Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Benavente (Jacinto)

Auteur dramatique espagnol (Madrid 1866 – id. 1954).

Observateur des mœurs et des passions, dialoguiste habile, fin connaisseur du théâtre français, prix Nobel en 1922. Ses nombreuses pièces (près de 200) illustrent en Espagne un répertoire de boulevard (le Nid d'autrui, 1894 ; la Mal-Aimée, 1913 ; Vies croisées, 1929). Fidèle aux républicains pendant la guerre civile (1936-1939), il devint dès avril 1939 partisan passionné du franquisme, qui en fit son grand dramaturge.

Benda (Julien)

Écrivain français (Paris 1867 – Fontenay-aux-Roses 1956).

Agitateur d'idées, il s'est constamment référé à un intellectualisme qu'il oppose au monde moderne, submergé selon lui par le lyrisme, le romantisme, le subjectivisme, aux dépens de la vérité. Il s'en prend à Bergson, à son intuitionnisme et à sa « mobilité » (le Bergsonisme, 1912 ; les Sentiments de Critias, 1925). Avec Belphégor (1919), il critique les tendances littéraires de son temps. Plus tard, la France byzantine (1945) accusera le « lyrisme idéologique ». Sa préoccupation essentielle est la Trahison des clercs (1927), trahison, selon lui, de la cause de l'esprit au profit d'intérêts pratiques. À l'opposé, il se donne en exemple (la Jeunesse d'un clerc, 1936 ; Un régulier dans le siècle, 1938 ; Exercice d'un enterré vif, 1946). Le clerc se fait cependant militant : à partir de 1935, au nom des valeurs rationnelles de justice et de démocratie, il combat tous les totalitarismes.

Bene (Carmelo)

Acteur, metteur en scène et écrivain italien (Campi, Lecce, 1937 – Rome 2002).

Il est la figure de proue de l'avant-garde théâtrale italienne. Esthétisme baroque et expérimentation linguistique caractérisent aussi bien ses interprétations et ses mises en scène (Pinocchio, 1962 ; S.A.D.E., 1977) que ses délirantes variations littéraires (Notre Dame des Turcs, 1966 ; Superpositions, avec G. Deleuze, 1978 ; Je suis apparu à la Vierge, 1983).

Benediktsson (Einar)

Poète islandais (Elliethavatn 1864 – Herdísarvík 1940).

Son inspiration conjugue un nationalisme farouche, obsédé par la grandeur du passé islandais, avec une exaltation du modernisme et du capitalisme. Son œuvre poétique (Contes et Poèmes, 1897 ; Accalmie, 1906 ; Vagues, 1913 ; Lames, 1921 ; Vallons, 1930) est marquée par le symbolisme français, mais imprégnée surtout d'une sorte de mysticisme panthéiste. Il a renoué avec l'esprit formel des scaldes du Moyen Âge.

Benet (Juan)

Écrivain espagnol (Madrid 1927 - id. 1993).

Son œuvre, novatrice et expérimentale, proche du Nouveau Roman français, est considérée comme fondatrice du roman espagnol contemporain (citons, parmi d'autres, Tu reviendras à Région, 1967 ; Une méditation, 1970 ; Un voyage d'hiver, 1972 ; Saúl ante Samuel, 1980). Son univers imaginaire, caractérisé par la grande complexité du discours narratif, met en place un espace à la fois historique et légendaire – principalement à travers l'invention d'un lieu symboliquement appelé Région, ville de référence servant de scène à la plupart de ses romans. L'Air d'un crime (1980) et Dans la pénombre (1989) témoignent d'une inflexion stylistique vers plus de simplicité. On lui doit aussi des essais comme la Construction de la tour de Babel (1990).

Bénézet (Mathieu)

Écrivain français (Perpignan 1946).

Poète (Une bouche d'oxygène, 1963 ; Histoire de la peinture en trois volumes, 1968), romancier « expérimental » (Biographies, 1970), il étudie à travers la transformation du récit sa propre évolution (Dits et Récits du mortel. Biographies II, 1977 ; Roman journalier. Biographie III, 1987) et celle de l'écriture après le Nouveau Roman (le Roman de la langue, 1977). Autocontemplation et jeu de miroirs (l'Imitation de Mathieu Bénézet, mélodrame, 1978) expliquent la structure fragmentaire d'une œuvre qui traverse les genres (Ceci est mon corps, la Fin de l'homme, 1979 ; l'Océan jusqu'à toi, 1994 ; Détails et apostilles, 1999 ; Moi, Mathieu Bas-Vignon, fils de..., 1999). Il a dirigé les revues Digraphe (avec Jean Ristat) et Première Livraison.

Benford (Gregory)

Auteur américain de science-fiction (Mobile, Alabama, 1941).

