Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Langgässer (Elisabeth)

Femme de lettres allemande (Alzey 1899 – Rheinzabern 1950).

Elle débuta par des recueils de vers d'un symbolisme sensuel et mystique (Tropique de l'Agneau, 1924 ; Poèmes du zodiaque, 1935). Pour avoir épousé le philosophe Wilhelm Hoffmann, elle se vit interdire de publier par la censure nazie. C'est en 1946 qu'elle fit paraître un roman, le Sceau indélébile, qui évoque, à travers une intrigue touffue et symbolique, le combat de Dieu et de Satan. Revenue à la poésie (Élégie de Cologne, 1948 ; Métamorphoses, 1949), elle poursuivit cependant une œuvre romanesque (les Argonautes de Brandebourg, 1950) et critique (le Christianisme de la poésie sacrée, 1961), déchirée entre l'élan de la vie et des sens et l'appel de la sainteté.

Langland (William)
ou William de Langley

Poète anglais (dans le Herefordshire v. 1332 – v. 1400).

Son poème allégorique la Vision de Pierre le Laboureur, dont il existe trois versions, mais dont seule la première (1362) serait authentique, présente un tableau satirique de la société de son temps et exerça une profonde influence sur l'opinion publique, dont le mécontentement éclata dans la révolte des travailleurs (1381). Onze visions ou « rêves » associent réalisme et allégories, description des sept péchés et pèlerinage vers la Vertu, dans un univers où la peste et la guerre de Cent Ans côtoient le luxe et la frivolité. Par la vigueur des symboles et la précision du discours social, l'œuvre annonce, du côté paysan, le mouvement puritain.

Lanoux (Armand)

Écrivain français (Paris 1913 – Champs-sur-Marne 1983).

Représentant de commerce, instituteur, journaliste, directeur de la revue À la page, membre influent de l'Académie Goncourt, il a pratiqué, dans une même tonalité humaniste et réaliste, à peu près tous les genres, du recueil lyrique (le Montreur d'ombres, 1982) à la dramatique télévisée. Entomologiste de la vie quotidienne, c'est un romancier qui épouse les grands courants de son époque (la Nef des fous, 1948 ; les Lézards dans l'horloge, 1953 ; le Commandant Watrin, 1956 ; Quand la mer se retire, 1963 ; le Berger des abeilles, 1974). Il réfléchit cependant sur les sources et les techniques de la fiction à travers une « édition critique » de ses nouvelles (les Châteaux de sable, 1979) et montre une prédilection pour la recréation biographique de grandes figures d'écrivains (Bonjour Monsieur Zola, 1954 ; Maupassant le bel ami, 1967 ; Adieu la vie, adieu l'amour, 1976, sur Dorgelès).

Lansel (Peider)

Écrivain suisse d'expression romanche (Pise 1863 – Genève 1943).

Malgré la marque que lui laissa l'Italie (il vécut à Pise et fut consul helvétique à Livourne), il voua sa vie à la défense de la langue et de la culture rhéto-romanes. Il publia des vers impressionnistes (Primevères, 1892-1897 ; le Vieil Encrier, 1929), des Contes (1931) et des Mémoires (1955).

Lanzmann (Jacques)

Écrivain français (Bois-Colombes 1927-Paris 2006).

Parolier du chanteur Jacques Dutronc, directeur du magazine Lui, il est aussi éditeur. Son œuvre de romancier pourrait être résumée par Tous les chemins mènent à soi (1979), un itinéraire que poursuit inlassablement le Têtard (1976), cet enfant trop vite adolescent (Rue des mamours, 1981), mais qui ne sera peut-être jamais adulte (le Jacquiot, 1986). Son œuvre hésite entre la fantaisie burlesque (les Transsibériennes, 1978) et le conte philosophique (les Nouveaux Territoires, 1973), mais, depuis le Rat d'Amérique (1955), elle ne cesse de lorgner vers l'ailleurs et le passé dans une diaspora baroque (la Baleine blanche, 1982 ; le Lama bleu, 1983).

