Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Munk (Kaj)

Pasteur et auteur dramatique danois (Maribo 1889 – Hørbylunde 1944).

Mêlant les influences de Kierkegaard et de Shakespeare, il voit dans l'homme d'énergie le sauveur d'un monde chaotique et désemparé. Le problème du pouvoir et de l'affirmation de soi est ainsi au cœur des premiers essais dramatiques : Un idéaliste (sur Hérode, 1928), Cant (Henri VIII et Anne Boleyn, 1931). Munk cherchera un temps le salut du côté des dictatures (notamment de Mussolini). En 1938 pourtant, Il est assis près du creuset dénonce déjà la persécution des Juifs. Sa résistance au nazisme se fera nette dans Avant Cannes (1943), où Fabius Maximus (Churchill) s'oppose à Hannibal (Hitler). Auteur interdit, Munk fut assassiné par les Allemands en 1944.

Muno (Robert Burniaux, dit Jean)

Écrivain belge de la langue française (Bruxelles 1924 – id. 1988).

La plupart de ses romans et nouvelles (l'Homme qui s'efface, 1963 ; Histoires singulières, 1979) mettent en scène des personnages à la banalité soulignée et qu'un fait inattendu plonge soudain dans l'insolite. Il explore ainsi un fantastique très personnel. Ripple-Marks (1976) et Histoire exécrable d'un héros brabançon (1982) présentent une féroce et joyeuse critique de toutes les formes de conformisme.

Muñoz (Rafael Felipe)

Écrivain mexicain (Chihuahua 1899 – Mexico 1972).

Il consacra à Pancho Villa la plus grande partie de son œuvre (Mémoires de Pancho Villa, 1923). Son livre En route avec Pancho Villa (1931), véritable point de départ du « mythe » Villa, constitue un irremplaçable document sur la révolution mexicaine. Avec On a emmené le canon à Bachimba (1941), œuvre de la maturité, il poursuit sa réflexion sur l'histoire récente du Mexique, tout en exaltant la beauté de ses paysages.

Muñoz Molina (Antonio)

Écrivain espagnol (Ubeda 1956).

Il est considéré par la critique comme une des valeurs les plus sûres de la littérature espagnole contemporaine. Son premier livre, le Robinson urbain (1984), est un recueil d'articles parus dans divers journaux. Dans son premier roman, Beatus ille (1986), apparaît sa ville imaginaire, Magina, lieu commun des autres romans (l'Hiver à Lisbonne, 1987 ; le Chevalier polonais, 1991). L'œuvre de Muñoz Molina, empreinte d'une atmosphère de roman policier, tâche de reconstruire l'histoire récente de l'Espagne, ainsi dans Beltenebros (1989) où le romancier narre sur fond politique une intrigue d'amour dans le Madrid d'après la guerre civile. Madrid est d'ailleurs un de ses thèmes récurrents (les Mystères de Madrid, 1992 ; le Maître du secret, 1994).

Munro (Alice)

Femme de lettres canadienne d'expression anglaise (Wingham, Ontario, 1931).

Ses nouvelles (Danse des ombres heureuses, 1968 ; Pour qui vous prenez vous, 1978 ; les Lunes de Jupiter, 1982) et ses romans (Vies de filles, vies de femmes, 1971) s'attachent à décrire les racines des personnages et le territoire du moi. Elle reçoit le National Book Critics Circle en 1999 pour son recueil de nouvelles l'Amour d'une femme de cœur.

Murakami Haruki

Écrivain japonais (Kyoto 1949).

