Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Scheffel (Joseph Victor von)

Écrivain allemand (Karlsruhe 1826 – id. 1886).

Juriste de formation, peintre et écrivain par vocation, il a écrit une épopée en vers, le Trompettiste de Säckingen (1854), et un roman historique et médiéval, Ekkehard (1855), qui ont fait de lui un des auteurs les plus lus de la bourgeoisie allemande du XIXe siècle. Certaines de ses chansons à boire et de ses chansons d'étudiants (« Vieil Heidelberg, ma belle cité... », « Quand les Romains, devenus insolents... », « Allons, il fait frais, l'air est pur... ») sont longtemps restées populaires.

Schéhadé (Georges)

Poète et auteur dramatique libanais de langue française (Alexandrie 1907 – Paris 1989).

S'il se lia d'amitié avec les poètes de la N.R.F. (G. Bounoure, J. Supervielle, Saint-John Perse, qui le publie dès 1930 dans la revue Commerce), sa poésie se place à l'origine dans la mouvance du surréalisme par l'attention qu'il prête au rêve, à la spontanéité, au bourdonnement des mots, à la signification née de leur rencontre inattendue, à la fraîcheur de l'invention juvénile (Poésies, 1938 ; Rodogune Sinne, 1946 ; Poésies II, 1948 ; Poésies III, 1949 ; l'Écolier sultan, 1950). Sa poésie, d'apparence simple, colorée par l'Orient du pays des Rois mages, tend vers le plus grand dépouillement, pour aboutir à l'Anthologie du vers unique (1977), faite du vers préféré de chaque poète français, et au Nageur d'un seul amour (1985). Parallèlement, Schéhadé se fait connaître par son théâtre qui transpose l'univers onirique et fabuleux de ses poèmes. Monsieur Bob'le (écrit en 1938, créé en 1951) fut l'occasion d'une vigoureuse campagne contre la critique routinière, incapable de saisir la rencontre de l'humour et de la poésie moderne. La Soirée des proverbes (1954), Histoire de Vasco et Récit de l'an zéro (1956), le Voyage (1961), l'Émigré de Brisbane (1965), autant de pièces adoptant le ton des légendes pour retrouver le jardin d'enfance au ciel d'enluminure angélique. Il en découle une dramaturgie tendue de rebondissements et de scènes pathétiques, disant paraboliquement les vérités les plus drues. Auteur du scénario de Goha le simple (1956) pour J. Baratier, Schéhadé a adapté l'Habit fait le prince, pantomime d'après G. Keller (1958). En 1986, l'Académie française lui décerne le premier Grand Prix de la francophonie pour l'ensemble de son œuvre.

Schelandre (Jean de)

Poète français (Gametz, Lorraine, 1584 – Soumazannes, Meuse, 1635).

La tragédie qui rendit célèbre ce protestant militant, Tyr et Sidon (1608), est un compromis entre la tragédie humaniste et le goût du romanesque. Remaniée en 1628, précédée d'une préface « moderne » de F. Ogier hostile à une application stricte des règles, elle devint une tragi-comédie mêlant hardiment les registres. On doit encore à Schelandre une épopée, la Stuartide (1611), et les Sept Excellents Tableaux de la pénitence de saint Pierre (1609-1635).

Scherfig (Hans)

Écrivain danois (Copenhague 1905 – id. 1979).

Journaliste marxiste, connu pour sa facture burlesque et naïve, il se livre, généralement avec humour, à une peinture satirique de la société bourgeoise sous la forme de romans policiers, composés d'après des modèles anglo-saxons (l'Homme mort, 1937 ; le Chef de bureau disparu, 1938 ; Idéalistes, 1944 ; le Scorpion, 1953 ; le Singe égaré, 1964). On lui doit également des récits de voyage en U.R.S.S., en Roumanie et au Kirghizistan.

Schickele (René)

Écrivain français de langue allemande et française (Obernai 1883 – Vence 1940).

Défenseur de la mission médiatrice de l'Alsace entre la France et l'Allemagne (Hans et son sac à malices, 1915). Directeur, à Zurich, de la revue Die weissen Blätter (1915-1920), il fut l'un des chefs de file de la tendance pacifiste de l'expressionnisme (l'Étranger, 1909). Sa trilogie l'Héritage sur le Rhin est consacrée au problème alsacien. Lors de la montée du national-socialisme, il se retira en Provence, où il écrivit ses deux chefs-d'œuvre, la Veuve Bosca (1933) et la Bouteille à la mer (1937), ainsi qu'un livre de souvenirs en français, le Retour (1938).