Lao She (Shu Qingchun, dit)

Écrivain chinois d'origine mandchoue (1899 – 1966).

Romancier et dramaturge, il fut l'une des principales victimes de la Révolution culturelle. Issu d'une famille modeste, sa profession d'enseignant et ses études d'anglais lui permettent une bonne connaissance de l'Occident anglophone, où il séjourne (Londres, 1924-1929 ; États-Unis, 1946-1949). Son premier grand roman, la Cité des chats (1932), est une satire virulente de la situation de la Chine menacée par l'invasion japonaise et impuissante devant ses divisions internes. C'est avec le Pousse-pousse (1936) que Lao She acquiert sa véritable envergure : ce roman décrit l'existence tragique d'un tireur de pousse pékinois, surnommé Chameau ; dans ce tableau réaliste et plein de verve de sa ville natale, Lao She met en scène le petit peuple traîne-misère de Pékin, qui fait face au mal-vivre avec humour et gentillesse. C'est toujours le petit peuple pékinois que l'on retrouve dans la trilogie Quatre Générations sous un même toit, qui a pour thème la survie de Pékin sous l'occupation japonaise. L'œuvre dramatique débute durant la guerre sino-japonaise avec des pièces patriotiques (la Patrie d'abord, 1940). De l'abondante production théâtrale qui suit, on retient surtout la Maison de thé (1957), où revit toute l'émotion des vieux Pékinois face à l'évolution de leur ville. Après 1949, Lao She n'écrit plus de roman, excepté l'Enfant du nouvel an, inachevé, d'inspiration autobiographique, inédit jusqu'en 1979. Le style de Lao She romancier, qui s'alimente aux sources populaires de la langue de Pékin, riche d'images et de tournures originales, a donné à la langue des « gens de peu » ses lettres de noblesse. Le 24 août 1966, l'écrivain, roué de coups par les gardes rouges, est retrouvé mort près d'un lac de Pékin. Il sera réhabilité en 1978.

Laos

La littérature ancienne lao est étroitement liée à celle des peuples thaïs de Thaïlande, de Birmanie, de Chine, de Viêt-nam du Nord, tant par leurs écritures, tirées de l'alphabet indien, que par leurs contenus. Cependant, pour rester dans le domaine lao, on trouve à côté des canons bouddhiques en langue pali, des textes en laotien traduisant les jataka, collections de récits sur les vies antérieures du Bouddha. On recense 547 jataka, traduits en laotien sous le titre de Nipata, dont le Mahanipata qui contient les dix jataka les plus célèbres et les plus appréciés : le dernier, appelé aussi Mahajataka, est célébré, chaque année après le carême, dans les pagodes des pays thaïs bouddhiques, et illustré par des peintures naïves représentant les treize épisodes de la vie du héros, autour de la chaire du haut de laquelle les bonzes se relaient pour chanter des passages choisis de la vie du prince Vessantara, qui a poussé le renoncement aux biens et affections de ce monde jusqu'à donner ses deux enfants et sa femme tendrement aimés en aumône aux mendiants venus les lui demander.

   Il existe encore d'autres jataka isolés, et une série de 50 récits appelés Pannasajatakam, compilation tardive connue en Birmanie, au Cambodge, au Siam. Le Siñjaya est un adaptation d'un des Pannasajatakam, en langue vulgaire et en écriture dhamma, faite par Pang Kham qui pourrait bien être le roi Tôn-Kham (il l'aurait composé vers le premier quart du XVIIe s.) : cette œuvre de 2 500 vers raconte la geste de trois princes : Siñjaya, sorte de Krisna, et ses demi-frères, Siho le Lion et Sang-Kham l'Escargot d'or. Siñjaya apparaît, d'un côté, comme un merveilleux justicier magnanime, incarnation d'un bodhisattva prêcheur du dharma, cheminant vers l'état de bouddha, et de l'autre, comme un jeune libertin ne demandant qu'à succomber aux charmes d'une troupe de cinq cents Kinnari, femmes oiselles dévergondées.

