Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
J

Japon (suite)

La littérature d'aujourd'hui

L'attribution du prix Nobel 1968 à Kawabata Yasunari consacre l'audience mondiale qu'a acquise la littérature japonaise. Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et de la période troublée qui l'a suivie continue à inspirer ceux qu'on appelle la « troisième nouvelle génération » : romanciers et essayistes nés pour la plupart entre 1916 et 1926, qui ont mis à l'honneur le « roman psychologique » (shinkyo shosetsu) et qui s'interrogent sur la place nouvelle de l'écrivain dans une société en pleine recomposition : ainsi les collaborateurs du magazine Critique d'aujourd'hui (Gendai Hyo-ron), qui succède à Littérature moderne (Kindai Bungaku) à partir de 1964. Yasuoka Shotaro (né en 1920), Yoshiyuki Junnosuke (né en 1924), Umezaki Haruo (1915-1965), Kato Shuichi (né en 1919), Fukunaga Takehiko (1918-1979) et surtout Abe Kobo (la Femme des sables, 1962 ; le Plan déchiqueté, 1967) et Endo Shusaku (né en 1923) en sont les figures les plus marquantes.

   Reprenant souvent le réquisitoire social, la condamnation de la terreur militaire des écrivains de l'immédiat après-guerre, les auteurs japonais des années 1960 et 1970 témoignent aussi de la rencontre conflictuelle avec l'Occident. Les mobilisations populaires contre la présence américaine, en 1960, puis la violente révolte estudiantine (1967-1968) révèlent les contradictions d'une industrialisation foudroyante, de la suprématie de modèles occidentaux souvent mal assimilés : Mishima Yukio (1925-1970), dont romans et pièces de théâtre ont connu une notoriété internationale (Après le banquet, 1960 ; la Chute d'un ange, 1970), estimant avoir échoué dans sa Défense de la culture nippone (Bunka Boerron, 1969), se donne la mort par hara-kiri.

   Mais, dans cette même angoisse des nouvelles générations, la littérature puise des forces accrues. Refusant de n'y voir qu'un moyen de « compenser les dégâts », selon l'expression de Tanizaki Junichiro, les auteurs japonais s'engagent dans l'ère de la littérature de masse, ouverte en 1955 par Saison du Soleil (Taiyo no Kisetsu) de Ishihara Shintaro. L'opposition entre littérature de qualité (junbungaku) et littérature courante (taishubungaku) commence à disparaître. Les interrogations quotidiennes (statut des femmes, pollution, délinquance, etc.) donnent matière et inspiration au groupe de la Véritable Après-guerre (Junsui Sengo Ha) : Oe Kenzaburo (né en 1935), Kaiko Takeshi (né en 1930), Kurahashi Yumiko (né en 1936). De nombreuses romancières se signalent : Ariyoshi Sawako (née en 1931), Uno Chiyo (née en 1938), Tsushima Yuko (née en 1938). Des revues littéraires actives permettent la confrontation des tendances de cette abondante production : Nouvelles Voies (Shin-cho), Cercle littéraire (Bungakukai), le Groupe (Gunzo).

   La poésie, elle aussi, évite un repli sur les formes traditionnelles ou l'imitation des courants occidentaux. En réponse à une incontestable dégradation de la langue, les nouveaux poètes travaillent sur ses possibilités graphiques, sur les ressources des photomontages et retrouvent ainsi souvent cette « épaisseur du temps » propre aux fameux haiku : ainsi Ishii Yutaka (né en 1940), Iwata Hiroshi (né en 1932), les poètes du groupe YOU, ceux du groupe ASA, fondé par Niikuni Seiichi (né en 1925), ou du groupe Arechi, comme Tamura Ryuichi (né en 1923). Tanikawa Shuntaro (né en 1931) a inspiré la « beat generation » japonaise.

   Au théâtre, les générations nouvelles puisent dans les modes classiques (bunraku, kabuki, no, kyogen) une spontanéité qui paraît souvent manquer aux pièces du shingeki (le théâtre moderne occidentalisé), et même plusieurs thèmes du répertoire traditionnel. Face aux troupes à l'occidentale (Bungaku-za, Mingei, Haiyu-za, Shiki), Terayama Shuji, Fukuda Yoshiyuki (né en 1931), Kara Juro (né en 1941), avec sa troupe Jokyo Gekijo (« Tente rouge »), Sato Makoto (né en 1943), qui monta sous sa « Tente noire » cinq versions de Voleur justicier surnommé le Rat (Nezumi Kozo Jirokichi), la troupe Mitsume, avec Suzuki Tadashi (né en 1939), entendent tirer parti d'une tradition millénaire pour donner une dimension japonaise au théâtre d'avant-garde.

Japrisot (Jean-Baptiste Rossi, dit Sébastien)

Écrivain français (Marseille 1931 – Vichy 2003).

Il publie son premier roman, non policier, les Mal-partis, à 18 ans, devient traducteur (l'Attrape-cœur de Salinger) et réalisateur de courts-métrages, puis il se fait un nom dans le roman policier en 1962 avec le succès de Compartiments tueurs. Suivront, entre autres, Piège pour Cendrillon, 1963 ; la Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil, 1966 ; Adieu l'ami, 1968 ; l'Été meurtrier, 1977 ; la Passion des femmes, 1986. La logique narrative est chez lui fondée sur sa propre subversion – qui met en cause aussi bien la conscience du détective que la maîtrise du lecteur – dans la lignée de la structure tragique sophocléenne et du récit analytique freudien.

Jardin de Plaisance (le)

Importante anthologie de la fin du XVe siècle, due à un compilateur connu sous le nom de l'« Infortuné » (issu probablement du nord de la France) et imprimée en 1501 par Antoine Vérard. Jardin d'amour – l'amour étant le sujet de la plupart des poèmes –, elle rassemble toute la poésie courtoise jusqu'aux grands rhétoriqueurs, faisant la part belle à la tradition qui va de Guillaume de Machaut à Charles d'Orléans. Elle comporte d'abord un recueil de règles techniques sur la manière de composer des vers et l'œuvre de l'« Infortuné », puis de nombreuses pièces, rondeaux, chansons, ballades, dont les auteurs ont pu souvent être identifiés, comme Alain Chartier avec le Débat des deux fortunés d'amour.

Järnefelt (Arvid)

Écrivain finlandais de langue finnoise (Poulkovo, gouvern. de Saint-Pétersbourg, 1861 – Helsinki 1932).

Mon éveil (1894) manifeste l'adhésion aux idées de Tolstoï, mise en pratique par le choix d'une vie de paysan. Le problème des métayers est encore au centre d'Enfants de la Mère-Terre (1907), puis l'inspiration va au roman psychologique avec Greeta et son Seigneur (1925), à une chronique familiale et historique avec le Roman de mes parents (1928-1930). Au théâtre, la Mort inspira à son beau-frère, Sibelius, sa célèbre Valse triste.