Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Durrell (Lawrence)

Écrivain anglais (Jullundur, Inde, 1912 – Sommières, Gard, 1990).

Après une enfance heureuse en Inde et des études turbulentes en Angleterre, il devient pianiste de jazz, coureur automobile, agent immobilier et édite à Paris Delta (1937-1939) avec H. Miller, qui restera son maître et son ami. Rangé dans les services diplomatiques à Alexandrie, à Belgrade, à Chypre (Citrons acides, 1957), il célèbre les incertitudes et les beautés méditerranéennes. Apatride de cœur, il décrit une ville en ceux qui y retrouvent racine (le Quatuor d'Alexandrie : Justine, Balthazar, Mountolive, Clea, 1957-1960). Une complexité de points de vue qui se réclame du relativisme einsteinien pour dépeindre les mœurs d'une société « permissive » : amour, sexe et connaissance sont indissociables ; érotisme et exotisme sont de plus en plus quiétistes, car le désir est frustré par sa satisfaction (Sappho, 1962 ; Tunc, 1968 ; Nunquam, 1970). Il évoque avec humour l'ambiance des ambassades dans les nouvelles consacrées au personnage d'Antrobus. Le cynisme plus tranché des dernières œuvres (le Quintette d'Avignon : Monsieur ou le Prince des ténèbres, Livia ou Enterrée vive, Constance ou les Pratiques solitaires, Sebastian ou les Passions souveraines, Quinte ou la version Landru, 1974-1985) comme des manifestes (le Grand Suppositoire, 1972) traduit le désir d'en finir avec les intimidations culturelles (le Sourire du Tao, 1980).

Dürrenmatt (Friedrich)

Écrivain suisse-allemand (Konolfingen/Berne 1921 – Neuchâtel 1990).

Fils de pasteur, il se consacre tôt à la peinture et à la littérature. Déjà auteur de nouvelles (la Ville, 1952), il trouve une large audience avec son premier roman métaphysico-policier, le Juge et son bourreau (1952), où il explore le monde judiciaire et montre que la déduction logique ne peut résoudre les énigmes de l'existence. La même conviction anime le Soupçon (1953), la Promesse (1958), le Retraité (1978) et Justice (1985). C'est à la scène que Dürrenmatt s'est montré le plus original, et cela dès les Anabaptistes (1947/1967) et Romulus le Grand (1949). Il a expliqué dans Écrits sur le théâtre (1966) comment l'hypertrophie de l'appareil d'État, en annulant la responsabilité individuelle, rendait le genre tragique impossible. Toutes ses pièces (Un ange vient à Babylone, 1953 ; la Panne, 1961) sont donc des comédies grinçantes où s'expriment un sentiment d'impuissance et une inquiétude religieuse condamnée à demeurer sans réponse. Dans la Visite de la vieille dame (1956), Dürrenmatt met en scène une richissime vieille dame revenue au pays natal pour se venger de celui qui, jadis, l'a trahie et abandonnée dans la misère, Ilg. Elle propose un milliard à ses compatriotes pour qu'ils tuent Ilg et les voit succomber à la tentation puis commettre un meurtre déguisé en acte de justice. Cependant Ilg, par un retour sur soi, reconnaît sa faute et accepte le châtiment. À travers une succession de situations grotesques et parodiques, la pièce dénonce l'hypocrisie et la vénalité de la société de consommation. Les Physiciens (1961) interrogent la responsabilité des scientifiques dans l'élaboration de l'arme atomique. On lui doit encore des essais politiques et philosophiques qui mettent en œuvre une « pensée dramaturgique » (Sur Israël, 1976 ; Sujets, 1981 ; Mise en œuvres,1981; Répliques, 1996).

Durych (Jaroslav)

Écrivain tchèque (Hradec Králové 1886 – Prague 1962).

Auteur catholique, il témoigne de sa quête d'absolu dans ses ballades (À la plus belle, 1928), et sa trilogie historique (Errances, 1929), ses romans (Dans les montagnes, 1919 ; Requiem, 1930 ; Chant de la rose, 1934 ; Carnaval, 1938) et ses nouvelles (Trois Liards, 1919 ; Marguerite, 1925). On lui doit aussi des essais (Otokar Brezina, 1918-1931 ; Ecce homo, 1928 ; le Chemin de l'art, 1929) et des récits de voyages.

Dutourd (Jean)

Écrivain français (Paris 1920).

Après le Complexe de César (1946), essai remarqué par Roger Caillois, Au bon beurre (1952), évocation de la vie parisienne sous l'Occupation, et les Taxis de la Marne (1956), sur la débâcle de juin 1940, lui gagnent un large public. Chroniqueur à France-Soir, polémiste caustique, académicien (depuis 1978), il enchaîne les essais défendant la morale et le style (le Fond et la Forme, 1958-1965 ; le Bonheur et autres idées, 1980 ; Ça bouge dans le prêt-à-porter, 1989 ; À la recherche du français perdu, 2000 ; le Siècle des lumières éteintes, 2001), et les romans-conversations (les Horreurs de l'amour, 1963 ; Pluche ou l'Amour de l'art, 1967 ; les Mémoires de Mary Watson, 1980 ; Trilogie française, 1997). Le Feld Maréchal von Bonaparte (1996), proposant une vision idyllique de l'Ancien Régime, témoigne encore du caractère réactionnaire de l'œuvre. Dutourd publie en 2000 son autobiographie, Jeannot, mémoires d'un enfant.

Dutt (Michael Madhusudan)

Poète et dramaturge indien de langue bengalie (Jessore 1824 – Calcutta 1873).

Admirateur des auteurs grecs et latins, connaissant le sanskrit et plusieurs langues européennes, il apporta une vision et une forme nouvelles dans ses œuvres épiques, qu'il libéra de la rime et de la césure fixe (Poème sur la mort de Meghnad, 1861). Il introduisit le sonnet (Caturdaspadi kavitavali, 1865), écrivit des épîtres en vers et des odes. Ses pièces de théâtre – drames ou satires – urent très appréciées.

Duun (Olav)

Écrivain norvégien (Jøa 1876 – Botne 1939).

Son œuvre se déroule dans le milieu des pêcheurs-paysans de la côte norvégienne, où la langue utilisée est le nynorsk, ou néonorvégien. Les personnages sont engagés dans une lutte personnelle souvent tragique : on pense notamment à l'infirme du premier roman, De travers (1909), qui, pour compenser son complexe d'infériorité, se cache derrière une carapace de dureté. Les Gens de Juvik (1918-1923) reconstituent l'histoire d'une famille de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle. Le problème du mal est repris dans la trilogie Nos contemporains (1929), Ragnhild (1931) et les Dernières Années (1933) ; Hommes et Puissances (1938) clôt la réflexion sur la culpabilité universelle.