Dans la lignée d'auteurs comme I. Asimov, il est l'un des représentants les plus talentueux d'une science-fiction procédant par extrapolation à partir des connaissance des sciences dures. Depuis Un paysage du temps (1980), son roman le plus connu, il a publié notamment le cycle du « Centre galactique » qui comprend trois romans dont la Grande Rivière du ciel (1987). L'un de ses meilleurs textes récents est peut-être une novella, « La fin de la matière », parue dans la revue Galaxies (nº 5, 1997). Un certain bonheur d'écriture caractérise toute son œuvre : l'intrigue est ici moins prétexte à l'accumulation du vocabulaire scientifique qu'occasion d'une approche émotionnelle riche d'effets poétiques.

bengali

La langue bengalie appartient à la famille des langues indo-européennes, plus particulièrement au groupe des langues indo-aryennes. Avec l'assamais, elle en est la plus orientale. L'essentiel du vocabulaire bengali est emprunté au sanscrit par dérivation ou emprunt avec un apport arabo-persan important. L'écriture s'est développée à partir de l'alphabet brahmi. Elle est pleinement différenciée des autres alphabets de l'Inde du Nord au XIIe siècle environ. Les premiers textes du bengali ancien que l'on a retrouvés sont les chants Carya, composés vers le XIe siècle par des maîtres de la branche sahajiya du bouddhisme tantrique. Pendant les premiers siècles qui suivirent la conquête du Bengale par des Turcs d'Asie, l'activité littéraire n'a laissé aucune trace écrite. Il est probable que les cycles narratifs dont les témoignages écrits datent seulement du début du XVe siècle se sont développés pendant cette période. Il s'agit de mythes et de légendes concernant des divinités pan-indiennes ou locales et des maîtres de la secte des Nath. Des adaptations des épopées sanscrites voient le jour en une langue que l'on peut qualifier de moyen-bengali. Krittivas est l'auteur du Ramayana bengali le plus populaire, Maladhar Basu, celui d'une adaptation du Xe livre du Bhagavata purana, intitulée SriKrishna vijay. Krishna, le bouvier amant de Radha, est encore le héros d'un long poème dramatique, SriKrishna Kirtan. Son auteur, Badu Chandidas, présente un Krishna villageois et volage. De la fin du XVe datent aussi deux versions de la geste de la déesse Manasa, le Manasa vijay de Vipradas et le Padma purana de Vijay Gupta. Manasa, déesse qui règne sur les serpents, souhaite se faire vénérer par le puissant roi-marchand Chando, qui refuse. Il y eut plus de trente versions de ce poème, écrites dans tout le Bengale par des auteurs différents. Il en va de même des poèmes narratifs concernant la déesse Chandi et de ceux dont la divinité principale est le dieu Dharma. D'autres divinités encore eurent droit à des eulogies sur le même modèle. Tous ces textes qui ont des structures narratives proches appartiennent au genre des mangal kavya. On doit les plus réussies à Mukundaram Chakravarti, dit Kavi Kankan, auteur du Chandi mangal, et à Ruparam, auteur d'un Dharma mangal.

   Sous l'influence du mystique SriKrishna Chaitanya (1486-1533), qui convertit le Bengale et l'Orissa au krishnaïsme, apparurent une floraison de saints poètes. Ils composèrent en bengali et dans une langue artificielle, le brajabuli, de courts poèmes lyriques, les padavali. Jnanadas et Govindadas en sont les auteurs les plus appréciés. En même temps, plusieurs hagiographies du grand mystique furent écrites. Brindavandas et Krishnadas Kaviraj se distinguèrent dans ce genre nouveau. Des adaptations du Mahabharata furent composées dès la fin du XVe siècle grâce au patronage de personnages importants à la cour du roi d'Arakan, des bengalis musulmans, qui appréciaient l'histoire des Pandava. Toutefois, la plus populaire est celle de Kasiramdas, plus tardive, œuvre composite toutefois. Les écrivains musulmans composèrent en vers à la fin du XVIe des histoires romanesques inspirées de modèle persan et nord indien. Mohammed Kabir écrivit Madhumalati et, plus tard, Shah Mohammad Sagir composa un lusuph-Jolekha. En Arakan, deux grands poètes Daulat Qazi et Alaol enrichirent la littérature bengalie dans cette même veine. Dans la région de Chittagong, plusieurs auteurs soufis, dont le plus célèbre est Saiyad Sultan, écrivirent sur la vie du Prophète, sur la Création et sur la démarche mystique soufie teintée de yoga.

   Au XVIIIe siècle, les lettres bengalies eurent un poète lettré et habile versificateur en la personne de Bharat Chandra Ray. Auteur d'un Annada mangal, hommage à la déesse Annada, celui-ci y inséra l'histoire très appréciée des amours du prince Sundar et de la princesse Vidya. Depuis longtemps déjà circulaient oralement et de façon anonyme des légendes concernant les maîtres de la secte shivaïte des Nath. Au tout début du XVIIIe, un poète musulman, Phayjulla, composa un Goraksa vijay. Mina-cetan et Gopicander Sannyas suivent l'un le thème du maître éclairé par son disciple, l'autre celui du roi renonçant.