   Parmi les « romans en vers » de ce genre, on peut encore citer le Lin-thong, le Kalahet, le Thao Be et surtout le Pha Lak-Pha Lam, adaptation en 1 823 vers du Ramayana indien. À côté des romans en vers, on trouve des romans en prose, comme Campa-si-ton (les Quatre Frangipaniers) ou le Buddhasen, roman édifiant imprégné d'esprit bouddhique d'où sont bannies les aventures galantes.

   D'un autre genre sont les contes : certains ne sont que des interprétations des contes indiens, comme ceux du Pañcatantra : Nandapakarana, histoire du Bœuf Nanda, Mandukapakarana, histoire des Grenouilles, Pisacapakarana, histoire des Démons, Sakunapakarana, histoire des Oiseaux. Ces contes sont connus aussi sous le nom d'Histoires de Dame Nang Tantai. Il existe aussi des « contes judiciaires », comme le Mulla Tantai et le Sieu-Savat, qui tiennent à la fois de la jurisprudence et de l'apologue moral, et divers traités en prose et en vers recueillis dans le Pu-sin-hlan (Le grand-père instruit son petit-fils) et sa réplique, le Hlan-son-pu (Le petit-fils instruit son grand-père), qui codifient, sous forme d'aphorismes, la tradition bouddhique populaire. À côté des contes moraux, il y a des « contes à rire », dont celui de Sieng-Hmieng connu au Cambodge sous le titre de Thmen-Cei, et au Siam sous celui de Si-Thanoncai (en pali Dhanañjaya), qui relate les tours pendables d'un personnage malicieux qui n'est pas sans rappeler les fous et les bouffons des cours du Moyen Âge occidental.

   D'autres contes, moins célèbres, tiennent à la fois du merveilleux (Ay-Cet-Hai, « Grand frère-sept jarres », sorte de Gargantua) et de la satire populaire (Hua-Lan-Beua-Het, « le Chauve empoisonné par les champignons »), sans oublier les contes oraux qui circulent dans les veillées des fêtes familiales ou communautaires et où le réel et l'imaginaire se mélangent dans une trame captivante. Il faut classer dans ce genre de littérature orale les chants improvisés par le hmo-lam, sorte de barde, accompagné de son hmo-khen, joueur d'orgue à bouche : ces chants peuvent broder sur des sujets épiques connus, sur l'histoire des principautés, ou sur des cours d'amour, en chants alternés, ou en joutes de poèmes galants chantés par l'homme, avec répliques données par une femme sous forme de petits vers (les phñâ) accueillis par l'auditoire par des « Ho hiu » d'allégresse. Ce genre de manifestation culturelle peut durer de l'après-dîner au petit matin, jusqu'à l'épuisement du couple mis en présence, au milieu d'un auditoire de jeunes et de moins jeunes venus de villages et quartiers souvent éloignés. Quant au genre historique, il est représenté par des annales des principautés, récits où l'imagination des chroniqueurs se donne libre cours pour interpréter les faits où les hommes et les mythes se côtoient, un peu à la manière d'Homère.

   Toute cette littérature traditionnelle, généralement anonyme, gravée sur feuilles de latanier, s'est perpétuée et transmise par les copistes des monastères bouddhiques jusqu'à ce que la colonisation européenne, à l'époque moderne, ait introduit l'imprimerie. Ce n'est que fort tard, vers les années 1930, que le Laos a connu le renouveau, notamment par la création du Théâtre Lao sous l'impulsion de Charles Rochet, qui groupe autour de lui des auteurs et des comédiens amateurs pour écrire et jouer une dizaine de pièces « moliéresques » (le Vrai Mérite, le Vrai Coupable, la Folie des grandeurs). Dans les années 60, on voit apparaître quelques nouvellistes et quelques poètes de talent, comme Panai, Duang-Campa, Leng-Phu-Pha-Ngön, mais la littérature laotienne digne de ce nom appartient à une période historique révolue, où les Laotiens formaient avec les autres Thaïs du nord de l'Indochine une unité linguistique, culturelle et sociale d'envergure.