Schicksalsdrama

Mot allemand signifiant « drame du destin » qui désigne un genre dramatique où s'exprime un fatalisme semblable à celui des récits fantastiques de Tieck ou de E. T. A. Hoffmann. Meurtre, inceste, malédictions fournissent souvent le thème de ces pièces où un enchaînement de prédictions mystérieuses et d'événements fatals amène l'anéantissement d'un ou plusieurs personnages. Z. Werner, s'inspirant de la Fiancée de Messine de Schiller, a montré la voie avec le 24 février (1810). Il fut suivi par A. Müllner (le 29 février, 1812) et E. von Houwald (le Retour au pays, 1821). Le genre, réputé « facile », fut souvent parodié (Platen, la Fourchette fatale, 1826).

Schierbeek (Lambertus Roelof, dit Bert)

Écrivain néerlandais (Glanerbrug 1918 – ? 2006).

Collaborateur de Het Woord puis de Braak, il publie une œuvre aux frontières de la poésie et du roman, dans laquelle la présentation typographique joue un rôle important et qui, plus récemment, fait ouvertement place aux données autobiographiques (Formentera, 1984). Il a également écrit des essais sur le bouddhisme et la fonction créatrice.

Schildt (Runar)

Écrivain finlandais de langue suédoise (Helsinki 1888 – id. 1925).

Ses nouvelles sobres et dépouillées évoquent la vie et les souffrances sourdes des humbles de la campagne (la Mariée du sorbier, 1917), où règne la superstition populaire (la Forêt des sorciers, 1920), composent la tragédie d'une mère pendant la guerre civile (le Retour, 1919). La Figurine en bois de gibet (1922), œuvre dramatique dense et sombre, continue à inspirer des mises en scène contemporaines.

Schiller (Friedrich von)

Écrivain allemand (Marbach, Wurtemberg, 1759 – Weimar 1805).

Fils d'un chirurgien militaire, il fréquente sur l'ordre du duc de Wurtemberg l'école militaire que celui-ci venait d'instituer, y étudie le droit et la médecine (1773-1780), puis est affecté comme médecin militaire dans un régiment de Stuttgart. Très tôt, il s'essaye au drame et à la poésie lyrique et édite en 1782 une Anthologie dont les poèmes, en majorité de sa plume, retracent l'évolution qui l'a mené de l'imitation de Klopstock au réalisme du Sturm und Drang. On y trouve une critique sociale acerbe et l'expression d'une sensibilité tourmentée, balançant entre un culte rousseauiste de la nature et une hantise de la mort héritée du piétisme. Ces éléments se retrouvent dans les drames de sa première période. Le héros y fait l'expérience douloureuse de la contradiction entre l'aspiration à l'idéal et les limites de la condition humaine. Les Brigands (1781), tragédie dont l'intrigue oppose deux frères, un coquin froidement calculateur et un idéaliste, reçoit lors de sa création à Mannheim un accueil triomphal qui détermine Schiller à s'enfuir de Stuttgart pour se réfugier au Palatinat. Il y mène sous un nom d'emprunt une existence difficile avant d'être engagé pour un an comme dramaturge du Théâtre national de Mannheim, qui donne, en 1783, sa Conjuration de Fiesque et, en 1784, sa tragédie bourgeoise Intrigue et Amour.

   En 1785, Schiller se rend en Saxe à l'invitation de Ch. G. Körner et écrit son Ode à la Joie. Il publie dans une revue qu'il vient de fonder, Die Rheinische Thalia, des récits (le Criminel par honneur perdu) et un roman à succès, le Visionnaire (1787-1789), et termine sa tragédie Don Carlos, vibrant plaidoyer pour la liberté de conscience et premier exemple chez Schiller d'un drame en pentamètres ïambiques, vers du théâtre classique allemand. Parallèlement, il se tourne vers les études historiques (Histoire de la défection des Pays-Bas, 1787 ; Histoire de la guerre de Trente Ans, 1792) et collabore au Deutscher Merkur de Wieland. Nommé en 1788 professeur sans traitement à l'université de Iéna, il peut, grâce à la générosité d'un prince, se vouer à l'étude de la philosophie. Très influencé par Kant, il exprime ses propres idées dans de grands poèmes comme les Dieux de la Grèce ou les Artistes. Dans plusieurs traités (Sur la grâce et la dignité, 1793 ; Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme, 1795), il systématise sa pensée en une esthétique de la liberté.

