Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Gautier d'Arras

Poète français (XIIe s.).

Contemporain et rival de Chrétien de Troyes, écrivant pour les cours de Baudoin de Hainaut, de Thibaut V de Blois, de Marie de Champagne et de Béatrice de Bourgogne, femme de Frédéric Barberousse, il a composé entre 1176 et 1184 deux romans en vers qui, rompant avec le modèle romanesque arthurien, s'ouvrent vers l'Est – Rome, Byzance –, tout en questionnant l'évolution psychologique des personnages. Éracle (du nom de Héraclius, premier empereur chrétien de Constantinople) combine le modèle hagiographique de la naissance miraculeuse du futur héros, le motif folklorique des trois dons permettant au jeune homme de savoir la vérité sur les pierres, les chevaux et les femmes et d'assurer ainsi son ascension sociale (il devient dans un premier temps le conseiller de l'empereur de Rome et finira empereur de Byzance), ainsi qu'une histoire d'adultère mettant en cause l'impératrice et illustrant la vanité de la jalousie conjugale. L'entrelacement de ces thèmes n'est pas totalement réussi. Mais peut-être Gautier a-t-il voulu consciemment ouvrir la fiction romanesque à la diversité des espaces en contact, à la diversité des cultures (la victoire d'Héraclius, l'empereur chrétien de Rome, contre l'empereur de Perse Crosoès) tout en approfondissant et en moralisant un problème de casuistique courtoise : trop jaloux, l'empereur de Rome est ici le responsable de l'infidélité de son épouse, comme le lui démontre Éracle.

   Tout aussi novateur, Ille et Galeron élargit au format d'un roman le lai d'Eliduc de Marie de France, fondé sur le motif de l'homme partagé entre l'amour de deux femmes. Gautier étoffe la trame du lai en décrivant longuement les batailles que livre Ille, pour la défense de Rome, par exemple. Plus intéressantes sont pour le lecteur moderne les analyses fouillées dans lesquelles se complaît un héros qui, devenu borgne, se persuade que son épouse, Galeron, ne peut plus l'aimer ; rassuré un temps par l'amour que lui porte la fille de l'empereur, Ganor, il finit par retrouver sa confiance en lui et sa juste place dans le monde (empereur de Rome) grâce à l'amour et à l'effacement volontaire de sa première épouse.

Gautier de Coincy

Poète français (Coincy 1177 – Soissons 1236).

Moine de Saint-Médard et prieur de Vic-sur-Aisne, c'est un rimeur méticuleux de poèmes religieux. Le recueil des Miracles de Notre-Dame (1218) forme son œuvre principale. Si sa vision de la société ressemble à celle des clercs de son époque, plus originale est sa façon de combiner culture savante et folklore, d'adapter des modèles latins à un public apparemment aristocratique, tout en donnant un décor régional à des récits traditionnels. Par la variété des situations, l'auteur propose à chacun de réfléchir sur sa condition et sur le chemin à emprunter pour retourner à Dieu. La Vierge, à qui il voue une grande dévotion, joue un rôle de médiatrice entre l'homme et Dieu, mais aussi entre l'homme et la société, dans la mesure où elle concentre en sa sainte personne les soucis de justice et de progrès pacifique. Son écriture se distingue par sa forte charge poétique, comme miroir de la vie et de l'expérience religieuse.

Gauvin (Axel)

Écrivain réunionnais de langue française (Saint-Denis de la Réunion, 1944).

Cet agrégé de sciences naturelles s'est très tôt engagé dans un combat militant pour la reconnaissance de la langue et de la culture réunionnaises au sein de l'espace français, en publiant un essai (Du créole opprimé au créole libéré, 1977) ainsi que des transcriptions de contes oraux et des traductions en créole. Ses romans, écrits dans un français travaillé d'insertions créoles, évoquent de façon suggestive des scènes et des portraits typiques de son île : Quartier Trois Lettres, 1980 ; Faims d'enfance, 1987 ; l'Aimé, 1990 ; Cravate et fils, 1996 ; Train fou, 2000.

Gauvreau (Claude)

Écrivain et critique d'art québécois (Montréal 1925 – id. 1971).

Ami du peintre Borduas et signataire du manifeste Refus global, il mène campagne pour l'art moderne et organise, en 1954, une exposition d'œuvres automatistes. Il poursuit la même démarche en poésie par la désarticulation du langage, l'invention de mots et de rythmes nouveaux (Brochuges, 1957). Il tente un théâtre de l'absurde et de l'impossible (Les oranges sont vertes, 1971) à l'instar d'Antonin Artaud, dont la destinée tragique le fascine ; après plusieurs séjours dans des hôpitaux psychiatriques, il se suicide. Ses Œuvres créatrices complètes paraissent en 1977.

Gay (John)

Écrivain anglais (Barnstaple, Devon 1685 – Londres 1732).

Appartenant à un cercle de beaux esprits (Pope, Swift, Arbuthnot), il est d'abord journaliste pour l'Apollon britannique et publie en 1711 un pamphlet intitulé l'État actuel de l'esprit. En 1713, le poème Plaisirs ruraux décrit en termes délibérément outrés les joies de la campagne ; Trivia, ou l'Art de se promener dans les rues de Londres poursuit dans cette veine satirique. Mais Gay devient surtout célèbre pour ses œuvres scéniques, et si la postérité a retenu son nom, c'est grâce à son Opéra du gueux (1728), parodie du grand genre, où les héros mythologiques sont remplacés par des brigands et des prostituées, et les arias à l'italienne par de simples chansons. Gay y reflète la dégradation morale de la société et s'en prend au gouvernement de Robert Walpole (la suite, Polly, fut interdite de représentation par ordre du Premier ministre).

Gazdanov (Gaïto) , pseud. de Georgi Ivanovitch

Écrivain russe (Saint-Pétersbourg 1903 – Munich 1971).

Il s'installe à Paris à partir de 1923 et gagne sa vie comme chauffeur de taxi. Son livre le plus connu, Une soirée chez Claire (1930), l'a fait considérer comme un « Proust  russe ». Écrit à la première personne, ce roman à la fois lyrique et épique se consacre à l'étude du sentiment amoureux, en recourant au procédé du « courant de conscience ».

Gee (Maurice)

Écrivain néo-zélandais (Whakatave 1931).

Après avoir été professeur et bibliothécaire, il se consacre à l'écriture. Il devient célèbre avec sa trilogie : Plumb (1978) retrace la vie du prébystérien George Plumb au tournant du XXe s., Meg (1981) traite de la plus jeune fille de ce dernier qui traverse le siècle, et enfin l'Unique survivant (1983) dont le personnage principal, Raymond Sole, journaliste, décrit une Nouvelle-Zélande contemporaine où la famille est désormais déchirée et divisée par la pauvreté. Nouvelliste (Une belle matinée, camarade, 1975), Gee est un romancier populaire parce qu'il explore les différents aspects de la vie dans son pays (les Rôdeurs, 1987) et différents genres, comme la littérature policière (Corps vivants, 1998).