Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Alembert (Jean Le Rond d')

Mathématicien et écrivain français (Paris 1717 – id. 1783).

Enfant naturel de Mme de Tencin, déposé devant la chapelle de Saint-Jean-Le-Rond, recueilli par la femme d'un vitrier, il s'impose vite en mathématiques, en physique (Traité de dynamique, 1743) et entre à l'Académie des sciences à 24 ans. Il s'associe à Diderot pour mener l'Encyclopédie, dont il rédige le Discours préliminaire, véritable programme des Lumières (1751). Il donne un Essai sur les éléments de philosophie (1759) et s'intéresse à la musique. En 1757, son article « Genève » de l'Encyclopédie, qui défend le théâtre, provoque la Lettre à d'Alembert sur les spectacles de Rousseau. Après 1764, il vit avec Julie de Lespinasse. Membre de l'Académie française en 1754, secrétaire perpétuel en 1772, il est alors une figure centrale du « parti philosophique ». Mais les poursuites contre l'Encyclopédie l'ont conduit à prendre du recul. Il s'est éloigné de Diderot, qui le persifle dans le Rêve de d'Alembert.

Alencar (José Martiniano de)

Écrivain et homme politique brésilien (Mecejana, Ceará, 1829 – Rio de Janeiro 1877).

Il publia des romans indianistes et historiques (le Guarani, 1857 ; Iracema, 1865) avant de peindre les mœurs urbaines (Madame, 1875) ou régionalistes (le Sertanejo, 1876). Iracema (1865) est l'œuvre phare de l'indianisme romantique brésilien : l'Indienne Iracema, « la vierge aux lèvres de miel », abandonne sa tribu pour l'amour d'un Blanc, Martim, le premier colonisateur du Ceará ; abandonnée à son tour, elle meurt en mettant au monde Moacir, « le fils de la douleur ».

Aleramo (Rina Faccio, dite Sibilla)

Écrivain italien (Alexandrie 1876 – Rome 1960).

Son premier roman (Une femme, 1906) est une autobiographie marquée par un féminisme militant. Ses œuvres suivantes oscillent encore entre l'autobiographie et l'engagement politique (Transfiguration, 1922 ; J'aime donc je suis, 1927 ; Forêt d'amour, 1947, recueil de poésies).

Alexandre (Maxime)

Écrivain français d'expression française et allemande (Wolfisheim 1899 – Strasbourg 1976).

Né dans l'Alsace annexée à l'Allemagne, il écrivit ses premiers essais poétiques en allemand. Après le retour de l'Alsace à la France, il vécut douloureusement le problème linguistique de l'écrivain alsacien de sa génération. Lié avec Aragon, puis avec Breton, il participa à l'activité du groupe surréaliste à Paris de 1923 à 1933. Par la suite, son œuvre, poèmes (le Mal de nuit, 1935 ; les Yeux pour pleurer, 1945 ; la Peau et les Os, 1956 ; l'Enfant de la terre, 1965 ; l'Oiseau de papier, 1972) et proses (Mythologie personnelle, 1934 ; Cassandre de Bourgogne, 1939 ; P. R., 1945 ; l'Amour image, 1946 ; Sagesse de la folie, 1952 ; Mémoires d'un surréaliste, 1968 ; Journal, 1976), où revient souvent la question du bilinguisme, conserve la marque du surréalisme français. Quelques écrits, dont le recueil de poèmes Durst und Quelle (1952), sont le fruit d'un retour aux origines et témoignent de l'influence première du romantisme allemand. Il est également l'auteur d'une pièce de théâtre (le Juif errant, 1946), de traductions (Hölderlin, Arp) et de publications sur l'histoire de la littérature allemande.

Alexandre (Roman d')