   Dans le dernier quart de ce siècle, les Britanniques s'installèrent au Bengale et, surtout, la ville de Calcutta, fondée en 1690, commença à se développer. L'imprimerie en caractères bengalis, apparue en 1778, offrit de grandes possibilités aux auteurs. Des établissements d'enseignement diffusèrent la culture occidentale. La fondation de la Société asiatique en 1784 facilita la connaissance du sanskrit et des langues vernaculaires. La littérature bengalie prit un essor considérable. La prose littéraire se développa et devint vite un outil approprié. Les auteurs se tournèrent vers le sanskrit pour enrichir le vocabulaire et délaissèrent les dérivations du persan. Les enseignants du Fort William College, ouvert en 1801 pour les jeunes employés de la Compagnie des Indes, s'entourèrent de Bengalis lettrés qui composèrent grammaires, manuels, dialogues et histoires. Rammohun Roy, savant réformateur religieux, traduisit en bengali plusieurs Upanisad, composa hymnes et écrits polémiques. Le journalisme se développa. Le pandit Iswarcandra Vidyasagar poursuivit l'amélioration de la prose avec ses traductions du sanskrit et ses ouvrages invitant à des réformes sociales. De nombreuses traductions de l'anglais virent le jour. Parmi les poètes qui innovèrent avec succès, Michael Madhusudan Dutt est le plus accompli. Il composa sur des sujets souvent classiques des œuvres nouvelles par le ton et la langue, libéra le vers et introduisit le sonnet. Il est aussi un des premiers auteurs dramatiques. Par la suite, la poésie se développa sur le mode romantique. Les débuts du roman furent marqués par l'importance des sujets historiques. La lutte héroïque des Rajpouts contre les Moghols fournit des intrigues aux premiers romanciers, encore peu habiles. Un seul auteur, Peary Chand Mitra, s'essaya à la description d'un milieu contemporain. Le ton moralisateur appuyé d'Alaler gharer dulal (1857) nuisit à son succès. Bankim Chandra Chatterji est le maître de la fiction au XIXe. Son intérêt marqué pour l'histoire le poussa à situer la plupart de ses intrigues dans le passé. Préoccupé par le devenir de l'Inde, il présenta dans ses derniers romans des modèles de conduite à suivre pour redonner sa grandeur au pays. Son Ananda math (le Monastère de la félicité, 1885) influença les générations qui suivirent. Il décrivit aussi la vie des classes moyennes : Krishnakanter will (le Testament de Krishnokanto, 1873). Son imagination et son style sont brillants. Il écrivit également des essais sur des sujets divers : historiques, littéraires, religieux et politiques. Rabindranath Tagore (Thakur) est sans aucun doute le plus grand écrivain du Bengale. Poète avant tout, il laissa derrière lui une œuvre considérable. Romantique au début, il évolua tout au long de sa vie. Des formes fixes il passa au vers libre et même un temps au poème en prose. Connu en Europe pour la veine mystique de l'Offrande lyrique, il fut aussi poète de l'amour, de la nature, de la patrie, de l'enfance. La musicalité de ses vers et la richesse de ses images se retrouvent dans les milliers de chansons qu'il composa. Il fut romancier, nouvelliste, dramaturge et essayiste. Sarat Chandra Chatterji fut un romancier populaire, peintre de la petite bourgeoisie et des déclassés (Shrikanto, 1985). Trois Banerji, Bibhuti Bhushan, Manik et Tara Shankar, très différents les uns des autres, ouvrirent le roman à des milieux nouveaux. Ce fut le début de l'influence de Freud et de Marx dans la fiction. Le mouvement pour l'indépendance dirigé par Gandhi y trouva place. Kazi Nazrul Islam fit aussi passer un souffle de révolte dans ses poésies. Plus tard, les poètes Sudhindranath Datta, Buddhadev Bose et Bishnu De se démarquèrent de l'idéalisme de Tagore et s'ouvrirent à l'influence européenne. Jibanananda Das apporta des images nouvelles, une grande sensualité et une langue mêlant registres soutenu et parlé. Sa poésie est originale et moderne. La génération suivante, adhérant à une idéologie marxisante, prêta sa voix aux victimes des injustices sans nuire à la qualité poétique. Les noms de Premendra Mitra et de Samar Sen s'imposent. Les poètes plus jeunes allèrent à la recherche d'une expression spontanée et firent usage de la langue quotidienne. Parmi les poètes contemporains, il faut mentionner Sakti Chattopadhyay, Sunil Gangopadhyay, Nirendranath Chakravarti et Joy Goswami. Lokenath Bhattacharya, largement traduit et publié en France, a écrit une œuvre secrète, originale et ambitieuse. La critique littéraire et les essais se sont beaucoup développés. La vie littéraire, qui est foisonnante, s'exprime dans de très nombreuses revues à petit tirage. Parmi les auteurs dramatiques il faut mentionner Bijon Bhattacharya et Utpal Dutt, ainsi que Badal Sarkar. Depuis 1947, le Bengale-Oriental, devenu en 1971 le Bangladesh, possède un grand nombre d'écrivains de talent.