Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Syrie

La renaissance des lettres arabes (« al-Nahda ») doit aux pionniers syriens autant qu'aux Libanais et aux Égyptiens. À Alep fut fondée la première imprimerie arabe en 1712, et un Alepin, Rizqallah Hassûn, créa le premier journal en langue arabe (Mir'at al-Ahwâl). À Damas fut instituée la première académie scientifique arabe (1919).

   Représentée par des poètes néoclassiques comme Butrus Karâma (1774-1851), Amîn al-Jundî (mort en 1841) et Badawî al-Jabal (Sulaymân Ahmad), la poésie syrienne resta longtemps académique. Quatre poètes retiennent ensuite particulièrement l'attention : 'Umar Abû Rîcha (1910-1990), auteur de vers patriotiques, lyriques et philosophiques d'une grande virtuosité ; Nizâr Qabbânî (1923-1998), l'un des poètes les plus populaires du monde arabe, peu respectueux des tabous et n'hésitant pas à prendre violemment parti sur des problèmes brûlants (la défaite de 1967, les divisions interarabes, les régimes policiers) ; Muhammad al-Mâghût (né en 1934), défenseur des opprimés et des petites gens ; et Adonis (né en 1930), un des plus importants poètes arabes contemporains, dont l'œuvre témoigne d'une constante inquiétude métaphysique. Le roman s'ouvre aux problèmes de la vie grâce à Chakîb al-Jâbiri (Fringale, 1937). Il puise ses sujets dans la politique avec Muta' al-Safadî (la Génération du destin, 1960) et Fâris Zarzûr (les A-sociaux, 1971), s'engage aux côtés des petites gens avec Hannâ Mîna, écrivain de la mer et chef de file des écrivains réalistes (la Voile et la Tempête, 1966).

   La nouvelle a comme principaux pionniers Muzaffar Sultan et surtout 'Abd al-Salâm al-'Ujaylî, considéré comme un maître du genre. Le drame palestinien constitue l'intrigue de plusieurs nouvelles, notamment celles de la Terre triste (1960) de Badî' Haqqî, cependant que Sa'îd Hûrâniyya mêle militantisme révolutionnaire et regard nostalgique sur la société syrienne. Les problèmes de la condition féminine sont évoqués par de nombreuses femmes écrivains : Widâd Sakâkînî (Miroirs humains, 1945), Ulfa al-Idlîbî (Et Satan s'amuse, 1970), Colette Khûrî (Quelques jours avec lui, 1959), Ghâda al-Sammân (Nuit des étrangers, 1966) et Qamar Kîlânî.

   Dès son premier recueil (le Hennissement du cheval blanc, 1960), Zakâriyyâ Tâmir renouvelle l'écriture, avec son humour noir et son univers fantasmagorique. Sur ses traces et après la défaite de 1967, une nouvelle génération se lance dans une écriture romanesque expérimentale, éclatée avec Hânî al-Râhib, onirique avec 'Abd al-Nabî Hijâzî (le Lourd Vaisseau du temps, 1970), symboliste et cauchemardesque avec Walîd Ikhlâsî (le Rapport, 1974), iconoclaste avec Haydar Haydar (Festin pour algues marines, 1983), épique et fantastique avec l'écrivain d'origine kurde Salîm Barakât (les Seigneurs de la nuit, 1985).

   Le théâtre connaît des débuts difficiles. Ahmad Abû Khalîl al-Qabbânî (1836-1902), auteur dramatique, fonda à Damas la première troupe théâtrale et dut fuir en Égypte, afin d'éviter le puritanisme de ses compatriotes. Les premières pièces sont historiques avec Ma'rûf al-Arnâ'ût (1892-1948), symboliques et mythologiques avec Khalîl al-Hindâwî (1906-1976). Sa'd Allah Wannûs (1941-1997), légitimement considéré comme le plus grand dramaturge syrien contemporain, est passé d'un théâtre épique de « politisation » (Soirée pour le 5 juin, 1968 ; les Aventures de la tête du mamelouk Jâbir, 1970) à une réelle plénitude (Rituel pour une métamorphose, 1994).

Système de la nature

Traité philosophique composé sous la direction du baron d'Holbach (1773).

Rédigé par un groupe de collaborateurs parmi lesquels Diderot et Naigeon, il fut publié clandestinement en 1770, sous le nom de l'érudit Mirabaud. C'est un exposé dogmatique du matérialisme et une réfutation rigoureuse de toutes les hypothèses religieuses qui élabore une morale fondée sur l'utilité sociale. Bien qu'il frappât l'opinion par sa radicalité et déchaînât les foudres de la censure religieuse et étatique, le Système de la nature fut réédité jusqu'à la Restauration.

