Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Marc Aurèle, en lat. Marcus Aurelius Antoninus

Empereur romain (Rome 121 – Vienne 180).

Il étudia la rhétorique avec Hérode Atticus et surtout Fronton, qui devint son ami (il lui adressa une correspondance en latin) et, tout jeune (il revêtit le manteau du philosophe en 133), embrassa le stoïcisme. Empereur (161) pacifique et économe, il dut soutenir des guerres sur tous les fronts (contre les Parthes, les Arméniens, les Germains, les Quades, les Sarmates) et leva des emprunts forcés. Soucieux de l'effort, du mérite et de la maîtrise de soi, il laissa, contre la pratique de l'adoption chère aux Antonins, le pouvoir à son fils Commode, dont il connaissait les passions et la brutalité. Prêchant l'humanité et la tolérance, il vit son règne marqué par les persécutions contre les chrétiens (Rome en 163 : saint Justin ; Lyon en 177 : sainte Blandine). C'est en grec qu'il écrivit ses Pensées (Ta eis eauton : « À soi-même »). Ces méditations sur la vanité des choses terrestres (Tertullien trouvait dans leur auteur un penchant naturel au christianisme) sont en réalité moins le journal d'une âme qu'un « cahier d'exercices stoïciens », analogue à ce que seront les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola. Pessimisme, nostalgie et compassion marquent un itinéraire qui se poursuit sur une difficile ligne de crête entre la tentation de l'absurde et l'acceptation de la fusion dans l'être unique, corps et âme, du monde.

Marceau (Louis Carette, dit Félicien)

Écrivain français d'origine belge (Cortemberg, Belgique, 1913).

Après ses études à Louvain et un passage à la Radio belge, il est d'abord essayiste (la Naissance de Minerve, ou de Gide à Montherlant, 1942 ; le Roman en liberté), puis romancier (Chasseneuil, 1948 ; Bergère légère, 1953 ; les Élans du cœur, 1955 ; Creezy, 1969 ; les Passions partagées, 1987). Ironique, fasciné par Casanova (l'Anti-Don Juan, 1949 ; Une insolente liberté, 1984), il fait preuve du même détachement amer dans son théâtre (l'École des moroses, 1952 ; Caterina, 1954 ; l'Œuf, 1956 ; la Bonne Soupe, 1958 ; l'Homme en question, 1973 ; l'Ami du président, 1980). On lui doit des Mémoires (les Années courtes, 1968).

March (Ausiàs)

Poète catalan (Gandía ? v. 1397 – Valence 1459).

Il fut le premier à renoncer au provençal et à vouloir devenir un grand poète catalan. Son œuvre (128 poèmes), rédigée entre 1430 et 1459, est traditionnellement divisée en deux séries de textes : la première comporte des chansons d'amour, la seconde des chants moraux, des chants de mort et le Cantique spirituel. Dans les poèmes d'amour, Ausiàs March transcrit douloureusement l'insoluble conflit entre l'amour pur et le désir charnel. Les chants de mort sont écrits à la mémoire d'une femme aimée. Le Cantique spirituel, à la fois poème et prière, exprime l'angoisse du chrétien partagé entre la foi et la peur du néant.

Marchena y Ruiz de Cueto (José) , dit l'abbé Marchena

Journaliste et écrivain espagnol (Utrera 1768 – Madrid 1821).

Exilé à cause de son matérialisme affiché et de son anticléricalisme constant, il lança en 1792 son appel À la nation espagnole. Il suivit Murat au cours de la campagne d'Espagne et devint (1808) directeur de la Gaceta de Madrid. Traducteur de Molière, de Voltaire et de Rousseau, il publia des Leçons de philosophie morale et d'éloquence (1820), imprégnées de l'esprit des Lumières.

Marcotte (Gilles)

Écrivain canadien-français (Sherbrooke 1925).

Chroniqueur, essayiste, il est également critique, tant de littérature française (la Prose de Rimbaud, 1983 ; le Lecteur de poèmes, 2000) que de littérature québécoise. L'intellectuel qui discute savamment, sportivement, avec un confrère de la Littérature et le reste (1981) est aussi un romancier des crises existentielles et surtout un excellent auteur de nouvelles ou de textes brefs : la Vie réelle (1989), la Mort de Maurice Duplessis et autres récits (1999).

Mardhekar (Bal Sitaram)

Écrivain indien de langue marathi (Mardhe, Satara, 1909 – Delhi 1956).

Pionnier de la « nouvelle poésie », il influence profondément avec son Kahikavita toute une génération de poètes comme P. S. Rage ou Vasant Bapat. Ses romans posent le problème des rapports entre l'artiste et la société.

Marechal (Leopoldo)

Écrivain argentin (Buenos Aires 1900 – id. 1970).

Ses premiers recueils lyriques traitent de la Pampa et de ses habitants (les Jours comme des flèches, 1926). Dans ses livres postérieurs (Labyrinthe d'amour, 1936 ; Sonnets à Sophie, 1940), il se tourne vers une poésie à résonance religieuse inspirée du baroque espagnol et dans laquelle il tente de pénétrer l'essence argentine. Ses deux romans (Adán Buenosayres, 1948 ; le Banquet de Severo Arcángelo, 1965) font de lui une des plus importantes figures littéraires de son pays.

Maréchal (Pierre Sylvain)

Écrivain français (Paris 1750 – Montrouge 1803).

Incarcéré en 1788 pour ses idées républicaines et athées, et pour avoir proposé la laïcisation du calendrier (Almanach des honnêtes gens), il s'engagea dans la Révolution ; il collabora au journal jacobin les Révolutions de Paris et fonda, en 1790, le Tonneau de Diogène. Son Jugement dernier des rois (1793) est une des rares réussites de théâtre populaire et militant. Sa Fête de la Raison (1794), sur une musique de Grétry, lie l'opéra à la fête révolutionnaire. Après Thermidor, il adhéra aux idées de Babeuf et rédigea le Manifeste des Égaux. Il échappa au procès de 1796 et continua son combat militant par la publication de son Dictionnaire des athées (1800).

Marechera (Dambudzo)

Poète zimbabwéen de langue anglaise (1952 – 1987).

La carrière brève et tumultueuse de D. Marechera est rare dans la littérature de l'Afrique contemporaine. Issu d'un milieu misérable, le brillant étudiant est expulsé de l'université de Rhodésie en 1972 ; il est admis à Oxford, d'où il est chassé deux ans plus tard pour un goût jugé excessif de la provocation. Son premier recueil de nouvelles, la Maison de la faim (1978), est salué comme un événement, mais il connaît plus de difficulté à publier Soleil noir (1980) dans lequel les scènes violentes et scatologiques et l'apologie de l'anarchisme paraissent relever de la provocation. Il refuse de se trouver enrôlé dans la défense d'une littérature nationale et revendique une indépendance forcenée dans son œuvre comme dans sa vie. Ses entretiens, ses essais, les fragments de textes rassemblés dans Explosion (1984) montrent une lucidité éclatante sur la condition de l'écrivain dans un régime socialiste et dans un pays pauvre. Le recueil de ses textes inédits posthumes montre clairement que son refus des concessions demeure une leçon pour tous ceux qui croient à l'expérience de l'écriture et à l'autonomie de la littérature.