Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
J

Júdice (Nuno)

Poète et essayiste portugais (Mexilhoeira Grande, Algarve, 1949).

Son œuvre poétique (la Notion de poème, 1972 ; Un chant dans l'épaisseur du temps, 1992) s'accompagne d'une réflexion sur les voies actuelles de la poésie.

Juges (livre des)

Ce livre biblique doit son nom aux héros dont il rapporte les exploits, les sauveurs ou « Juges » suscités par le Dieu d'Israël pour les sauver d'une situation de détresse. Les anciennes traditions ont été agencées conformément à la théologie deutéronomiste de la rétribution divine. Quand les Israélites servent leur Dieu, ils prospèrent, quand ils suivent d'autres dieux, ils pâtissent. La composition de chacun des récits des 12 Juges (Otniel, Ehoud, Shamgar, Baraq, Gédéon, Tola, Yaïr, Jephté, Ibsan, Elon, Abdon, Samson) suit le même schéma : l'infidélité d'Israël mène à la détresse ; le repentir d'Israël est récompensé par un sauveur que Yahvé suscite.

Juhász (Gyula)

Poète hongrois (Szeged 1883 – id. 1937).

Son œuvre, où l'humilité chrétienne s'unit à un irrépressible désir d'absolu, évoque tantôt les travaux des champs, tantôt sa région natale, ou s'inspire du passé historique de la Hongrie (Vendanges tardives, 1908 ; C'est mon sang, 1919 ; Myosotis, 1921 ; Testament, 1925). On lui doit aussi des pièces de théâtre (Atalanta, 1908 ; Doucement, paisiblement, 1912). Il se suicida.

Juin (Hubert Loescher, dit Hubert)

Écrivain belge de langue française (Athus 1926 – Paris 1987).

Il s'est établi au début des années 1950 à Paris, réinventant le régionalisme avec le cycle des Hameaux (les Sangliers, 1958 ; la Cimenterie, 1962 ; Chaperon rouge, 1963 ; le Repas chez Marguerite, 1966 ; les Trois Cousines, 1968). Le terroir est un espace mythique qu'il ne cesse d'arpenter (Paysage avec rivière, 1974), tentant une réappropriation du monde par le verbe (le Rouge des loups, 1981). L'essayiste  et le critique ont contribué à la (re)découverte de nombreuses personnalités littéraires (prix Goncourt de la biographie en 1981 pour le premier tome de sa biographie de Victor Hugo, poursuivie en 1984 et achevée en 1986).

Julien, dit l'Apostat, en lat. Flavius Claudius Julianus

Empereur romain (Constantinople 331 apr. J.-C. – en Mésopotamie 363).

Neveu de Constantin Ier, échappé au massacre de sa famille, il fut séquestré dans une bourgade de Cappadoce, puis put poursuivre ses études à Nicomédie et à Athènes. Instruit de la philosophie païenne, séduit par le néoplatonisme de Jamblique, il se lia avec saint Basile et Grégoire de Nazianze mais subit surtout l'influence de Libanios. Maître de l'Empire (361), il entreprit une restauration du paganisme sur le modèle de l'Église chrétienne, que sa mort prématurée, dans une campagne contre les Perses, rendit sans lendemain. Il a célébré, en grec, son séjour à Lutèce (356-57) et laissé des écrits philosophiques et satiriques : les Césars, Hymne au roi Soleil et Misopogon (l'Ennemi des barbes), pamphlet dans lequel, à l'occasion d'une sédition des habitants d'Antioche qui critiquaient sa politique religieuse, il s'en prend avec violence aux Syriens, dont il oppose la luxure et la vanité à la saine vertu de l'ancienne romanité et de la Lutèce des Celtes. Vigny fut fasciné par Julien (« Si la métempsycose existe, j'ai été cet homme », Journal, 1833), Ibsen a fait de lui le héros de son drame Empereur et Galiléen (1873), et l'Apostat a inspiré aussi bien le dramaturge italien P. Cossa (1877) que le poète tchèque J. Vrchlicky (1885), le romancier russe D. S. Merejkovski (1894) ou Nietzsche dans son Ecce homo.

Juliet (Charles)

Écrivain français (Jujurieux, Ain, 1934).

