Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
R

régionalisme

Mouvement intellectuel et artistique brésilien.

Lancé par le sociologue Gilberto Freyre en 1926, à Recife, pour contrebalancer l'influence du mouvement moderniste de 1922, il prônait la mise en valeur du patrimoine culturel et linguistique de la région du Nordeste. Ses plus illustres représentants furent José Lins do Rego, avec son cycle de la canne à sucre, et João Guimarães Rosa, pour son épopée du sertão.

Regnard (Jean-François)

Auteur dramatique français (Paris 1655 – Château de Grillon, près de Dourdan, 1709).

Fils de riches marchands, il mena une vie aventureuse, qu'il sut conter agréablement : il fut esclave à Alger, puis parcourut la Laponie en 1681-1682 (Voyage en Flandre, en Hollande, en Danemark et en Suède, 1731). De retour à Paris, devenu haut magistrat, il fonda en 1699 dans son château, près de Dourdan, une société spirituelle et légère « consacrée à Bacchus ». Homme à femmes, Regnard répondit à la Satire X de Boileau (Contre les femmes) en enterrant de façon prématurée son auteur (le Tombeau de M. Boileau-Despréaux) et en publiant Arlequin, homme à bonnes fortunes (1690), comédie qui connut un grand succès. Ainsi commença sa carrière d'auteur de théâtre ; il s'illustra dans divers genres : la « grande » comédie de caractère (le Joueur, 1696, ou comment un vice peut faire d'un « homme sans qualité » une figure du destin ; le Distrait, 1697), les arlequinades (petites pièces en un acte mêlées de chansons : Attendez-moi sous l'orme, 1694 ; la Foire Saint-Germain, 1695 ; le Bal, 1696). Il reste surtout l'auteur du Légataire universel, suivi de la Critique du légataire (1708), comédie d'intrigue virtuose à l'italienne. Héritier du Molière des Fourberies de Scapin, le théâtre de Regnard, peu psychologique, vaut par sa fantaisie et sa verve (« Un vaudevilliste qui a du style », Lanson). Content du monde et volontiers cynique, Regnard fut haï de Rousseau.

Régnier (Henri de)

Poète et romancier français (Honfleur 1864 – Paris 1936).

Les évolutions caractéristiques mais sans ruptures de l'œuvre riche et variée de Régnier contribuent de manière originale à inscrire le symbolisme dans la tradition littéraire française. Issu d'une famille noble de Normandie, il fait ses études à Stanislas puis à la faculté de droit de Paris. Ses premiers recueils (il fréquente alors le salon de José Maria de Hérédia) portent l'empreinte du romantisme et du Parnasse (les Lendemains, 1885 ; Apaisement, 1886 ; Sites, 1887 ; Épisodes, 1888). Ses liens avec Viélé-Griffin et Pierre Louÿs, son assiduité aux « mardis » de Mallarmé (dont il devient le disciple fervent), ses nombreuses collaborations aux « petites revues » (l'Ermitage, les Entretiens politiques et littéraires, la Revue blanche...) l'engagent dans l'aventure symboliste : il adopte le vers libre, les thèmes et la musicalité symbolistes (Poèmes anciens et romanesques, 1890 ; Tel qu'en songe, 1892) ; son poème dramatique « la Gardienne » sera représenté par Lugné-Poe au Théâtre de l'Œuvre, en 1894, dans une mise en scène comparable à celle de Pelléas et Mélisande. À partir de 1895 se dessine toutefois une évolution nette du poète vers le néoclassicisme (Aréthuse), et un retour vers des exigences formelles et des motifs hérités du Parnasse (au même moment, il épouse Marie de Hérédia, fille du poète, connue sous le nom de plume de Gérard d'Houville, et qui avait un faible marqué pour Pierre Louÿs). Cette évolution est sensible dans le titre de ses recueils : Jeux rustiques et divins, 1897 ; les Médailles d'argile, 1900 ; la Cité des eaux, 1902 ; la Sandale ailée, 1906 ; le Miroir des heures, 1910 ; Vestigia flammae, 1921. L'inspiration mélancolique et austère de sa poésie semble s'alléger dans ses contes (Contes à soi-même, 1893 ; la Canne de jaspe, 1897) et ses nombreux romans, où Régnier explore aussi bien les voies de l'étrange que du comique et du sentimental, renouant avec un XVIIIe siècle qu'il réinvente délicieusement (la Double Maîtresse, 1900 ; la Pêcheresse, 1902 ; les Rencontres de Monsieur de Bréot, 1904, etc.). Venise est également une source d'inspiration constante dans les textes de cette dernière période (Esquisses vénitiennes, 1906 ; l'Altana ou la vie vénitienne, 1929 ; le Voyage d'amour, 1930). En 1911, il est élu à l'Académie française, au fauteuil du vicomte de Vogüe.

