Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

voyage (récit de) (suite)

Le voyageur romantique

Les journaux de voyage et les correspondances se proposaient déjà comme un genre littéraire (De Brosses, Lettres familières sur l'Italie, publiées seulement en 1800), ouvert à l'humour (Laurence Sterne, Voyage sentimental, 1768 ). Mais il revient aux écrivains romantiques (Hugo, Gautier, Dumas) d'en avoir fait un art à part entière. Grâce à Bernardin de Saint-Pierre et à Chateaubriand, l'exotisme apparaît comme une notion clé de l'expression romantique : Chateaubriand (Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811), Lamartine (Voyage en Orient, 1835), Nerval (Voyage en Orient, 1856) décrivent des contrées qui ont le prestige des cultures millénaires et font partager dans leurs récits sentiments et dépaysement authentique. On ne voyage plus pour découvrir, pour transmettre une information, mais pour éprouver sur soi les émotions promises par un ailleurs désiré, et en tirer une jouissance portée par l'écriture qui s'emploie à célébrer une nature choisie pour sa beauté idéale ou piquante, favorable à des élans de la sensibilité.

Devenir du récit de voyage

Mais au XXe s., l'exotisme ne survit que comme exercice de style et avatar esthétisant ou comme recherche d'un insolite désormais masqué par le nivellement des civilisations. La dévalorisation littéraire du récit de voyage s'explique par les statuts nouveaux de la communication. Aujourd'hui, d'autres médias sont capables de procurer l'enchantement exotique que les écrivains du siècle passé tiraient de leur seul art d'écrire.

   Au-delà des contenus, il convient de s'interroger sur la forme même du récit, à quoi s'attachent les sémioticiens (Louis Marin, Utopiques : jeux d'espaces, 1973). On a longtemps vu dans ce récit un simple substitut du voyage. Mais pour le narrateur lui-même, la réalité du voyage ne s'établit jamais qu'à l'aide de mots, c'est-à-dire dans une narration qui s'approprie l'espace et, plus encore, qui s'y substitue.

   Le voyage s'ordonne donc selon les catégories génériques du récit ; il obéit à ses impératifs formels. En outre, les livres de voyage, qui sont l'histoire des autres en tant qu'ils nous concernent, nous conduisent au cœur du débat philosophique. Les rouvrir aujourd'hui, c'est peser les conditions d'un apprentissage de la différence.

Voznessenski (Andreï Andreïevitch)

Poète russe (Moscou 1933).

Il est l'un des chefs de file du printemps littéraire de 1960, mouvement à la fois d'innovation esthétique et de libération sociale. L'art, conçu comme moteur de transformation de la vie, est le motif essentiel de son œuvre. Le poète est un artisan, dont le sort est souvent tragique, et qui se donne pour tâche de manifester l'harmonie d'Antimondes (1964). Architecte de formation, il conçoit son œuvre comme un édifice en construction. La nécessité du silence, du recueillement, s'affirme au sein de cette poésie du mouvement, du progrès technique, qui parle de la caducité des réalités sociales et esthétiques périmées et, à partir des années 1980-1990, sur un ton plus pessimiste, de celle des valeurs qui fondent l'existence même.

Vrchlický (Emil Frída, dit Jaroslav)

Poète tchèque (Louny 1853 – Domažlice 1912).

Poète intimiste (Rêves de bonheur, 1876 ; l'Âme-mimosa, 1903) et épique (Fragments d'épopée, 1886), auteur de tragédies historiques (la trilogie d'Hippodamie, 1883-1890) et de comédies (Nuit à Karlstejn, 1884), il s'affirma comme le chef de file des « cosmopolites », soucieux de faire entrer définitivement leur pays dans la culture universelle.

Vulpius (Christian August)

Écrivain allemand (Weimar 1762 – id. 1827).

Beau-frère de Goethe, il a laissé une œuvre surabondante (près d'une centaine de titres, dont beaucoup comportent de nombreux volumes). On y trouve des comédies, des livrets d'opéra, des recueils d'anecdotes et surtout des romans, flattant le goût du public le plus large : histoires d'amour et d'aventures, de chevaliers et de bandits au grand cœur, de sociétés secrètes et de revenants. Son roman le plus connu, Rinaldo Rinaldini (1797-1800, 3 vol.), a été porté au théâtre et traduit dans plusieurs langues. Ce « classique » de la Trivialliteratur aura une nombreuse descendance littéraire.

Vutimski (Vutov, dit Alexandre)

Écrivain bulgare (Vutov, Svoge, 1919 – Surdulica 1943).

Il est le représentant de la meilleure poésie urbaine des années 1940, qu'il domine par une œuvre de rupture absolue avec l'esprit patriarcal, marquée par une large ouverture vers la réalité moderne. Pleine de vitalité et de joie de vivre à ses débuts, son expression poétique, par la suite, devient tragique. La douleur et la tristesse, thèmes privilégiés, se croisent, se développent et se résolvent dans un imaginaire onirique savamment orchestré où le chaos et l'impasse constituent le bilan de l'époque : l'effondrement des valeurs traditionnelles et l'échec éclatant de l'humanisme pendant la Seconde Guerre mondiale.

Vychnia (Pavlo Mykhaïlovytch, dit Ostap)

Écrivain ukrainien (Hroun 1889 – Kiev 1956).

D'origine rurale, il publie dans la presse périodique de brefs récits satiriques nourris de sève populaire, où sont fustigées la bureaucratie agricole et les survivances de l'individualisme paysan : les Affaires du ciel (1923), Sourires paysans (1924), Sourires étrangers (1930). Victime de la répression en 1934, il put, lors de la Seconde Guerre mondiale, reprendre dans un esprit patriotique (D.C.A., 1947) une œuvre qui reste un symbole de sagesse populaire (le Trou autonome, 1945 ; le Beau Printemps, 1949 ; les Sourires printaniers, 1950).

Vynnytchenko (Volodymyr Kyrylovytch)

Écrivain et homme politique ukrainien (Veselyï Kout 1880 – Mougins 1951).

En 1917, il prit une part active à la révolution nationale et devint secrétaire général de la Rada centrale ukrainienne. Son œuvre comporte une centaine de récits, 20 pièces de théâtre, 14 romans et un Journal intime de 40 volumes. Il aborda avec audace des thèmes nouveaux, comme la violence, la débauche, le monde des voleurs, la sexualité. Il est très prisé des lecteurs russes, mais sévèrement critiqué par Gorki et Lénine. Ses pièces, le Marché (1910), le Mensonge (1910), la Panthère noire (1911), connurent un succès considérable en Europe. Parmi ses romans, citons le Nouveau Commandement, paru d'abord en français à Paris en 1949, la Machine solaire (1928), À toi la parole, Staline (1950).