Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Senghor (Léopold Sédar)

Écrivain et homme politique sénégalais (Joal, près de Dakar, 1906 – Verson, France, 2001).

Membre de l'ethnie sérère et d'une famille catholique, L. S. Senghor appartenait doublement à une minorité. Son enfance heureuse sur la « petite côte », au sud de Dakar, restera toujours pour lui la source vive de sa poésie. Il fait ses études primaires et secondaires au Sénégal, avant de rejoindre Paris et la Sorbonne pour de brillantes études de lettres. Premier agrégé de grammaire d'Afrique noire, il est également le fondateur, avec Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas, de la revue l'Étudiant noir, qui, en 1934, jette les bases du mouvement de la négritude. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle il est fait prisonnier, Senghor s'engage dans la carrière politique, tout en continuant à exercer son métier de professeur de lettres, d'abord dans des lycées, puis à l'École nationale de la France d'outremer. Après avoir siégé à l'Assemblée constituante et occupé les postes de secrétaire d'État et de ministre dans des gouvernements français, il devient le premier président du Sénégal (1960), ce qui le range aussi dans la catégorie très exceptionnelle des chefs d'État hommes de lettres. Non moins exceptionnelle, surtout en Afrique, est sa renonciation volontaire au pouvoir, en 1980. Il s'engage beaucoup en faveur de la francophonie et il est élu, en 1983, à l'Académie française. Mais, comme il l'a souvent déclaré, l'essentiel, ce sont ses poèmes. Il publie, en 1948, l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. La préface de Jean-Paul Sartre, Orphée noir, connaît un retentissement considérable et contribue à donner au mouvement de la négritude une audience internationale. L'œuvre littéraire de Senghor est constituée de recueils poétiques (Chants d'ombre, 1945 ; Hosties noires, 1948 ; Éthiopiques, 1956 ; Nocturnes, 1962 ; Lettres d'hivernage, 1972 ; Élégies majeures, 1979). Le Recueil Éthiopiques est suivi d'une posftace intitulée « Comme les lamentins vont boire à la source », à la fois art poétique et réponse à ses détracteurs. Ses poèmes, enracinés dans « le Royaume d'enfance » et ses « forêts de symboles », s'inspirent des rythmes traditionnels africains, car « la poésie est chant, sinon musique ». Mais Senghor aime répéter que « le métissage est l'avenir de l'homme » et, en même temps, ses poèmes revendiquent de multiples influences européennes, faisant de lui « un griot qui aurait lu Saint-John Perse ». Ses œuvres comportent aussi des essais et des conférences dont la plupart ont été rassemblés dans les volumes successifs de Liberté I (1964), Liberté II (1971), Liberté III (1977) et Liberté IV (1984). Ce que je crois (1988) trace le bilan d'une vie d'exception animée par la foi dans la poésie. « La Poésie ne doit pas périr. Car alors, où serait l'espoir du Monde ? »

Senoa (August)

Écrivain croate (Zagreb 1838 – id. 1881).

Il est le représentant de la nouvelle orientation littéraire – le réalisme – et a organisé la vie littéraire autour de la revue Vijenac. Dans les romans le Mendiant Luka (1879) et Branka (1881), il décrit la vie contemporaine. Dans ses romans historiques, le Trésor de l'orfèvre (1871) et la Révolte des paysans (1877), il relate le conflit qui a opposé bourgeois de Zagreb et féodaux au XVIe s. et la grande jacquerie de 1573 menée par Matija Gubec.

sensacionismo

Dans la littérature portugaise, le terme désigne le mouvement esthétique qui résulta de la correspondance de Fernando Pessoa avec Mário de Sá Carneiro de 1912 à la mort de celui-ci, en 1916. Dans le « sensationnisme à deux dimensions », dénommé intersectionnisme et dont le poème typique est Pluie oblique, Pessoa se propose d'exprimer l'intersection de deux plans – celui des sensations « apparemment venues de l'intérieur » et celui des sensations « apparemment venues de l'extérieur ».

Sept Sages de Rome (roman des)

Version française d'une série de contes venus d'Orient et répandus dans toute l'Europe médiévale, en France dans la version hébraïque. Célèbre dès le XIIe siècle, le roman est constitué dans sa forme la plus répandue de 15 contes intercalés dans la trame du récit, selon le principe des romans à tiroirs : un roi a condamné son fils à mort sur la foi de fausses accusations de la reine, la belle-mère du jeune homme. Sept sages viennent à tour de rôle conter au roi une histoire dont la conclusion est qu'il faut se méfier des ruses féminines. À chacune de ces histoires la reine en oppose une autre, qui est contraire. Mais c'est elle qui finira par être envoyée au supplice. Très antiféministe, ce roman fut repris dans des textes profanes et religieux. Il reste de ces contes deux versions rimées du XIIIe siècle, une version dérimée et une version latine, le Dolopathos de Jean de Haute-Seille. Dès 1260, un poète français anonyme compose une première continuation intitulée Marques de Rome (douze histoires). Une deuxième continuation, le Roman de Laurin, un roman d'aventures qui dérive vers le roman arthurien, est consacrée à la vie de Laurin, le fils de Marques. Trois autres romans font suite à ces continuations, Cassidorus, qui met en scène deux débats, l'un entre les douze princes de Constantinople et la fiancée de l'empereur Cassidorus, l'autre entre les sept sages de la même ville et le fils de l'empereur, Helcanus, puis Helcanus et Peliarmenus et Kanor.

Sepulveda (Luis)

Écrivain chilien (Ovalle 1949).

Ancien journaliste emprisonné, torturé puis exilé par Pinochet (expérience indélébile qu'il racontera dans le Neveu d'Amérique), il réside depuis plusieurs années à Gijón, dans les Asturies (Espagne). Ses nombreux livres mêlent souvent l'histoire de son pays natal à la poésie et font de lui l'un des auteurs en langue espagnole les plus affirmés d'aujourd'hui. Son premier roman, le Vieux qui lisait des romans d'amour (1993), lui vaut un succès international. Conteur envoûtant et vagabond, il transgresse les frontières génériques que la théorie impose entre nouvelles et romans, chroniques et reportages, dans des récits captivants et lapidaires, proches du thriller (Hot Line et Yacaré, 1997 ; Journal d'un tueur sentimental, 1998). Livre après livre, ses préoccupations demeurent les mêmes : les séquelles laissées en Amérique du Sud par les dictatures militaires (Un nom de torero, 1994), l'écologie militante (le Monde au bout du monde, 1991), le sort des peuples premiers et la lutte pour la vie face aux meurtres commis au nom du profit (les Roses d'Atacama, 2000). Il a écrit un recueil de nouvelles, Rendez-vous d'amour dans un pays en guerre (1996), et un livre pour enfants (Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler).