Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Cheever (John)

Écrivain américain (Quincy, Massachusetts, 1912 – Ossining, New York, 1982).

Membre du groupe du New Yorker, il donne une évocation de la Nouvelle-Angleterre (Chronique de Wapshot, 1957 ; le Scandale de Wapshot, 1964), accentue la satire avec le Brigadier et la veuve du golf (1964) et approche l'humour noir avec Bullet Park (1969), le Monde des pommes (1973), Fauconnier (1977, traduit en 1999) et Insomnies (traduit en 2000).

Chelčický (Petr)

Écrivain et penseur religieux tchèque (Chelčice, près de Vodňany, v. 1390 - id. v. 1460).

Considéré comme le plus original des auteurs tchèques du XVe s., il écrivit la Postille ou Livre d'explications salvatrices pour lectures dominicales de toute l'année (1434-1441) et le Filet de la vraie foi (1433-1440). Ses conceptions de l'Église originelle et sa critique de l'Église de son temps en font l'une des figures majeures de la Réforme tchèque, et le père spirituel des frères moraves.

Chen Duxiu

Intellectuel chinois (1879 – 1942).

Grande figure du mouvement du 4 Mai, il publie les premières œuvres en baihua, dont celles de Lu Xun et de Hu Shi. L'un des fondateurs du P.C.C. (1921), il en sera exclu en 1929 pour trotskisme.

Chen Ruoxi

Romancière chinoise (Taïwan 1938).

Intellectuelle d'origine populaire, part faire ses études aux États-Unis, puis elle choisit de vivre en Chine par dévotion pour Mao Zedong (1966-1973). Déçue, elle émigre au Canada et retrace dans ses récits pathétiques le désastre de la Révolution culturelle (le Préfet Yin).

Chen Yingzhen

Écrivain chinois (Taïwan 1937).

Auteur engagé, accusé de subversion politique, il sera emprisonné de 1968 à 1975. Chantre réaliste du terroir, il a écrit de nombreux essais, romans et nouvelles.

Chênedollé (Charles Julien Lioult de Saint-Martindon, dit)

Poète français (Vire 1769-Le Coisel 1833).

Émigré pendant la Révolution, il combat avec l'armée de Condé, séjourne en Hollande et à Hambourg, et commence d'écrire quelques odes (l'Invention, 1745), ainsi qu'un Essai sur les traductions (1795). Auteur d'un poème descriptif et didactique (le Génie de l'homme, 1807), il fait ensuite paraître l'Esprit de Rivarol (1810) et des Études scientifiques (1820). Son œuvre inaboutie marque une sorte de transition entre le classicisme et le romantisme.

Cheng (François)

Écrivain français (naturalisé en 1971) d'origine chinoise (Nanchang 1929).

Il quitte la Chine pour la France en 1948, fréquente l'EHESS et se lie avec R. Barthes, J. Lacan et J. Kristeva. Il s'impose comme spécialiste d'esthétique chinoise à travers plusieurs essais, dont Vide et plein : le langage pictural chinois (1979), Shitao, la saveur du monde (1998, prix André-Malraux), D'où jaillit le chant (2000), Cinq méditations sur la beauté (2006). Poète (De l'arbre et du rocher, 1989 ; Saisons à vie, 1993 ; Double Chant, 1998, prix Roger-Caillois), traducteur et calligraphe, il publie son premier roman en 1998, le Dit de Tianyi (prix Femina), à caractère autobiographique ; suivra L'éternité n'est pas de trop (2002), histoire d'une passion flamboyante à la fin de la dynastie Ming, qui prolonge une quête spirituelle engagée à travers une double culture chinoise et occidentale. Il est le premier écrivain d'origine asiatique à entrer à l'Académie française (2002).

Chengelaia (Demna K'onst'ant'ines dze)

Écrivain géorgien (Satch'ilao, rég. de Samt'redia, 1896 – Tbilisi 1980).

