Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Vennberg (Karl)

Écrivain suédois (Blädinge, Småland, 1910 – 1995).

Poète et critique, il est l'un responsables du mouvement dit des « années 40 », qui introduisit l'existentialisme. Sa Torche de paille (1944), sur un ton ironique et tranchant, prêche une action désespérée hors de tout garde-fou idéologique ou religieux. C'est un des grands directeurs de la conscience littéraire suédoise (Randonnée de pêche, 1949 ; Post-Scriptum, 1960 ; Sept Mots dans le métro, 1971 ; Poèmes autour de zéro, 1983, Tu es mon exil, 1990).

Vepxist'Q'Aosani
(Peau de panthère)

Poème épique géorgien (fin XIIe-début XIIIe siècle) de Chota Rustaveli, parfois aussi appelé le T'ariel, du nom du héros revêtu de la peau du fauve.

La plus grande œuvre de la littérature géorgienne. Nombreux sont ceux qui peuvent la réciter par cœur en entier. Traditionnellement, on en offrait un bel exemplaire aux jeunes mariés.

   Elle se compose, selon l'édition de l'Académie des sciences de Géorgie, de 1 669 quatrains. Chaque vers compte 16 syllabes et se divise en 2 hémistiches de 8 syllabes, chaque hémistiche se divisant à son tour en 2 segments, donc : 1 strophe = 4 vers et 16 segments, 1 vers = 4 segments et 16 syllabes. Le vers de 16 syllabes, ou chaïri, est soit symétrique 4 + 4 (c'est le haut chaïri), soit asymétrique 3 + 5 ou 5 + 3 (c'est le bas chaïri ou chaïri long), le quatrain restant toujours homogène. Dans le haut chaïri la symétrie est équivalente 4 + 4 / 4 + 4, dans le bas chaïri soit équivalente 3 + 5 / 3 + 5 ou 5 + 3 / 5 + 3 soit en miroir 3 + 5 / 5 + 3 ou 5 + 3 / 3 + 5, toujours en tout cas dans la proportion 3 : 5 : 8 ou « nombre d'or ».

   Cette « histoire persane », si l'on en croit le prologue, est une troublante illustration de l'idéologie indo-européenne des trois fonctions mise à jour par Georges Dumézil. Elle raconte l'initiation de deux futurs rois, Avtandil et T'ariel, aidés dans leur quête par un troisième frère juré, déjà roi, Pridon. Naturellement, la lecture trifonctionnelle n'épuise pas toutes les lectures possibles de cette « œuvre ouverte », au sens où l'entend Umberto Eco, où tout est symbolique. Amour courtois, néoplatonisme, orphisme, soufisme, tout a été dit, et à juste titre. Ce qui explique sans doute que cette œuvre aujourd'hui si populaire, fondement et ultime rempart de l'identité nationale, ait pu être brûlée au XVIIIe siècle sur ordre du Catholicos Ant'on Ier, pourtant écrivain lui-même et protecteur éclairé des belles-lettres.

Verboom (René)

Écrivain belge de langue française (Mons 1891 – id. 1955).

Il fit ses débuts dans la revue dadaïste Résurrection, avant de publier la Courbe ardente (1922), hymne à la résurrection de la vie à travers l'amour. Sa production s'accélère après la guerre avec les textes mystiques de Dieu, serez-vous là ?, les poèmes érotiques de Trophea et l'ensemble le Poétique-le veilleur (1950), où il atteint enfin « à l'expression laconique du feu qui brûle » avant de sombrer dans la folie.

Vercel (Roger Crétin, dit Roger)

Écrivain français (Le Mans 1894 – Dinan 1957).

Son expérience de la guerre, notamment dans l'armée d'Orient, lui inspira Notre Père Trajan (1930) puis Capitaine Conan, couronné par le prix Goncourt en 1934. Mais c'est la mer qui est pour lui le territoire non seulement de l'aventure mais de la seule existence que puisse concevoir l'homme, instinctivement. Travaillant sur documents et à partir de conversations avec des héros obscurs, qui n'avaient pas conscience de leur originalité, il évoqua des destins ayant pour point commun la fulgurance suivie d'une retombée nostalgique (Au large de l'Éden, 1932 ; Remorques, 1935 ; Jean Villemeur, 1939 ; la Hourie, 1942 ; Rafales, 1946 ; Ceux de la « Galatée », 1949 ; la Peau du diable, 1950 ; l'Atalante, 1951 ; Été indien, 1956).

Vercors (Jean Bruller, dit)

Écrivain et dessinateur français (Paris 1902 – id. 1991).

D'origine hongroise par son père, il se lance, après des études d'ingénieur, dans une carrière de dessinateur humoriste, de graveur et d'illustrateur, et signe, sous son vrai patronyme, un ensemble remarquable (et trop méconnu) d'albums d'un humour sombre qui évoquent la manière de Gus Bofa et l'expressionnisme de Grosz ou de Dix : ainsi 21 recettes de mort violente (1926) et les quinze fascicules de ses Relevés trimestriels, rassemblés de 1932 à 1938 pour composer son grand œuvre dessiné, la Danse des vivants, vision satirique et sans concession du monde contemporain. Critique d'art apprécié, il collabore à des revues comme les Annales, Marianne ou Vendredi (revue antifasciste, proche du Front populaire), et se lie d'amitié avec un grand nombre d'écrivains, parmi lesquels Jules Romain, Georges Duhamel, Romain Rolland. Son premier parcours permet de comprendre le choc que fut pour lui la victoire de l'Allemagne nazie en 1939. Se refusant à être publié sous l'Occupation, il s'engage dans la Résistance, prenant ce nom de Vercors qui le rendra célèbre lorsqu'il publie le Silence de la mer en 1942, premier ouvrage de la maison d'édition clandestine, les Éditions de Minuit, qu'il vient de fonder avec l'écrivain Pierre Lescure. Dans ce court récit, qui met en scène le vain face-à-face d'un officier allemand cultivé et sensible, Von Ebrennac, et de la famille française chez qui il vit, Vercors dénonce les illusions de l'humanisme dans un monde régi par la haine. Ce texte aura un retentissement littéraire et moral immédiat, et fera la gloire de son auteur, même si les horreurs de la guerre lui inspirent d'autres textes poignants (Ce jour-là, 1943 ; la Marche à l'étoile, 1943 ; l'Impuissance, 1944 ; le Songe, 1944). Il poursuit, après la guerre, sa carrière d'humaniste critique, dans des romans (la Puissance du jour, 1951 ; les Animaux dénaturés, 1952 ; Colères, 1956 ; les Chevaux du temps, 1977 ; le Tigre d'Anvers, 1986), des essais (Plus ou moins homme, 1950 ; les Chemins de l'être, 1965 ; Questions sur la vie, 1973 ; Ce que je crois, 1975), des Mémoires (la Bataille du silence, 1967) et il mènera jusqu'à sa mort une carrière littéraire féconde, marquée par la fermeté de ses engagements politiques (dénonciation de la politique de l'U.R.S.S., et éloignement du P.C.F. ; renvoi de sa légion d'honneur après l'assassinat d'un avocat musulman ; engagement contre la guerre d'Algérie, contre la guerre du Viêt Nam).