Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
U

ultraïsme

Mouvement littéraire espagnol et hispano-américain (1919-1922), dont le principal théoricien, Guillermo de Torre, reprit le mot ultra, attribué à Rafaël Cansinos Assens, pour qualifier la littérature d'avant-garde de son époque. Cherchant à concilier les tendances du cubisme français, du futurisme italien et du dadaïsme, l'ultraïsme se caractérisait par la réhabilitation du poème, l'abandon du thème narratif, de l'effusion sentimentale et de toute logique au profit de la seule « métaphore à outrance » et de la recherche des mots rares. Développé dans de très nombreuses revues, le plus souvent éphémères, le mouvement n'atteignit pourtant pas les buts qu'il s'était fixés. En Espagne, Vicente Huidobro fit dévier l'ultraïsme vers un plus fécond creacionismo et, en Amérique latine, ce courant iconoclaste, par excès de recherche formelle et de métaphore « nue », se condamna rapidement lui-même à n'être plus qu'une vaine rhétorique.

Umar Ibn Abi Rabia

Poète arabe (vers 644 – 711 ou 721).

C'est l'un des meilleurs et des plus célèbres représentants de la poésie arabe courtoise (ghazal). Les anecdotes rassemblées par les biographes mettent l'ensemble de sa vie sous l'éclairage des aventures galantes nouées chaque année à l'occasion du pèlerinage de La Mecque. Libertine et raffinée, sans grivoiserie ni obscénité, sa poésie conte ses amours avec des femmes de l'aristocratie arabe. Largement colportée par les musiciens, elle a valu à son auteur, de son vivant et pour la suite des temps, une exceptionnelle célébrité. Ses poèmes, très représentatifs des nouvelles formes de la vie citadine, marquent l'irruption en force, dans les lettres arabes, d'une sensibilité et d'un esprit nouveaux.

Umezaki Haruo

Romancier japonais (Fukuoka 1915 – Tokyo 1965).

Son roman, inspiré par son expérience militaire, Sakurajima (1946), suivi de la Fin du jour (1947), lui valut la notoriété comme écrivain d'après-guerre. Il jette sur son entourage et la réalité quotidienne un regard satirique et faussement détaché : De minuscules coquillages (1947) ; Chronique de la vieille maison (prix Naoki, 1954) ; le Cerf-volant fou (1963) ; l'Apparition (1965).

Unamuno (Miguel de)

Écrivain espagnol (Bilbao 1864 – Salamanque 1936).

L'œuvre du philosophe, du romancier, de l'auteur dramatique et du poète trouve sa source et son unité dans l'inquiétude existentielle qui l'anime, sa force et son enracinement dans l'homme tout entier engagé dans l'événement social, politique et culturel contemporain. Distinguant l'histoire, éphémère, de l'« infra-histoire », permanente, et substituant au dépassement hégélien des contraires une perpétuelle tension, le philosophe tente de trouver, afin de sortir l'Espagne de son marasme intellectuel, un compromis entre le traditionalisme exacerbé et l'ouverture aux courants européens. Dans un des livres majeurs de la « génération de 1898 », l'Essence de l'Espagne, où il a réuni cinq essais (1916), il présente une vision idéale de « l'Espagne éternelle », incarnée surtout dans la Castille, un panorama des vices de la société et de la politique, et propose un retour à la tradition profonde. Il trouve dans la figure de Don Quichotte (Vie de don Quichotte et Sancho, 1905) et dans les paysages de son pays (Paysages, 1902 ; De mon pays, 1903 ; Par les terres du Portugal et de l'Espagne, 1911) les valeurs de l'âme espagnole. Le Sentiment tragique de la vie (1913) et l'Agonie du Christ (1924) révèlent de façon tragique le déchirement du philosophe entre foi et raison.

   Assoiffé d'immortalité et dévoré par la volonté de s'accomplir dans la conquête de ce qui n'est pas lui, il trouve un écho au déchirement de sa conscience aussi bien chez les écrivains et penseurs romantiques (Leopardi, Carlyle, Senancour, Kant, Hegel) que chez saint Paul, saint Augustin, Pascal et Kierkegaard, et envisage une conception de la foi chrétienne et de la dignité d'être mortel selon une perspective toute personnelle, qui préfigure l'existentialisme. C'est d'ailleurs un trait de son existentialisme que son recours au roman, où, pour rendre compte, sous le tumulte des événements, du cours ininterrompu de l'« infra-histoire » à travers l'évocation de la guerre carliste (la Paix dans la guerre, 1897), pour déceler, sous l'apparente contradiction du comportement de ses personnages plongés dans des situations extrêmes, la cohérence de leur conduite, le secret de leur être (Amour et pédagogie, 1902 ; Brume, 1913 ; Abel Sanchez, 1917 ; la Tante Tula, 1921), il rompt avec les conventions du roman réaliste, et crée la « nivola », une variété de la « novela ». Tendant vers le même caractère abstrait que ses romans, ses drames (Phèdre, 1921 ; Rachel prisonnière, 1921 ; Médée, 1933 ; le Frère Jean ou le monde du théâtre, 1954) ne passent pas la rampe.

   En 1907, Unamuno publie un recueil de Poésies, prologue à une abondante œuvre poétique (Rosaire de sonnets lyriques, 1912 ; Rimes de l'intérieur, 1923 ; Thérèse, 1924 ; Romancero de l'exilé, 1928 ; Cancionero, 1953 ; 50 poèmes inédits, 1958), où réside sans doute son génie le plus pur, et où la langue, âpre et rocailleuse, est, à l'image de l'homme, sans concession.

unanimisme

Doctrine littéraire, conçue par Jules Romains dès 1903, qui assigne pour but à l'écrivain d'exprimer la vie unanime et collective, l'âme mystérieuse des groupes humains, des plus petits aux plus vastes, et de ne peindre l'individu que dans le réseau de ses rapports sociaux. L'unanimisme, qui caractérise toute l'œuvre de Romains, depuis le Bourg régénéré (1906), et surtout la Vie unanime (1908), jusqu'aux Hommes de bonne volonté (1932-1947), a fait école en France et à l'étranger. Il a contribué au développement de la technique romanesque simultanéiste (Sartre, Dos Passos), et imposé l'idée que l'œuvre doit enregistrer les pulsations de la société moderne à travers la représentation d'individus soumis aux mêmes forces sociales.

Under (Marie)

Poétesse estonienne (Tallinn 1883 – Stockholm 1980).

Membre des groupes Siuru et Tarapita, elle associa dans ses premiers recueils (Sonnets, 1917 ; la Voile bleue, 1918) l'expression sincère et vigoureuse des sentiments amoureux à l'évocation de la nature. Elle subit l'influence de l'expressionnisme allemand (Cœur ensanglanté, 1920 ; Héritage, 1923), puis souligna dans des formes classiques apaisées le contraste entre l'aspiration humaine au bonheur et la dure réalité du monde (la Voix de l'ombre, 1927 ; la Joie d'un beau jour, 1928 ; À la belle étoile, 1930 ; la Pierre ôtée du cœur, 1935). Exilée en Suède (1944), elle cultiva un lyrisme nostalgique (Étincelles sous la cendre, 1954 ; Aux frontières, 1963).