Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Arnobe l'Ancien

Écrivain latin d'Afrique (IIIe s. apr. J.-C.).

D'abord violemment antichrétien, il écrivit, peu après sa conversion (tardive), une apologie du chritianisme en 7 livres, Contre les païens (Adversus nationes), qui comporte nombre d'erreurs dogmatiques, mais constitue une satire du paganisme pittoresque et pleine de verve, et contient déjà l'argument du « pari » pascalien.

Arnold (Matthew)

Écrivain anglais (Laleham, Middlesex, 1822 – Liverpool 1888).

Après des études dans le collège de son père, Thomas Arnold (1795-1842), qui avait fait de l'école de Rugby le modèle de l'éducation religieuse et culturelle anglaise, et une crise de dandysme, il devient inspecteur des Écoles (1851) et professeur de poésie à Oxford (1857), après avoir publié sous l'initiale A. deux recueils de poèmes austères et angoissés (Empédocle sur l'Etna, 1852). Ami de Newman et de Renan, Arnold prône l'hellénisme contre l'hébraïsme, la culture contre la civilisation (le mécanisme industriel) et l'anarchie (le capitalisme individualiste et agressif) : à une époque où la religion est en perte de vitesse, l'intelligentsia doit remédier à « l'inconfort spirituel du siècle » (Culture et Anarchie, 1869 ; Dieu et la Bible, 1875 ; Essais sur l'Église et la religion, 1877). C'est à l'État et à l'école, dont il a étudié les méthodes en Europe (Écoles et universités continentales, 1868), que revient la tâche de lutter à la fois contre les oppressions sociales et le matérialisme bourgeois.

Arnothy (Christine)

Romancière française (Budapest 1930).

Elle est révélée en 1952 par un roman autobiographique, J'ai quinze ans et je ne veux pas mourir (1952), auquel elle a donné deux suites, Il n'est pas si facile de vivre (1957) et Embrasser la vie (2001). Journaliste, elle poursuit depuis la peinture de l'impossible chasse au bonheur et à la justice dans des récits où l'analyse psychologique se mêle à la satire des institutions (J'aime la vie, 1976 ; l'Ami de la famille, 1984 ; Malins Plaisirs, 1998).

Arp (Hans)
ou Jean Arp

Peintre, sculpteur et poète français de langue allemande et française (Strasbourg 1887 – Bâle 1966).

Né dans l'Alsace annexée à l'Allemagne, de père allemand et de mère alsacienne, il écrit ses premiers textes en dialecte et en allemand. Cofondateur du dadaïsme à Zurich (1916), il épouse en 1921 Sophie Taeuber (1889-1943), s'installe en 1926 à Meudon et participe au mouvement surréaliste : il écrit alors des poèmes en français. Il laisse tant en allemand qu'en français une œuvre abondante et novatrice, placée sous le signe du dadaïsme et du surréalisme, mais où il cultive aussi un humour tendre et cocasse fait de rapprochements insolites, jeux de mots et images alogiques (« arpades »). Ses textes français (poèmes, essais, souvenirs 1920-1965) ont été recueillis dans Jours effeuillés (1966), et ses œuvres allemandes réunies dans Wortträume und schwarze Sterne (1953), Unsern täglichen Traum (1955), Worte mit und ohne Anker (1957), Mondsand (1960), Sinnende Flammen (1961), Gesammelte Gedichte (I, 1963 ; II, 1974).

Arpiarian (Arpiar)

Écrivain arménien (Samsun 1851 – Le Caire 1908).

Auteur de nouvelles, il évolua du romantisme vers un réalisme pénétré de passion politique : la Dîme rouge (1901) oppose les compromissions de la riche bourgeoisie de Constantinople à la lutte des provinces contre le joug turc.

Arpino (Giovanni)

Écrivain italien (Pola 1927 – Turin 1987).

Journaliste, il est l'auteur de romans et de nouvelles où la critique sociale tient une grande place (Serena, 1959 ; Un délit d'honneur, 1961 ; le Bonheur secret ou le Fils du colonel Illuminati, 1964 ; Il fratello italiano, 1980 ; Passo d'addio, 1986).

Arrabal (Fernando)

Écrivain et cinéaste espagnol d'expression espagnole et française (Melilla, Maroc, 1932).

Fils d'un officier de convictions républicaines qui meurt en prison en 1942, Arrabal connaît une enfance et une adolescence tourmentées qui donneront à son œuvre une dimension de révolte contre le pouvoir, la morale et l'Église. Ses premières pièces datent des années 1950 (Pique-nique en campagne, 1952 ; Tricycle, 1953, qui obtient l'année suivante le prix du Théâtre d'essai), mais son œuvre prend véritablement son essor à partir de son installation à Paris, en 1954. Il écrit désormais en français des pièces et des romans (Baal Babylone, 1959 ; l'Enterrement de la sardine, 1961). Son théâtre s'oriente, dans la lignée d'Artaud, vers une cérémonie cruelle, jouant de la réversibilité de la victime et du bourreau, de la perversion sexuelle, de la nécrophilie et du blasphème. À ces éléments de provocation Arrabal mêle une quête d'ordre mystique, visant l'épiphanie d'un sacré en définitive mal défini. Dès lors se déploie dans son œuvre une conscience à la fois tragique et bouffonne où le mauvais goût, voire le sordide, côtoient le sublime et le magique (le Grand Cérémonial, 1963 ; le Jardin des délices, 1967 ; Bestialité érotique 1968). L'imaginaire y est poussé jusqu'au délire, dans une inspiration surréaliste qui donne lieu à l'invention de formes baroques, déroutantes et surchargées. Cette écriture du jaillissement et de la profusion se veut néanmoins canalisée par un principe d'écriture rigoureux, inspiré de la science dans sa version rationnelle (les mathématiques) ou fictionnelle (le jeu d'échecs avec la Tour, prends garde, 1983, et plus globalement la science-fiction).

   Cette abondante œuvre dramatique, délibérément provocatrice et répétitive, se donne pour projet d'accélérer la décomposition de la culture occidentale ; à ce titre, elle se dote d'une dimension idéologique et politique forte. L'allusion politique est perpétuellement contaminée par l'inspiration fantastique (le Cimetière des voitures, 1966 ; Et ils passèrent des menottes aux fleurs, 1969 ; Sur le fil, 1974 ; Jeunes Barbares d'aujourd'hui, 1975 ; la Cervelle du jaguar, 1978 ; l'Extravagante Croisade d'un castrat amoureux, 1989). Cette inspiration se déploie dans des formes théâtrales engagées (l'Aurore rouge et noire, 1968), mais aussi au cinéma (Viva la muerte, 1971 et J'irai comme un cheval fou, 1973) ainsi que dans des essais (Lettre au général Franco, 1972 ; Lettre à Fidel Castro, 1984). Au début des années 1960, Arrabal fonde le mouvement « Panique » avec la complicité de Roland Topor et d'Alejandro Jodorowski ; il revendique un art d'inspiration cannibale, où la dérision, poussée à l'excès, vise à secouer profondément le spectateur. Toutefois, l'œuvre d'Arrabal perd en spontanéité et en force dans les années 1970 ; le jaillissement de l'imaginaire, dans la lignée surréaliste, devient procédé outrancier et la violence se fait artificielle. En 1988, Arrabal crée la Traversée de l'empire au Théâtre national de la Colline à Paris, sans rencontrer de succès véritable.