Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Bible autorisée
(Authorized Version)

Version anglaise de la Bible établie à la demande de Jacques Ier (1611) ; la traduction fut supervisée par Lancelot Andrewes (1555-1626), conseiller privé du roi et prédicateur réputé. Rédigée en réponse à la version calviniste (de Genève) et à la version anglicane des évêques (1568), sur l'initiative du puritain John Rainold, en un style populaire archaïsant, elle joua un rôle décisif dans l'hébraïsation des mentalités anglaises du XVIIe siècle à nos jours.

Bibliothèque bleue

Cette collection tire son nom du papier bleu qui couvrait des livres de colportage à bon marché, diffusés parmi d'autres marchandises par des colporteurs. Lancée au XVIIe s. par Nicolas Oudot à Troyes, elle a connu jusqu'au milieu du XIXe s. un très grand succès dans toutes les couches de la population, y compris dans les milieux cultivés. Ces livres échappaient en grande partie aux réglementations de l'Ancien Régime. La collection comprenait des almanachs, des manuels de vie pratique ou de piété, des recueils de farces et des œuvres de fiction (Histoire de Robert le Diable, Histoire de Fortunatus). Parmi ces dernières, on remarque la reprise d'anciens romans de chevalerie (les Quatre Fils Aymon) et des contes (Perrault, Mme d'Aulnoy, Mme Le Prince de Beaumont). La « Bibliothèque bleue » a joué un rôle essentiel dans la circulation d'une culture populaire qui allie croyances populaires et thèmes savants, mythes et échos contemporains, moralisme et goût du merveilleux.

Bichsel (Peter)

Écrivain suisse-allemand (Lucerne 1935).

La poésie dépouillée des 21 miniatures du Laitier (1964) consacre son entrée en littérature ; son roman les Saisons (1967), où il évoque l'obsession de l'écriture, lui valut le prix du Groupe 47. Bichsel publie des essais (la Suisse du Suisse, 1969 ; Histoires anachroniques, 1979 ; les Total-démocrates 1998), et des contes (Histoires enfantines, 1969 ; le Busant, 1985 ; Chérubin Hammer, 1999). Sa prose transparente, traduite dans le monde entier, se détache peu à peu du parti pris de naïveté et, accusant les traits grinçants de son style, met en évidence l'absurdité tragique du quotidien.

Bidpay
ou Pilpay

Brahmane hindou (IIIe s. ?).

On attribue à ce personnage semi-légendaire un recueil de fables et d'apologues moraux en sanskrit, dont la source est dans le Pañcatantra. À travers une traduction en pehlvi (VIe s.), puis en arabe (le Kalila wa Dimna d'Ibn al-Muqaffa'), l'ouvrage parvint en Europe dans des versions syriaques, grecques et hébraïques. Jean de Capoue en donna une traduction latine en 1270. C'est une version française (le Livre des lumières ou la Conduite des rois, 1644) que connut La Fontaine, qui s'en inspira.

Biedermeier

D'abord employé pour désigner le style des intérieurs bourgeois du début du XIXe s., le terme s'applique à partir du début du XXe au « bon vieux temps » situé entre le congrès de Vienne et la révolution de 1848, avant la naissance de l'Allemagne moderne, industrialisée et urbanisée. À partir de 1923, les historiens de l'art se servent de l'expression pour caractériser le réalisme sentimental de petits-maîtres tels que Waldmüller, Kersting ou Spitzweg. Depuis 1931, on applique aussi le mot à des écrivains qui, prolongeant classicisme et romantisme, s'opposent à la Jeune-Allemagne, au lyrisme politique et au byronisme du Vormärz : Grillparzer, Raimund, Stifter, Immermann, Gotthelf, Mörike, Annette von Droste-Hülshoff. Créateurs isolés, ceux-ci ont des traits communs liés au contexte politique de leur époque : ils réagissent à sa morosité en lui tournant le dos, se réfugient dans le culte de la tradition locale et de la forme. Malgré leur caractère épigonal, leurs œuvres sont restées vivantes.

Bielinski (Vissarion Grigorievitch)
ou Vissarion Grigorievitch Belinski

Critique et publiciste russe (Sveaborg, près d'Helinski, auj. Suomenlinna, 1811 – Saint-Pétersbourg 1848).

Fils d'un pauvre médecin militaire, il entre en 1829 à l'université de Moscou, dont il est renvoyé pour activité subversive. Il se lance alors dans le journalisme. Ses articles de critique dans les Annales de la patrie (1839-1846) et le Contemporain (1846-1848) l'imposent et vont forger le goût et la pensée russes du XIXe siècle. Venu du romantisme, passé à l'hégélianisme (article sur Hamlet, 1938), puis au matérialisme, Bielinski incarne l'intelligentsia progressiste, hostile aux slavophiles. Condamnant l'art pour l'art (dans ses onze articles sur Pouchkine, 1843-1846), il défend avec passion une littérature réaliste à portée sociale, dont Gogol serait le type accompli. Il est à l'origine de l'« école naturelle » et est considéré comme le précurseur du réalisme socialiste (Regard sur la littérature russe de 1846).

Biélorussie

Différencié au XIIIe s. et devenu langue officielle de l'État lituanien, le biélorusse transcrit d'abord des actes juridiques et des chroniques où perce parfois une contestation sociale. À partir du XVIe s., la Biélorussie subit une polonisation forcée, à laquelle résistent l'humaniste F. Skorina, traducteur de la Bible (1517), ses successeurs les polémistes anticatholiques Symon Budny (1530-1593) et A. Filippovitch (1597-1648) et, au XVIIe, le théologien et poète russophile Siméon de Polotsk. L'interdiction absolue de l'idiome (1697) cantonne enfin celui-ci au folklore, et le XVIIIe s. ne connaît qu'une pâle littérature scolaire. Facteur d'éveil culturel et frein à l'essor linguistique, l'union à la Russie (fin XVIIIe s.) stimule la collecte du patrimoine oral ; pourtant, l'œuvre du poète serf P. Bagrim (1813-1890) est confisquée, tandis que le romantisme nobiliaire de A. Rypinski (1810-1900) et J. Barchtchevski (1794-1851) donne du paysan une vision édulcorée et sentimentale, que récuseront les comédies de Dounine-Martsinkievitch, puis la poésie de F. Bogouchevitch et I. Loutchina (1851-1897). À l'aube du XXe s., ce courant réaliste critique s'épanouit avec les poètes M. Bogdanovitch, A. Tiotka, I. Koupala et I. Kolas, liés aux masses dont ils dénoncent la misère, et expriment en une langue littéraire rénovée les aspirations révolutionnaires et nationales. À partir de 1917, d'abord divisés par la révolution et les luttes idéologiques entre prolétariens et nationalistes au sein de l'association « Molodniak », poètes (I. Koupala, I. Kolas, M. Tcharot, P. Glebka, P. Brovka), prosateurs (Biadoulia, T. Gartnyï, K. Tchornyï, M. Lynkov) et dramaturges (K. Krapiva) s'unissent pour exalter la collectivisation et l'homme nouveau. Longtemps hantée par un conflit qui l'a meurtrie, la Biélorussie sait, après 1956, se dégager des clichés pour élargir le champ de la poésie (A. Koulechov, P. Pantchenko, M. Tank), réenvisager en profondeur le thème de la guerre (A. Adamovitch, V. Bykov, A. Koulakovski) et s'ouvrir aux problèmes moraux et sociaux (I. Chamiakine, V. Karpov, I. Bryl, M. Loban, A. Makaïonok, I. Melej).