On réunit sous ce titre des récits composés à partir du début du XIIe siècle en laisses épiques et dont la source principale est un récit grec du IIee siècle attribué au pseudo-Callisthène, traduit en latin par Julius Valerius ; il en existe un résumé, l'Epitomé, daté du IXe siècle. La plus ancienne version, dont il ne reste que les 105 premiers vers, est d'Albéric de Pisançon (avant 1130). Elle a été tour à tour remaniée et amplifiée par un auteur anonyme poitevin (version en décasyllabes vers 1160) puis par Lambert le Tort de Chateaudun, qui a composé une longue continuation en vers de douze syllabes (1170) ; la forme la plus aboutie est le remaniement d'ensemble rédigé par Alexandre de Paris (après 1180), également en vers « alexandrins ». On distingue dans cette version quatre branches. La première conte l'enfance du héros et ses premières conquêtes ; la seconde est le récit d'une razzia menée dans la région de Gaza ; la troisième, la plus longue, va de la conquête de la Perse et de l'expédition en Orient puis en Inde à l'empoisonnement du héros à Babylone ; la quatrième est consacrée à sa mort, à ses funérailles, au partage de son empire. Ces différentes branches oscillent en des proportions diverses entre la tonalité épique, les aventures et éléments merveilleux, et la dimension romanesque d'un héros épris d'absolu, riche des leçons d'Aristote, avide de comprendre et de découvrir autant que d'organiser ses conquêtes et prenant peu à peu conscience des limites de son action sur le monde. Une riche iconographie, encore plus développée dans la version du Roman de toute chevalerie de Thomas de Kent (vers 1175), fait une large part aux aventures merveilleuses (voyage dans le ciel, dans la mer) et aux monstres et merveilles de l'Orient et de l'Inde (les femmes aquatiques et les femmes-fleurs, les trois fontaines magiques, les arbres du Soleil et de la Lune. De nombreuses continuations ont été composées dès la fin du XIIe siècle comme la Vengeance Alixandre, la Prise de Defur, les Vœux du paon de Jacques de Longuyon. Au XVe siècle, à la cour de Bourgogne surtout, Alexandre, l'un des douze preux, devient le plus noble représentant des valeurs chevaleresques, de la « largesse » et de la « prouesse ».

alexandrin

Nom donné au vers dodécasyllabique français en raison de la faveur dans toute l'Europe médiévale d'un Roman d'Alexandre composé entièrement sur ce mètre. En principe émule français du mètre de l'épopée antique (l'hexamètre dactylique), ce n'est pourtant qu'au XVIe siècle que l'alexandrin commence à assurer sa prééminence sur le décasyllabe médiéval : Ronsard l'utilise dans ses poèmes amoureux et politiques, mais, pour son épopée (la Franciade), il lui préfère encore le décasyllabe, jugeant que le vers de douze syllabes, à cause de sa longueur, risque facilement de devenir « prosaïque ». C'est au XVIIe siècle qu'il s'affirme définitivement ; il devient le vers dominant, celui du théâtre classique d'abord, et jusqu'à la fin du XIXe siècle – à travers Hugo et Baudelaire – l'instrument de mesure considéré comme irremplaçable pour la « grande » poésie. Tout en saluant l'apparition du vers libre, Mallarmé persiste à apprécier l'alexandrin comme « le joyau définitif », « le vers de toujours ».

   L'alexandrin peut être considéré comme la concaténation de deux segments indépendants de six « syllabes » (définies selon les lois métriques). La césure centrale fixe, précédée d'une voyelle accentuée, séparant les deux hémistiches, est soumise à une stricte réglementation. Cette série de douze unités offre en vertu des règles de divisibilité (par 2 et par 3, pair et impair), des possibilités suffisantes de découpage interne des segments dans des rapports simples (rythme binaire, ternaire, quaternaire). Les diverses possibilités de gradation (égale, décroissante ou croissante) permettent une variété rythmique intéressante. D'autre part, l'espace du vers long permet statistiquement l'intégration des unités lexicales et syntaxiques du français, sans que le passage à la ligne impose une discipline trop violente.

   La « révolution » romantique tend à « disloquer » l'alexandrin, principalement par l'affaiblissement ou l'effacement de la césure, ce qui peut produire un trimètre (3 x 4), mais aussi des vers marqués par la mise en relief de ruptures a-normales (5 x 7 par exemple), ou dont le mouvement dynamique tient précisément à l'effacement de toute marque ponctuelle intérieure. « L'oreille affranchie d'un compteur factice connaît une jouissance à discerner, seule, toutes les combinaisons possibles, entre eux, de douze timbres » (Mallarmé).

   Chez les poètes contemporains, l'alexandrin n'est pas seulement une survivance anachronique réservée à des conservateurs incorrigibles, et donc l'objet de la raillerie des parodistes (Queneau). On en trouve, outre chez Valéry ou Aragon, soit sous forme de quasi-alexandrins (Apollinaire), soit dans des combinaisons hétérométriques incluant des vers libres, ou enfin dans des séquences prolongées comme les versets (Claudel, Saint-John Perse), comme une sorte de matrice, servant de support à l'élan rythmique.