Cet écrivain, qui s'est imposé dans les années 1980 comme l'un des plus représentatifs de sa génération, ne cesse d'attirer de très nombreux lecteurs contemporains. Dès le lycée, à Kobé, il se passionnait pour le jazz et les romans américains, contrairement au goût de ses parents, professeurs de littérature japonaise. Entré dans le département d'art théâtral de l'Université Waseda en 1968, où il connut les émeutes des étudiants, il en sortira au bout de sept ans, au cours desquels il se maria (1971) et ouvrit un jazz bar (1974). En 1979, son roman Écoute la chanson du vent (titre inspiré de Truman Capote) lui valut le prix Gunzo de la première œuvre, succès après lequel il publia les deux autres parties de cette trilogie, où transparaissent ses années de jeunesse et un fin sentiment du vide : le Flipper de l'an 1973 (1980) et la Course aux moutons sauvages (1982), ainsi qu'une traduction de Fitzgerald (My lost city, 1981). La Fin des temps (1985, prix Tanizaki), roman ambitieux où alternent le monde fantastique et le monde quotidien ; la Ballade de l'impossible (Forêt de Norvège, 1987), best-seller vendu à trois millions d'exemplaires ; Danse, danse, danse (1988) ; TV people (nouvelles, 1990) ; Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil (1992) ; les Chroniques de l'oiseau à ressort (1994-1995) ; Après le tremblement de terre (nouvelles, 2000).

Murakami Ryu (Murakami Ryunosuke, dit)

Écrivain japonais (Nagasaki 1952).

Fils d'un professeur d'art, il joue dans un orchestre de rock dès le lycée. Venu à Tokyo en 1970, il a habité Fussa, quartier dominé par la présence de la base américaine, jusqu'en 1972, année où il est entré à l'école d'art Musashino. Les expériences de ces années ressortiront dans son premier roman exceptionnel : Bleu presque transparent, qui obtint, en 1976, un succès immédiat (prix Gunzo de la première œuvre, suivi du prix Akutagawa la même année), en déclenchant une énorme polémique. Cinéaste, il en réalisera un film qui portera le même titre, en 1979. Suivent la Guerre commence au-delà de la mer (1977) ; les Bébés de la consigne automatique (1981, prix Noma) ; 1969 (1987) ; Rafles Hotel (1988) ; Kyoko (1995) ; Lignes (1996).

Murasaki Shikibu

Romancière et poétesse japonaise (vers 973 – v. 1019).

Sa vie est mal connue et ne peut être reconstituée que grâce aux éléments biographiques fournis par son recueil poétique, le Murasaki Shikibu-shû, et son journal, le Murasaki Shikibu nikki. Fort douée, elle assista, enfant, aux leçons que son père, le fonctionnaire lettré Fujiwara no Tametoki, dispensait à son frère – fait rare puisque les lettres chinoises étaient à l'époque réservées aux hommes. Mariée en 998, elle devint veuve dès 1001, et c'est sans doute à partir de cette époque qu'elle commença à écrire. Il est possible que sa réputation littéraire naissante fut, au moins en partie, à l'origine de son entrée vers 1005 au service de l'impératrice Shoshi, fille du personnage le plus puissant de la cour, Fujiwara no Michinaga. Surnommée alors To Shikibu, elle fut rebaptisée plus tard Murasaki Shikibu, peut-être à cause du nom de l'un des personnages principaux de son grand roman, le Dit du Genji, incontestable chef-d'œuvre de toute la littérature romanesque japonaise.

   Dit du Genji [Genji monogatari], roman écrit au début du XIe s. Cette œuvre prodigieuse décrit en 54 livres la vie et les amours tourmentées d'un Genji (c'est-à-dire un descendant d'empereur privé des prérogatives propres aux princes impériaux) surnommé Hikaru, « le Resplendissant », puis de son fils présumé, Kaoru. Autour des deux figures centrales, qui assurent son unité à ce roman extrêmement touffu, gravitent quelque 300 personnages et se nouent de multiples intrigues – aventures galantes et stratégies de pouvoir au sein de la cour. Ce monde narratif complexe constitue un véritable univers, centré autour du destin de Hikaru Genji, toujours en quête dans ses conquêtes amoureuses d'une mère trop tôt perdue. Œuvre longtemps décriée comme futile et immorale – car mensongère – , elle n'en connut pas moins un très vif succès du vivant de son auteur et marqua de son sceau toute la littérature japonaise postérieure, transcendant les genres et les époques.