Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Bernard (Catherine)

Femme de lettres française (1662 – 1712).

Romancière, dramaturge et poète, cette Rouennaise est apparentée à Corneille et à Fontenelle. Elle abjure le protestantisme lors de la révocation de l'édit de Nantes (1685) et abandonne la carrière littéraire en 1693 pour se retirer dans la dévotion. Ses romans, rassemblés sous le titre général des Malheurs de l'amour (Éléonore d'Yvrée, 1687 ; Inès de Cordoue, 1696, source de Riquet à la Houppe de Perrault), eurent un grand retentissement. Ses plus grands succès sont ses tragédies : Laodamie, reine d'Épire (1689), émeut et valorise l'héroïsme galant et féminin ; Brutus (1690), que Voltaire imitera, promeut dans la veine romaine de Corneille l'éclat de la vertu et la douceur des sentiments.

Bernard (Gabrielle)

Femme de lettres belge d'expression wallonne (Moustiers-sur-Sambre 1893 – id. 1963).

Son lyrisme s'inspire successivement de la réalité quotidienne d'une vie rurale en disparition, des problèmes intérieurs de la femme meurtrie et de l'existence des houilleurs de la Basse-Sambre. Elle est également l'auteur d'une pièce, Flora de la Hulotte (1949), tragédie pastorale en vers, la meilleure œuvre du répertoire namurois.

Bernard (Marc)

Écrivain français (Nîmes 1900 – Paris 1983).

Ouvrier, élève-comédien, compagnon de Barbusse, critique littéraire à Monde, il découvre les surréalistes (Zig-Zag, 1929), puis entre dans le Groupe des écrivains prolétariens jusqu'à la publication de Anny (1934, prix Interallié). La Conquête de la Méditerranée (1939) évoque la guerre civile espagnole qui le fait militer à « Mai 36 ». Pareil à des enfants (1941, prix Goncourt) évoque son enfance. Après la guerre, il devient journaliste, publie une étude sur Zola, des romans (Une journée toute simple, 1950 ; les Marionnettes, 1977) et des textes autobiographiques : la Mort de la bien-aimée (1972) et Au-delà de l'absence (1976) évoquent son épouse disparue et proposent une réflexion douloureuse sur le souvenir, complétée par Au fil des jours (1984).

Bernard (Paul, dit Tristan)

Humoriste français, romancier et dramaturge (Besançon 1866 – Paris 1947).

Avocat puis industriel, il fait ses débuts littéraires à la Revue blanche en 1891 (il change alors son prénom), tout en prenant la direction du Vélodrome Buffalo. Après quelques collaborations (avec Pierre Veber et Jules Renard notamment), ce dilettante, sportif et bohème, s'impose comme romancier (Mémoires d'un jeune homme rangé, 1899 ; Amants et voleurs, 1905), comme chroniqueur humoriste (Contes de Pantruche et d'ailleurs, 1898), et surtout comme auteur dramatique (plus d'une centaine de pièces de 1895 à 1941), excellant dans tous les registres comiques, du vaudeville à la comédie de mœurs (les Pieds Nickelés, 1895 ; l'Anglais tel qu'on le parle, 1899 ; Triplepatte, 1905 ; Monsieur Codomat, 1907 ; les Jumeaux de Brighton, 1908 ; le Petit Café, 1911 ; le Sexe fort, 1917 ; Ce que l'on dit aux femmes, 1922...). Son humour et sa causticité font de lui l'une des incarnations de l'esprit parisien et boulevardier. Beaucoup de ses œuvres furent adaptées au cinéma dans l'entre-deux guerres.

Bernard (Pierre Joseph, dit Gentil-Bernard)

Poète français (Grenoble 1708 – Choisy-le-Roi 1775).

Auteur du livret de l'opéra de Rameau Castor et Pollux, il enchanta les salons par ses poésies, élégantes et légères, imprégnées de l'épicurisme élégant de l'époque (l'Art d'aimer, 1775).

Bernard (Valère)

Écrivain français d'expression provençale (Marseille 1860 – id. 1936).

Artiste peintre, sculpteur et graveur, il fut professeur d'esthétique à l'école des beaux-arts de Marseille. Majoral du félibrige en 1893, il devint capoulié en 1909 et le demeura jusqu'en 1918. Il débuta dans les lettres d'oc par un recueil de ballades, Li Balado d'aram (les Balades d'airain, 1883), et se fit surtout connaître par son roman Bagatóuni (1894), qui sera suivi en 1910 de Lei Bóumian (les Bohémiens) où la force expressive de l'auteur se déploie avec un réalisme jusqu'alors peu abordé dans la littérature d'oc. Ses poèmes de La Pauriho (les Gens pauvres, 1899), véritables tableaux vivants du petit peuple marseillais, eurent aussi un fort impact sur les lecteurs de son temps. Vers la fin de sa vie, il composa des poèmes lyriques comme La legenda d'Esclarmonda (la Légende d'Esclarmonde, 1936) ou Lindaflor, rèina dels sonhes (Lindafleur, reine des songes, 1938), qu'il accepta de transcrire en graphie occitane. V. Bernard est considéré à juste titre comme un des maîtres de la prose provençale.