Placé à trois mois, après la tentative de suicide de sa mère, dans une famille de paysans du Jura, enfant de troupe à Aix-en-Provence de 12 à 20 ans, il entre à l'École de Santé Militaire de Lyon mais abandonne à 23 ans ses études pour se consacrer à l'écriture – un parcours qu'il retrace dans l'Année de l'éveil (1989), l'Inattendu (1992) et surtout Lambeaux (1995), récit autobiographique d'abord adressé à la mère disparue qui mourra après huit ans d'enfermement abusif en hôpital psychiatrique. Pour celui qui, blessé, « désespère de vivre », l'écriture est au plus haut point une quête de soi et l'exigence d'une impossible « adhésion à la vie » : ainsi son Journal, entrepris dès 1957 (dernières éditions : Accueils, Journal 4, 1982-1988, 1994 ; Lueur après labour, Journal 3, 1968-1981, 1997 ; Traversée de nuit, Journal 2, 1965-1968, 1997 ; Ténèbres en terre froide, Journal 1, 1957-1964, 2000), est d'abord un aveu d'impuissance écrit dans une souffrance âprement assumée afin de « se révéler à soi-même, se clarifier, s'unifier ». L'introspection est aussi au centre de sa poésie depuis l'Œil se scrute (1976), Une lointaine lueur (1977), Fouilles (1980) et Approches (1981), dont le dépouillement et la concision visent, dans le refus de toute complaisance lyrique, à atteindre une « clarté intérieure » : un combat contre la tentation du silence et du repli qu'il retrouve chez des écrivains (Beckett, Leiris) et des artistes (Bram Van Velde, Giacometti, Cézanne) auxquels il a consacré plusieurs essais.

Jung-Stilling (Johann Heinrich Jung, dit)

Écrivain allemand (Grund 1740 – Karlsruhe 1817).

Issu d'une famille pauvre et très fortement marquée par le piétisme, il devint médecin puis professeur d'économie à Marburg et à Heidelberg. Goethe fit paraître, en 1777, le premier volume de son roman autobiographique la Jeunesse de Henrich Stillings : le jeune homme qu'il y présente est un cœur pur tout abandonné à la bonté divine. Dans les six autres parties (la dernière parut en 1817), Jung se présente toujours davantage comme un prophète de l'amour du prochain et de l'abnégation. Il a exercé une profonde influence sur la religiosité populaire issue du piétisme.

Jünger (Ernst)

Écrivain allemand (Heidelberg 1895 – Wilflingen 1998).

Encore lycéen, il s'engagea dans la Légion étrangère – il a raconté cette aventure dans Jeux africains (1936) –, puis dès le début de la Grande Guerre, au cours de laquelle il fut plusieurs fois blessé (il était lors de sa réception du prix Goethe, en 1982, le dernier titulaire vivant de l'ordre prussien « Pour le mérite »), dans l'armée allemande, où il servit comme officier jusqu'en 1923 avant d'entreprendre des études de philosophie et de sciences naturelles et de se consacrer à la littérature. Fortement influencé par Nietzsche, il écrit dans un style d'une remarquable pureté une œuvre souvent paradoxale qui mêle souvenirs, essais, récits, aphorismes et utopies. Il a fixé dans Orages d'acier (1920) et le Boqueteau 125 (1925) son expérience de la guerre, où se manifeste la toute-puissance aveugle de la matière mais où l'individu se révèle à lui-même dans un nihilisme héroïque. À la suite de cette apologie du combattant, Jünger, qui sympathise avec les mouvements militaristes et nationalistes, esquisse dans le Cœur aventureux (1929), dans la Mobilisation totale (1931) et surtout dans le Travailleur (1932) l'image d'une société totalitaire fondée sur la domination de la technique et l'intégration totale de l'individu. Fêté par le national-socialisme, il évolue cependant toujours davantage vers un esthétisme aristocratique et une solitude hautaine, développant avec l'observation exacte de la nature l'idée d'un « réalisme magique » (Feuilles et Pierres, 1934) et ne se refusant avec la deuxième version (1938) du Cœur aventureux à aucun des caprices de l'imagination. En 1939, Sur les falaises de marbre le rend suspect aux yeux des nazis. Son séjour en France comme officier des troupes d'occupation lui a inspiré plusieurs volumes de souvenirs (Jardins et Routes, Premier Journal parisien, Deuxième Journal parisien, la Cabane dans la vigne). Reprenant sa réflexion sur l'homme moderne (Traité du rebelle, 1951 ; Traité du sablier, 1954 ; Graffiti, 1960 ; Chasses subtiles, 1967), il insiste particulièrement sur la figure du solitaire, du révolté qui refuse le matérialisme moderne (Passage de la ligne, 1950 ; le Nœud gordien, 1953 ; le Mur du temps, 1959), tandis qu'une attirance mystique déjà sensible dans Visite à Godenholm (1952) « dérive » dans Approches, Drogues et Ivresse (1970). Les romans utopiques Heliopolis (1949) et Eumeswill (1977) mettent face à face un pouvoir politique absolu et l'irréductible liberté intérieure de l'individu, tandis que le Problème d'Aladin (1983) se présente comme une méditation sur les fins dernières de l'homme. À la fin de sa vie, Jünger est devenu le symbole de la réconciliation franco-allemande.