D'abord lié au futurisme, il décrit, à travers la décadence d'une famille princière, l'inéluctable déclin du vieux monde (Sanavardo, 1924). Ses romans suivants évoluent vers le réalisme, retraçant les luttes de la guerre civile (Guram Baramandia), la vie des paysans géorgiens de l'abolition du servage aux années 1920 (Bata Kekia, 1928) et la naissance d'un mouvement ouvrier chez les prolétaires de Tiflis (Inspiration, 1940). En 1958, dans une ample nouvelle le Trésor, il dénonce la persistance en Géorgie de mœurs archaïques.

Chénier (André)

Écrivain français (Istanbul 1762 – Paris 1794).

Après ses études à Paris au collège de Navarre, il accepta un poste de secrétaire d'ambassade à Londres, où il resta jusqu'en 1790. Il salua avec enthousiasme les espoirs soulevés par 1789, mais ne tarda pas à s'opposer aux Jacobins dans ses articles du Moniteur et du Journal de Paris. Arrêté en mars 1794, il est exécuté deux jours avant la chute de Robespierre, en compagnie du poète Roucher. Il n'a publié que deux textes en vers, une ode, le Jeu de paume (1791), dédiée au peintre David et saluant le geste des états généraux, et un Hymne aux Suisses de Châteauvieux en 1792. Mais il laisse une masse de manuscrits. Ses œuvres sont partiellement publiées à partir de 1819 par H. de Latouche et les éditions se succèdent au cours du XIXe s. Mais le classement et l'interprétation des manuscrits posent de nombreux problèmes pas encore tous résolus. Le déséquilibre est frappant entre la réalité d'une œuvre qui n'est qu'ébauchée et la place qu'André Chénier a prise dans l'histoire littéraire et la mémoire culturelle. Le mythe l'emporte sur l'œuvre dans le roman de Méry, le drame de J. Barbier et l'opéra d'Umberto Giordano qui portent son nom.

   Comme les Élégies et les Amours (1780), les Bucoliques sont directement imitées de la littérature grecque ancienne. Mais les poèmes de ce recueil, rédigés de 1778 à 1787 environ et publiés en 1819, exposent les obstacles pour atteindre l'idéal antique (« la Liberté », « le Mendiant »), la misère du poète (« l'Aveugle »). La géographie des Bucoliques est essentiellement insulaire, îles de l'Égée, Grande-Grèce, et la mer figure cette menace perpétuelle : la mort (« la Jeune Tarentine », « Chrysé », « Dryas »), la fuite d'un amant (« Néaere »), la capture par un dieu (« l'Enlèvement d'Europe »). Contre le lyrisme mondain de son temps, Chénier cherche dans l'Antiquité une inspiration qui renouvelle la poésie. Publiée par Marie-Joseph, en l'an IX, sous le titre d'« Élégie dans le goût ancien », « la Jeune Tarentine » est l'exemple le plus connu de cette veine. Le poème l'Invention et l'Essai sur les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres et des arts, en prose, théorisent l'imitation. La formule « Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques » sert de programme à une alliance entre des sujets modernes, en particulier scientifiques, et une perfection formelle digne de l'Antiquité. Se voulant un nouveau Lucrèce, Chénier s'inscrit dans le sillage de la poésie descriptive déjà illustrée par Saint-Lambert et Roucher. Il a en ce sens commencé la rédaction de deux sommes poétiques, l'Hermès, qui cherche à recenser le savoir encyclopédique de son siècle dans de longues suites d'alexandrins, et l'Amérique, vaste épopée du Nouveau Monde. L'actualité politique enfin a nourri sa verve satirique, qui s'était déjà exercée dans la République des lettres. Il utilise la forme de l'ode pour chanter Charlotte Corday et son courage dans l'assassinat de Marat, mais adopte le mètre antique d'Archiloque dans les Ïambes, cycle de poèmes satiriques, composés en 1794, pendant sa détention à Saint-Lazare, et publiés en 1819. Chénier y dénonce avec une violence passionnée la panthéonisation de Marat, les proscriptions de la Terreur, les compromissions de l'époque, dont le prosaïsme s'oppose à la poésie, instrument de résistance et d'évasion.