Szabó (Lórinc)

Poète hongrois (Miskolc 1900 – Budapest 1957).

Après avoir, tour à tour, exprimé sa révolte contre l'ordre établi (Caliban, 1923 ; Chefs-d'œuvre de Satan, 1926), puis son amertume et sa désillusion (Paix séparée, 1936), il publie Chant des cigales (1947), autobiograghie poétique d'une sincérité brutale et émouvante, tandis que le cycle de sonnets la Vingt-Sixième Année (1957) est inspiré par le souvenir d'un amour fini tragiquement. On lui doit de nombreuses traductions, notamment de Baudelaire et de Villon.

Szentkuthy (Miklós)

Écrivain hongrois (Budapest 1908 – id. 1988).

Ses romans et essais (Prae, 1934 ; le Bréviaire de saint Orphée, 1939 ; Vers une métaphore unique, 1939), d'un éclectisme foisonnant, s'apparentent à la fois à Joyce et à Proust. On lui doit aussi des biographies (Mozart, le pape Sylvestre, Goethe).

Szerb (Antal)

Écrivain hongrois (Budapest 1901 – Balf 1945).

Auteur de romans (la Légende de Pendragon, 1934 ; le Voyageur et le clair de lune, 1937) et d'une Histoire de la littérature hongroise (1934) suivie d'une Histoire de la littérature universelle (1941).

Szulsztein (Moshé)

Poète de langue yiddish (Kurow, Pologne, 1911 – Paris 1981).

Ses débuts (Pain et Plomb, Lublin, 1934) furent très marqués par son militantisme de gauche. Il s'établit à Paris en 1937. Autres volumes : Sur les cendres de ma maison (1945) ; Une échelle vers le soleil (1954) ; les Fleurs du regret (1960), qui signe sa rupture avec le communisme ; l'Aurore à ma fenêtre (1974) ; l'Intention secrète (1991).

Szymborska (Wisława)

Poétesse polonaise (Kórnik, 1923).

Sa famille quitte la région de Poznań pour Cracovie alors qu'elle a 8 ans. Elle y fréquente le collège le plus élitiste de la ville, dirigé par des Ursulines. Comme tous les établissements secondaires polonais, celui-ci est fermé par l'occupant allemand dès 1939 et la future poétesse passe le baccalauréat dans la clandestinité. À la libération, elle s'inscrit à l'Université, en littérature puis en sociologie (1945-1948). Attirée par la vie active dans une Pologne dont les intellectuels ont été décimés, elle ne termine pas ses études, mais écrit selon les critères imposés par le réalisme socialiste et publie deux plaquettes de poésie : Ce pour quoi nous vivons (1952), Questions posées à soi-même (1954). Elle adhère au parti communiste en 1952, mais le quitte en 1966. Elle vit à Cracovie, où elle dirige la rubrique poétique de l'hebdomadaire la Vie littéraire de 1953 à 1976. Ses articles sont regroupés dans les Lectures non obligatoires. Pour Szymborska, être poète signifie être en relation constante avec le monde. Très vite, les lecteurs polonais sont nombreux à apprécier sa poésie raffinée, lyrique, qui traite de questions existentielles. Szymborska ne publie jamais plus de quatre à cinq poèmes par an. Lors de son allocution à Stockholm, lorsque lui est décerné le prix Nobel de littérature (1997), elle affirme que le poète doit tendre à la perfection et ses paroles doivent porter sur des sujets essentiels. Elle ne s'autorise aucun gaspillage verbal lorsqu'elle traite de l'homme dans son rapport au monde, dans ses relations avec les hommes, les animaux, les objets, l'infiniment petit et l'infiniment grand. Elle recourt volontiers aux aphorismes qu'elle ne manque jamais de tronquer par la force d'une ironie très personnelle. Elle se joue des citations célèbres qu'elle complète ou pervertit. Ses vers se voient ainsi chargés d'une sagesse accessible à chacun, mais la simplicité des formulations dissimule des niveaux de lectures multiples qui finissent par initier l'amateur de poésie à un texte philosophique où domine le stoïcisme. Ses principaux recueils de poésie sont : Appel au Yeti (1957), le Sel (1962), Mille Consolations (1967), Tout hasard (1972), le Grand nombre (1976), les Hommes sur le pont (1986), la Fin et le commencement (1993).