Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Postel (Guillaume)

Humaniste français (Barenton 1510 – Paris 1581).

Personnalité originale à tous égards, Postel eut une vie mouvementée. Gagnant d'abord sa vie comme précepteur, il entreprend un voyage en Orient et s'y familiarise avec la langue arabe et la civilisation islamique ; il est, à son retour en France, installé par François Ier dans un poste de lecteur de mathématiques et de langues orientales au Collège royal. Un nouveau voyage le mène à Rome d'abord, où, en 1544, il fait la connaissance d'Ignace de Loyola et entre comme novice dans la Compagnie de Jésus, d'où il ne tarde pas à être expulsé ; à Venise ensuite, où il rencontre une religieuse visionnaire, la mère Jeanne, dont il fait son inspiratrice. Après un séjour en Suisse, il rentre en France où, après avoir enseigné les mathématiques à Dijon, il achève sa vie dans une retraite studieuse à l'abbaye de Saint-Martin-des-Champs. Il est peu de domaines que, dans son inlassable et vaste curiosité, cet humaniste passionné (qui, la plupart du temps, écrivit en latin) n'ait abordés : l'étude des langues (De originibus, seu de Hebraicae linguae et gentis antiquitate, 1538 ; Linguarum duodecim characteribus differentium alphabetum, 1538), la géographie (Des merveilles du monde, et principalement des admirables choses des Indes et du Nouveau Monde, 1553), l'histoire (l'Histoire mémorable des expéditions depuis le Déluge fait par les Gaulois ou François..., 1552 ; De la République des Turcs, 1560), la religion (Alcorani, seu legis Mahometani et evangelistarum concordiae liber, 1543 ; l'Unique Moyen de l'accord des protestants et catholiques romains, 1563), la morale (les Très Merveilleuses Victoires des femmes du Nouveau Monde, 1553), la politique enfin (les Raisons de la monarchie, 1551 ; le De orbis terrae concordia, 1543 ; la Loi salique, 1552). L'œuvre s'ordonne cependant autour d'un axe central, le grand projet politico-religieux qu'expose le De orbis terrae concordia : l'établissement, sur la base d'une religion universelle (un christianisme épuré réduit au message évangélique), d'un empire universel capable d'instaurer une paix définitive entre tous les peuples du monde, empire qui, selon lui, revient de droit au royaume de France. Les théories politico-religieuses de Postel, qui eurent quelque audience après sa mort (cf. la correspondance de Louis XIV avec son ambassadeur à Rome), sont surtout remarquables par leur mélange singulier d'universalisme (héritage du premier âge de l'humanisme) et de nationalisme (doctrine dont Bodin allait faire l'axe de sa pensée politique).

Potgieter (Everhardus Johannes)

Écrivain hollandais (Zwolle 1808 – Amsterdam 1875).

Directeur de la revue De Gids (1837-1865), il tenta de redonner à la littérature de son pays l'éclat perdu du XVIIe s. Il plaça le renouveau littéraire dans un art d'inspiration nationale et morale, fortement marqué par les théories de Sainte-Beuve et de Taine. Il a publié des poèmes (Petites Chansons de Bontekoe, 1840 ; Florence, 1865 ; Legs d'un gentilhomme campagnard, 1875), des contes (Albert, 1841 ; Jean, Jeannette et leur dernier enfant, 1842 ; Hanna, 1843 ; le Rijksmuseum, 1844). Son action critique fut souvent mal comprise de ses contemporains et il dut attendre la génération de Verwey (qui lui consacra une biographie en 1903) pour être reconnu.

Potocki (Jan)

Écrivain polonais d'expression française (Pików 1761 – Vladówka 1815).

Voyageur cosmopolite (Voyage en Turquie et en Égypte, 1788 ; Voyage dans l'Empire du Maroc, 1792), conseiller du tsar Alexandre Ier, nourri de la philosophie des Lumières et marqué par la sensibilité préromantique, ethnologue et archéologue (Recherche des antiquités slaves,1795), il appartient à l'histoire littéraire par son théâtre en français (Parades, 1793), qui s'inscrit dans la tradition de la farce moliéresque, et surtout par un roman, également écrit en français à partir de 1797, le Manuscrit trouvé à Saragosse, partiellement publié une première fois en 1804-1805, avant une longue période d'oubli puis sa redécouverte par Caillois en 1958 et une édition dite intégrale, revue plusieurs fois entre 1989 et 1992, qui rencontra un grand succès public et assit définitivement son importance comme l'un des livres clefs de la littérature fantastique. La structure en « tiroirs gigogne » du récit, dont la forme s'inspire des Mille et une Nuits dans la division en journées, tout en les dépassant par le subtil et continu entrelacement des thèmes et des récits, permet des jeux de répétition qui, en multipliant les points de vue sur un même événement, assurent l'effet d'incertitude. Dans le même temps, l'usuel pacte diabolique et le thème des revenants, hommages au roman noir, sont dépassés pour une réflexion approfondie autant qu'humoristique sur les limites de la raison et la difficulté à affirmer dans un monde en proie à la superstition la légitimité de la pensée des Lumières. L'artifice du cadre espagnol, lieu d'infinies errances, participe de la poésie d'un ouvrage qui ose le mélange de tous les genres, du conte libertin au récit politique, et préfigure la meilleure fiction romantique par la confiance accordée en une unité « spirituelle » par delà l'apparent éclatement des espaces, des discours et des expériences. Ce roman a priori inadaptable fut pourtant magistralement mis en scène par le cinéaste polonais Has en 1964.

Potok (Chaim)

Écrivain américain (New York 1929 – Merion, Pennsylvanie, 2002).

Dans ses romans (l'Élu, 1967 ; la Promesse, 1969 ; Mon nom est Asher Lev, 1972 ; Au commencement, 1975 ; le Livre des lumières, 1981), il s'attache à définir l'identité juive et à marquer que cette identité ne peut justifier un refus du monde américain et se fonder sur le culte exclusif de la tradition religieuse et ethnique : cette identité n'est ultimement concevable que par la réappropriation, par le judaïsme philosophique, des modes existentiels de la société contemporaine.

Potvin (Charles)

Écrivain belge de langue française (Mons 1818 – Bruxelles 1902).

Poète, auteur dramatique, journaliste, il représente cette génération qui tenta de doter la Belgique d'une « littérature nationale ». À cet effet, il fut prodigue en poèmes patriotiques (la Belgique, 1859), en drames historiques (les Gueux, 1867) et en essais (De la corruption littéraire en France, 1873 ). Il fut aussi un poète romantique et intimiste (En famille, 1862), cible privilégiée de la Jeune Belgique.