Bernard (saint) de Clairvaux

Docteur de l'Église (château de Fontaine 1090 – Clairvaux 1153).

Fondateur de l'abbaye de Clairvaux, il fit condamner Abélard et prêcha la croisade à Vézelay. Ses traités (Sur les degrés de l'humilité et de l'orgueil), ses sermons (À la louande de la Vierge-Mère) et ses nombreuses lettres révèlent la diversité de son inspiration et la virtuosité de son style. Sa figure de maître de la persuasion visité par le Verbe divin est définitivement campée par Dante (Paradis, XXXI).

Bernardes (Manuel)

Écrivain portugais (Lisbonne 1644 – id. 1710).

Oratorien, il est l'auteur de traités spirituels, de sermons et, surtout, de la Nova Floresta (1706-1728, 5 vol.), récit d'inspiration médiévale, mêlant tradition orale et édification religieuse.

Bernardin de Saint-Pierre (Henri)

Écrivain français (Le Havre 1737 – Éragny-sur-Oise 1814).

Les premières années de Bernardin furent celles d'un jeune homme en mal de carrière. Fort de son savoir scientifique et d'une première expérience outre-Atlantique, il tenta de réussir comme ingénieur du génie dans l'armée, qui l'envoya à Malte, puis auprès de Catherine II, où il subit un nouvel échec. Instable et insatisfait, Bernardin multiplia les projets et les mémoires pour les ministères français. Il repartit pour un séjour de trois ans à l'île Maurice : la publication en 1773 du Voyage à l'île de France, où il consignait ses observations scientifiques aussi bien que ses méditations lyriques, attira l'attention sur lui et lui ouvrit les salons littéraires de la capitale. Son ressentiment à l'égard des écrivains en place le rapprocha de Jean-Jacques Rousseau, qu'il fréquenta durant ses dernières années, et l'amena à s'opposer à la philosophie des Lumières. Contre elle, il développa son apologie du sentiment et de la sensibilité, ainsi que sa foi dans la Providence, dans une somme parue en 1784, les Études de la nature, texte mi-philosophique mi-lyrique qui entend rétablir les droits du cœur contre un rationalisme desséchant et prouver la présence de Dieu partout dans la nature, contre une philosophie des Lumières tendant au matérialisme et à l'athéisme. Est joint à l'édition de 1788 un épisode destiné à illustrer la bienfaisance de la nature : Paul et Virginie. Le récit acquit rapidement son autonomie et fut réédité indépendamment du traité philosophique. Deux mères, l'une de souche noble et l'autre roturière, mais toutes deux exclues d'une société métropolitaine oppressante, viennent chercher refuge dans la nature luxuriante de l'île de France, que Bernardin décrit avec une précision nouvelle dans la littérature française. Le récit progresse dans un foisonnement de couleurs et de formes et devient une sorte de pastorale, où la beauté matérielle est chargée de symboliser la beauté morale. C'est dans ce cadre idyllique que ces mères élèvent deux enfants promis l'un à l'autre. Rien ne semble s'opposer à leur bonheur, malgré les violences du climat tropical et les brutalités d'une société esclavagiste. Une riche parente de Virginie rappelle la jeune fille en Europe. Incapable de s'adapter à l'hypocrisie européenne, celle-ci ne prend le chemin du retour que pour périr dans un naufrage au large de l'île, sous les yeux de Paul, car elle avait refusé de se déshabiller pour être ramenée sur le rivage. Martyre de la pudeur, elle est pleurée par Paul, qui ne tarde pas à mourir de chagrin, tout comme les deux mères. Cette fin pathétique contribua à l'immense succès du roman, qui devint l'un des grands textes littéraires de la reconquête catholique de la France après la Révolution. Quant aux malheurs de Paul et de Virginie, ils rencontrèrent un succès beaucoup plus large, et ce récit à la gloire de l'innocence et de la pudeur fut vite salué comme un chef-d'œuvre. Les gouvernements révolutionnaires, attentifs aux accents antiesclavagistes de l'œuvre, nommèrent l'auteur intendant du Jardin des Plantes (1792), puis, en l'an III, professeur de morale à l'École normale. Contre les vices de la civilisation et les dangers d'une réflexion uniquement rationnelle, l'idéal de Bernardin de Saint-Pierre resta l'innocence campagnarde et la régression idyllique dans des terres lointaines (l'île de Paul et Virginie, ou l'Inde de la Chaumière indienne en 1791), en contact immédiat avec la nature et Dieu.