Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Albert-Birot (Pierre)

Écrivain français (Angoulême 1876 – Paris 1967).

Peintre et sculpteur, il aborde l'écriture en fondant (1916) la revue Sic, ouverte aux avant-gardes et sous titrée « Sons, Idées, Couleurs ». Jusqu'en 1919, la revue est une définition de la modernité, proche du futurisme et attentive au lien établi entre la lettre et le trait par le cubisme. Severini et l'Apollinaire de l'Esprit nouveau y donnent des œuvres. Reverdy, Tzara et de jeunes surréalistes, Breton et Aragon aussi. Lieu d'échanges, Sic définit l'éphémère mouvement nuniste. Les surréalistes lui prêteront sur sa fin un ton plus polémique. Elle frappe par son ouverture à tous les arts, expression de la générosité d'Albert-Birot, dont la poésie est faite d'attention au quotidien transmué par l'humour optimiste (Trente et Un Poèmes de poche, 1917 ; la Lune ou le Livre des poèmes, 1924). Animateur efficace, celui-ci monte les Mamelles de Tirésias d'Apollinaire (1917), où apparaît pour la première fois le mot de surréalisme, et crée le Théâtre du Plateau (1929), où il défend l'idée d'une dramaturgie pour marionnettes, qu'illustrent ses pièces Matoum et Tevibar (1919), les Femmes pliantes (1923). Son chef-d'œuvre, Grabinoulor (1933 puis 1964), est l'épopée en prose de l'homo novus, d'une langue vivace et truculente, sans ponctuation, dont le héros dégage une morale sereine à travers les vicissitudes de l'existence commune. Poète, dramaturge, inventeur d'une certaine idée de la revue, témoin de son temps, Albert-Birot est un homme clé.

Alberti (Leon Battista)

Humaniste italien (Gênes 1404 – Rome 1472).

Architecte, sculpteur, peintre, scientifique, poète et prosateur, il est l'un des représentants majeurs de l'humanisme. Son goût pour les arts se mêle à la culture classique. Cette synthèse de l'humanisme est exposée dans sa théorie architecturale De re aedificatoria (1455), inspirée de Vitruve, qui complète sa réflexion sur l'art (De statua et De pictura, 1435). Son œuvre littéraire, très variée (qui comprend entre autres les écrits en prose Intercoenales et le dialogue politico-social Momus), d'abord caractérisée par un éclectisme érudit, s'oriente ensuite vers une réflexion sur la place de l'individu dans la société bourgeoise de son temps. Cette évolution s'accompagne d'un abandon progressif du latin au profit d'un usage concerté, voire polémique, de la langue vulgaire italienne. En témoigne le dialogue De la famille (1434-1441) où il traite successivement de l'éducation des enfants (livre I), de l'amour comme ciment de la communauté familiale (livre II) et de l'administration des biens (livre III). Alberti y ajouta un quatrième livre sur l'amitié en 1440-1441.

Alberti (Rafael)

Écrivain et peintre espagnol (Puerto de Santa María 1902 – id. 1999).

Dès ses premières œuvres, admirateur des cancioneros du XVe siècle et de Góngora, il unit l'inspiration populaire à une forme raffinée, nourrie par la pratique de la peinture. Le Marin à terre (1925) est salué par la critique, et notamment par Juan Ramón Jiménez, comme l'exemple le plus éclatant de la poésie andalouse moderne. Alberti y exprime la nostalgie des paysages de son enfance avec une fraîcheur et une élégance sans mièvrerie, dans des compositions le plus souvent brèves et rapides dépourvues de toute rhétorique. En 1929, Sur les anges marque un tournant dans l'évolution du poète qui abandonne le lyrisme optimiste de ses débuts. Ce recueil de poèmes, né d'une profonde crise intime, figure parmi l'un des plus beaux recueils surréalistes. Dès 1931, le poète s'engage politiquement, met son œuvre « au service du peuple » et adhère au Parti communiste espagnol. « Auto sacramental sans sacrement », l'Homme inhabité dénonce l'aliénation de l'homme dans le monde moderne et Fermin Galán a pour héros le premier martyr de la IIe République. Alberti écrit dès lors des œuvres de combat. En 1934, il fonde la revue Octubre. Pendant la guerre civile, il participe à l'activité de l'Alliance des intellectuels antifascistes, dirige l'hebdomadaire El mono azul, et commence à écrire, outre des pièces « d'urgence » (Radio-Séville, 1938), D'un moment à l'autre (1942), drame inspiré de sa propre histoire de jeune bourgeois rompant avec sa classe, expérience qu'il évoquera dans ses Mémoires (la Futaie perdue, 1942 et 1959). En 1939, il s'exile à Paris, puis en Argentine. Sa poésie, évoquant parfois l'Espagne féodale et mystique avec un lyrisme nostalgique (Entre l'œillet et l'épée, 1941 ; Pleine Mer, 1944 ; Heure maritime, 1953), proclame la nécessaire rébellion de l'homme contre tout ce qui aliène sa liberté (Chansons de Juan Panadero, 1959), dans une œuvre privilégiant l'expression dramatique (le Trèfle fleuri, 1942 ; le Repoussoir, 1944 ; la Gaillarde, 1945 ; Nuit de guerre au musée du Prado, 1956). Après un voyage en Chine et son installation à Rome, il poursuit sa double activité de peintre et de poète (Mépris et Merveille, 1974). Rentré en Espagne en 1976, élu député communiste de Cadix en 1977, Alberti renonce peu après à son siège pour se consacrer à son œuvre (Lumière fustigée, 1980).

Albiach (Anne-Marie)

Poétesse française (Saint-Nazaire 1937).

Proche des avant-gardes formalistes et de Tel Quel, elle écrit dans une volonté de renouvellement, et rejoint le courant de la « modernité négative ». Ses principaux recueils, Flammigère (Londres, 1967), État (1971), Mezza voce (1984), relèvent d'une parole brève, radicale, un « chant graphique » qui partirait de la blessure pour élaborer le silence sans recours à l'analogie, dans l'évidence énigmatique d'un travail de remémoration – poésie difficile, littérale et non figurative, soucieuse de décrire le travail d'une voix vers l'identité poétique et qui décale les termes habituels du rapport au corps et à la langue.

Alcalá Galiano (Antonio)

Écrivain et homme politique espagnol (Cadix 1789 – Madrid 1865).

Grand orateur, conspirateur libéral, il est exilé, après l'intervention française de 1823, à Paris et à Londres, où il collabore à plusieurs revues importantes, avant de revenir dans son pays en 1833. Pilier des ministères modérés, ami du duc de Rivas, il laisse une œuvre qui constitue de précieux documents sur la vie politique et littéraire de son temps (Souvenirs d'un ancien,1878 ; Mémoires, 1886).