   En 1794, Schiller parvient à lier connaissance avec Goethe. Il en résulte un intense échange d'idées et une étroite collaboration littéraire qui marque l'apogée du classicisme allemand, dont un des organes les plus marquants fut la revue Die Horen, que Schiller dirigea de 1795 à 1797. Dans Poésie naïve et Poésie sentimentale (1795-1796), il établit, en partant des œuvres de Goethe et des siennes, une typologie littéraire qui oppose une sensibilité « antique » à une sensibilité « moderne ». Les deux auteurs publient en commun des Xenien (1797) et des Ballades (1798). En 1799, Schiller s'établit définitivement à Weimar, où il compose les chefs-d'œuvre dramatiques de sa maturité. Il achève cette même année la grande trilogie Wallenstein, qui montre l'homme d'action entraîné par une nécessité historique qui le force à agir. Marie Stuart (1800) met au centre de son action l'acceptation du supplice et la purification morale de l'héroïne. Dans la Pucelle d'Orléans (1801), Schiller s'éloigne délibérément de l'exactitude historique et donne une grande place au merveilleux, tout en faisant de Jeanne d'Arc l'exemple de sa conception du sublime. La Fiancée de Messine (1801), tragédie avec chœurs, intègre l'expérience shakespearienne au modèle antique et place au centre de l'action les thèmes du destin et de la faute. Dans Guillaume Tell (1804), c'est tout un peuple de frères qui est le héros d'une pièce dominée tout entière par l'idée de liberté.

Les Brigands [1781]. Ce sombre drame est l'histoire de deux frères dissemblables. L'aîné, Karl de Moor, beau, doté de toutes les qualités, aimé de tous, se fait chef de brigands parce qu'il se croit rejeté par son père ; ce n'est qu'une machination ourdie par son frère jaloux, Franz. Mais, quand éclate la vérité, il est trop tard : à la tête de ses brigands, Karl a commis trop de méfaits. Le père meurt, Franz se tue pour échapper à la punition et Karl se livre à la justice après avoir tué sa fidèle fiancée. Malgré les invraisemblances, la pièce agit encore sur le spectateur par la vigueur du langage et par le rythme de l'action. Dans le personnage de Karl, bandit idéaliste et idéalisé, des générations de jeunes Allemands ont reconnu leur propre révolte. On trouve pourtant chez le jeune Schiller un doute fondamental quant à l'ordre du monde et à la valeur des entreprises humaines.

Wallenstein, trilogie dramatique qui évoque le destin de Wallenstein, général en chef des troupes impériales pendant la guerre de Trente Ans. Elle comprend un prologue, le Camp de Wallenstein (1798) ; les Piccolomini (1799), qui dévoilent l'ambition de Wallenstein de devenir roi de Bohême ; la Mort de Wallenstein (1799), condamné par l'Empereur. Schiller a mis au centre de son œuvre le problème de la liberté dans l'action : Wallenstein croit accomplir librement son destin, mais en fait il ne parvient pas à en avoir une pleine conscience, ce qui l'entraîne dans la mort.

Guillaume Tell, drame en 5 actes (1804). C'est la dernière pièce qu'il ait pu achever. À travers un sujet mi-historique, mi-légendaire (l'insurrection des cantons suisses à la fin du XIIIe s.), elle pose des problèmes qui n'ont cessé de préoccuper Schiller comme historien et comme philosophe : celui de la tyrannie détruisant l'harmonie naturelle des relations entre hommes libres, celui de la légitimité de l'insurrection, voire du tyrannicide, celui de l'action individuelle ou collective. Une double prise de conscience, celle de Tell lui-même et celle du peuple suisse, aboutit à un acte libérateur : en même temps que Tell tue le tyran Gessler, le peuple se soulève et reconquiert sa liberté.