ve siècle allient la fantaisie et les préoccupations politiques. Ses pièces du début du IVe siècle, l'Assemblée des Femmes (392 ?) et le Ploutos (388), avec la disparition de la parabase et la transformation du rôle des parties chorales, marquent le passage à la comédie moyenne. Les sujets mythologiques et une critique générale des mœurs y prédominent, comme le montrent les fragments conservés d'Euboulos, d'Alexis ou d'Antiphane. L'aboutissement de cette évolution est la comédie nouvelle (Néa) qui prévaut dans la Grèce hellénistique. Théâtre de mœurs contemporaines, comédie d'intrigue qui finit bien, dans un univers artificiel, elle crée des types (le fils de famille, la courtisane, l'esclave rusé, le parasite, l'entremetteur, etc.), et est illustrée principalement par Ménandre (340-292), Philémon ou Diphile. Elle sera imitée par les auteurs latins (Plaute, Térence), et survivra jusque dans la commedia dell'arte.

Le mime

Genre théâtral mineur, le mimos est une petite pièce comique qui prend pour sujet le quotidien, parfois grossière, de forme très variable (Plutarque, Propos de Table, VII, 712 e). Il nous reste des fragments des Mimoi de Sophron (Syracuse, Ve s. av. J.-C.), écrits en dorien, partagés en masculins (le Pêcheur de thons, le Pêcheur au paysan) et féminins (les Couseuses, les Femmes au déjeuner...). Admiré par Platon, Sophron fut l'inspirateur de Théocrite (Idylles II, XIV, XV) et d'Hérondas, qui vécut aussi à la cour de Ptolémée Philadelphe, à Alexandrie (IIIe s. av. J.-C.) ; auteur de Mimiamboi qui mêlent le mimos et l'iambe, Hérondas fait d'Hipponax un autre modèle. Le réalisme apparent de ses poèmes et leur sujet (citons la Maquerelle, le Marchand de filles, la Jalouse, le Cordonnier) peuvent faire le raffinement d'une œuvre artificielle destinée à un public de lettrés.

L'histoire

Si Hérodote est considéré par la tradition comme le « père de l'histoire », il a néanmoins des prédécesseurs, qu'on appelle les « logographes », mais dont les œuvres ne sont conservées que par fragments. Parmi eux, Hécatée de Milet (VIe-Ve s. av. J.-C.) reprend dans ses Généalogies (Histoires des héros) la matière mythique – confondue à l'origine avec l'histoire – en l'articulant chronologiquement et en la critiquant parfois. Mais c'est au Ve siècle qu'Hérodote (l'Enquête) entreprend l'histoire du monde connu, du règne de Cyrus (559-529 av. J.-C.) aux guerres médiques, et que Thucydide raconte la Guerre du Péloponnèse, à ses yeux le conflit le plus important de l'histoire des Grecs. S'appuyant sur une documentation et des témoignages, l'un et l'autre se préoccupent spécifiquement des hommes et de la recherche de la vérité, et s'ouvrent à la réflexion morale et politique. Au IVe siècle, Xénophon continue le récit de Thucydide dans les Helléniques, œuvre variée, mêlant les méthodes et les manières.

   On ne possède pour la plupart des autres auteurs que des fragments ou des témoignages. C'est le cas de l'Histoire des Perses et de l'Histoire de l'Inde où Ctésias (Ve-IVe s.) peint une Inde fantastique (le récit aura une grande postérité), des histoires locales, comme celles des Atthidographes qui relatent l'histoire d'Athènes depuis l'origine (Hellanicos de Lesbos, Cleidimos d'Athènes au Ve siècle, puis Androtion au IVe s., Philochore au IIIe s.), des Helléniques et des Philippiques de Théopompe de Chios, ou des Histoires d'Éphore, qui vont du retour des Héraclides (IIe millénaire av. J.-C.) à 340 av. J.-C. Les historiens d'Alexandre forgent la légende du souverain (Callisthène d'Olynthe, à qui on a faussement attribué le Roman d'Alexandre, Ptolémée, Onésicrite, disciple de Diogène, ou Aristobule). Les Helléniques de Douris de Samos (IVe-IIIe s.), où l'auteur cherche d'abord à provoquer l'émotion comme au théâtre, inaugurent « l'histoire tragique ». Timée de Tauroménium (IIIe s.) écrit une Histoire de la Sicile qui va des origines à la première guerre punique ; Hécatée d'Abdère, une Histoire de l'Égypte (Egyptiaca), comme Manétho ; Mégasthène, une Histoire de l'Inde (Indika) ; Bérose, une Histoire de Babylone (Babyloniaca)) ; Fabius Pictor fait en grec une Histoire de Rome. C'est assez montrer la diversité du genre dans un monde où l'on voit grandir Rome.

   Au IIe siècle, Polybe (vers 208-126 ?) se fait précisément « l'historien de la conquête romaine » (P. Pédech) dans son Histoire, en partie conservée. Du stoïcien Posidonius d'Apamée (IIe-Ier s.), continuateur de Polybe, d'Agatharcide de Cnide (IIe s. av. J.-C.), d'Alexandre Polyhistor, de Timagène ou de Nicolas de Damas (Ier s.), il ne reste que fragments ou témoignages, mais nous lisons en partie la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile, ouvrage de compilation, en grande partie, qui donne la Naissance des dieux et des hommes (L. I et II) et la Mythologie des Grecs (L. IV). Sous l'Empire romain, l'histoire conserve la variété que lui impriment le cadre même des événements, la culture d'auteurs qui ne sont presque jamais exclusivement historiens et les buts qu'ils poursuivent. Denys d'Halicarnasse (Ier s. av. J.-C.-Ier s. apr. J.-C.), contemporain de Strabon, écrit les Antiquités romaines, qui vont des origines de Rome à la première guerre punique, œuvre de diversité qui souligne aussi les liens entre la Grèce et Rome. Arrien (Ier-IIe s.) raconte dans une Anabase, dont le titre marque le souvenir de Xénophon, l'expédition d'Alexandre. C'est la puissance romaine que peignent Flavius Josèphe (Ier s. apr. J.-C.), dans la Guerre des Juifs, auteur qui s'attache aussi à faire connaître l'histoire du peuple juif (Antiquités judaïques), Appien (IIe s. apr. J.-C.) dans l'Histoire romaine, Dion Cassius ou Hérodien (Histoire des empereurs romains de Marc Aurèle à Gordien III), un peu plus tard. Au VIe siècle, Zosime, dans l'Histoire nouvelle, se fait l'historien de la fin de l'Empire.