Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Calozet (Joseph)

Écrivain belge de langue wallonne (Arvenne 1883 – Namur 1968).

Marqué par ses origines paysannes, il peint dans ses poèmes, ses nouvelles et ses romans les êtres et les paysages de l'Ardenne luxembourgeoise (le Braconnier, 1924 ; Petit de chez les Matantes, 1929 ; Au pays des sabotiers, 1933 ; la Pie-Grièche, 1939).

Calvin (Jean) de son vrai nom Jehan Cauvin

Théologien protestant et écrivain français (Noyon 1509 – Genève 1564).

Destiné à l'Église, le jeune Calvin, après avoir été élève à Orléans et à Bourges, suit les cours de grec et d'hébreu de Vatable à Paris. Dès 1528, il est gagné aux idées des évangélistes. En 1533, la harangue qu'il rédige pour Cop, recteur de l'université de Paris, et dans laquelle il affiche clairement ses convictions, l'oblige par crainte des représailles de la Sorbonne à quitter Paris. Un an plus tard, l'affaire des Placards le contraint à un nouvel exil. Réfugié à Bâle, il publie en 1536 la première version, en latin, de l'Institution de la religion chrétienne ; de Bâle, il gagne Genève. Il y régnera en maître absolu jusqu'à sa mort, animé d'une intransigeance doctrinale qui l'amènera à sanctionner impitoyablement tous les fauteurs d'hérésie (il exilera Castellion et fera monter Servet sur le bûcher).

   L'Institution de la religion chrétienne (1541) est le premier ouvrage important de philosophie morale et religieuse en français. Son auteur a dû forger lui-même l'outil linguistique et rhétorique qu'aucune tradition vernaculaire ne mettait à sa disposition. Mais Calvin n'est pas seulement l'un des fondateurs de la prose française moderne : il est aussi le théoricien d'une esthétique originale dont l'influence a marqué profondément les écrivains protestants de la seconde moitié du XVIe s., ainsi que beaucoup d'écrivains du XVIIe s. Pour Calvin, l'artiste véritable est celui qui parvient à communier avec la création divine et à en restituer la beauté. Ce qui implique de sa part, outre un savoir-faire technique, une parfaite pureté de cœur : à côté de la beauté d'origine divine, il existe en effet une fausse beauté, satanique et séductrice, que Calvin stigmatise dans Des scandales (1550), dirigés contre les « cicéroniens » français Étienne Dolet, Pierre Bunel, Simon de Neufville. Si l'écrivain conserve son âme pure, il lui est alors donné de participer réellement à l'œuvre divine. Par l'accent qu'elle met sur le pouvoir créateur de l'art et, plus généralement, de toute activité spirituelle de l'homme, l'esthétique calvinienne fait sienne l'une des idées-forces de l'humanisme : celle de l'autonomie créatrice de l'esprit humain. Les maîtres mots de cette esthétique sont la rigueur, la simplicité et la sobriété de l'expression – une sobriété qui n'exclut pas l'usage des figures, celui des métaphores notamment, pour autant qu'elles augmentent la force et le pouvoir d'attraction de la pensée. Grand amateur de poésie, Calvin s'y adonna en traduisant quelques psaumes. Mais, surtout, c'est lui qui incita Marot, exilé à Genève, à poursuivre sa traduction des Psaumes, frayant à la poésie une voie nouvelle, celle du lyrisme chrétien, sur laquelle devaient s'engager tant de poètes des XVIe et XVIIe s. C'est également de Calvin que procède, au XVIe s., une poésie spécifiquement protestante (celle de Simon Goulart, de Christophle de Gamon) qu'il marque profondément, dans ses thèmes comme dans son style.

Calvino (Italo)

Écrivain italien (Santiago di Las Vegas, Cuba, 1923 – Sienne 1985).

L'écriture de Calvino accompagne avec une grande rigueur tous les mouvements de la société et de la littérature italiennes (et internationales) des dernières années de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 1980. En effet, elle révèle pleinement les engagements directs de Calvino (dans la Résistance ou dans les débats de l'après-guerre) ou ses prises de positions à l'égard de la société. Elle révèle également sa confrontation avec les différentes expériences culturelles qui se sont manifestées dans le temps (du « néoréalisme » au style expérimental des dernières années de sa vie). Un bref aperçu de son œuvre peut en témoigner. Ses premiers récits (le Sentier des nids d'araignée, 1947 ; Le corbeau vient en dernier, 1949), sur la base du « programme » néoréaliste, relatent des événements, souvent autobiographiques, de l'histoire de la Résistance. Toutefois, ils annoncent déjà les dons de conteur et de fabuliste qu'il déploiera surtout dans la trilogie de Nos ancêtres (le Vicomte pourfendu, 1952 ; le Baron perché, 1957 ; le Chevalier inexistant, 1959) où l'étrange côtoie l'humour dans la peinture des origines des temps modernes. Ainsi, dans le Baron perché, le héros a choisi de passer sa vie perché dans les arbres, de la veille de la Révolution à la Restauration. Quant au Chevalier inexistant, il n'est autre qu'un paladin de Charlemagne, privé de corps et seulement identifiable à son armure animée d'une énergie invisible : l'ironie et l'humour font de toutes ces fables fantastiques les exactes images de l'Histoire, dérisoire. L'engagement politique de Calvino – dans les rangs du P.C.I. jusqu'en 1956 – s'exprime encore dans la Journée d'un scrutateur (1963), alors que son œuvre évolue au carrefour du fantastique et de la sémiotique : les Cosmicomics (1965), Temps zéro (1967), les Villes invisibles (1972), le Château des destins croisés (1973) et surtout Si par une nuit d'hiver un voyageur (1979), qui a pour sujet la lecture d'une dizaine de romans à l'état naissant, dont chacun se poursuit dans tous les autres et les contient tous. Dans Palomar (1983), Calvino se dédouble en un personnage pathétique et cocasse, dont la passion des grands systèmes ne cesse de se heurter au quotidien. Rassemblée en 1980 dans la Machine littérature : essais, son œuvre critique prolonge son activité au sein des éditions Einaudi et de la revue Menabò, qu'il fonda en 1959 avec Vittorini. Dans ce cadre, il faut mentionner la vaste réflexion sur la littérature que renferment les Leçons américaines : aide-mémoire pour le prochain millénaire, publiées posthume en 1988. D'ailleurs, la publication après sa mort de divers textes, narratifs (Sous le soleil jaguar, 1986) ou critiques (Pourquoi lire les classiques, 1991) nous confirme le rapport que Calvino a toujours entretenu et nourri avec l'écriture.