Régnier (Mathurin)

Poète français (Chartres 1573 – Rouen 1613).

Ses parents le destinèrent à l'Église, pour qu'il pût hériter de son oncle Desportes, que la poésie avait conduit à la richesse et qui fit beaucoup pour la carrière de son neveu. Soucieux de son établissement, Desportes l'attacha au cardinal de Joyeuse, auquel Henri III confia, en 1587, une mission auprès du pape ; Régnier suivit le cardinal et passa une dizaine d'années à voyager entre la France et l'Italie. Parallèlement, il reçut de Desportes une initiation à la poésie. À son retour, ce dernier l'introduisit à la Cour : le marquis de Cœuvres lui confia (1596-1598), avec quelques autres, la tâche de célébrer en vers sa sœur Gabrielle d'Estrées, favorite d'Henri IV. C'est probablement vers 1604 que Régnier composa ses premières Satires, dont une édition (qui en comportait dix) parut en 1608 ; le vif succès qu'elle obtint fut confirmé par les deux éditions suivantes (1609, 1612). Nommé chanoine de Chartres en 1609, le poète fréquenta jusqu'à sa mort un cercle de lettrés (le dramaturge C. Billard, les Sainte-Marthe, le fils de J. A. de Baïf, l'historien J. A. de Thou), tous restés fidèles aux traditions de la Pléiade, et opposés à Malherbe. Si l'on excepte quelques poésies religieuses (éd. posthume, 1652), des poésies officielles (notamment les Inscriptions composées pour l'entrée à Paris de Marie de Médicis, 1610) et un groupe de poésies diverses comprenant des sonnets, des épigrammes, quatre Élégies inspirées d'Ovide pour les unes, de la tradition pétrarquiste pour les autres, l'essentiel de l'œuvre de Régnier est constitué par ses dix-sept Satires.

   C'est principalement chez Horace et chez les Italiens (les bernesques, du nom du poète Berni) que Régnier choisit ses modèles. Deux satires littéraires, le Poète malgré soi (XV) et la Satire à Rapin (IX), exposent également un art poétique dont la seule loi est l'obéissance entière à son « humeur libre ». Comme Horace, il donne à ses Satires l'allure d'épîtres familières vouées à la relation, comme au fil de la plume (la satire est « mélange »), d'anecdotes piquantes de sa vie privée, entrecoupant son récit de réflexions morales ou de jugements d'ordre général, assez conventionnels. Aux bernesques, mais aussi à Rabelais, il doit certains traits de bouffonnerie grotesque, liée au réalisme de la description (« Le souper ridicule », XI, ou « Le mauvais gîte », XII). C'est en effet la peinture de la société et des mœurs de l'époque qui confère aux Satires leur principal intérêt littéraire. Car Régnier n'est point un moraliste profond ni original ; c'est un observateur aigu et narquois de la réalité qui excelle à brosser des portraits hauts en couleur (le pédant, le fâcheux, l'entremetteuse, l'homme de cour). De nombreux poètes et prosateurs du XVIIe siècle Scarron, Furetière, Boileau, La Fontaine entre autres –, lui devront une partie de leur inspiration ou de leur style.