Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Chambaz (Bernard)

Écrivain français (né en 1949).

Professeur d'histoire, il publie trois recueils de poèmes (Et le plus grand poème par-dessus bord jeté, 1983 ; Corpus, 1985 ; Vers l'infini milieu des années quatre-vingt, 1989), des proses de voyage (Italique deux, 1992) et un roman, l'Arbre de vies (1992, prix Goncourt du premier roman 1993). Viennent ensuite un récit bouleversant, Martin cet été (1994), et un recueil retenu et poignant, Entre-temps (1997), qui affrontent l'irrémédiable « jour de trop », celui de la mort accidentelle de son fils. Son second roman, l'Orgue de barbarie (1995), évoque la guerre d'Algérie, tandis que la Tristesse du roi (1997) revient sur le thème de la disparition insoutenable, ici celle d'un fils parti en Chine dont on retrouve les carnets ; le Pardon aux oiseaux (1998), roman d'aventure situé au début du XXe s. (deux frères partent au bout du monde à la recherche de leur aîné), rappelle Conrad. Empreinte de métaphysique, écrite dans des phrases amples à la scansion troublante et poétique, l'œuvre est marquée par une même recherche du lien entre le passé et le présent, entre l'intime et l'universel.

Chamberland (Paul)

Écrivain québécois (Longueil 1939).

Il débute par Terre Québec (1964) dans l'aile radicale de l'indépendantisme québécois, en même temps qu'il lance la revue Parti pris (1963). Marqué par les événements de mai 1968, auxquels il participe durant ses études à Paris, il entreprend la recherche d'une contre-culture par « l'accomplissement intégral de l'anarchie », évoluant vers une sorte de mysticisme naturiste et vers des novations de style à la manière des graffiti (Demain les dieux naîtront, 1974). Ses préoccupations écologiques, éthiques, pacifistes, se retrouvent dans Terre souveraine (1980) et, après bien des « géogrammes », En nouvelle barbarie (1999).

chambre (théâtre de)

Le théâtre de chambre (en allemand Kammerspiel) est une forme de dramaturgie qui limite les moyens d'expression scéniques, l'ampleur des thèmes. Ce type de représentation théâtrale – inauguré en 1906 à Berlin, au Kammerspielhaus de Max Reinhardt – se développe contre une dramaturgie « lourde », fondée sur l'abondance du personnel et des décors, un public nombreux et l'apparat du théâtre bourgeois. L'écriture est unifiée par l'emploi de règles simples, que Strindberg – qui en a donné le meilleur exemple avec ses kammarspel écrites pour l'Intima Teatern de Stockholm en 1907 : Orage, la Maison brûlée, la Sonate des spectres, le Gant noir – décrit ainsi : « Si on me demande ce que veut le « Théâtre intime », quel est son but, je répondrai : développer dans le drame un sujet chargé de signification, mais limité. Nous évitons les expédients, les effets faciles, les morceaux de bravoure, les numéros pour vedettes. L'auteur ne doit être lié d'avance par aucune règle, c'est le sujet qui conditionne la forme. Donc, liberté complète pour la façon de traiter le sujet, pourvu que soit respectée l'unité de conception et du style » (Lettre ouverte du Théâtre intime, 1908). La vogue de ce théâtre s'explique par la volonté de faire de la scène un lieu de rencontre entre la dramaturgie et le spectateur, par une grande sensibilité aux questions psychologiques. Dans ce « huis clos », l'acteur est accessible au public, réduit, qui ne peut refuser sa participation émotionnelle. Les thèmes : le couple, l'homme isolé, l'aliénation, sont choisis pour parler au spectateur. Certains metteurs en scène (Grotowski) insistent pour qu'une atmosphère « religieuse » imprègne scène et salle. Il ne faut pas confondre le théâtre de chambre avec le café-théâtre, qui accueille des thèmes satiriques. Des dramaturgies tournées vers l'individu ou la classe sociale trouvent dans le théâtre intimiste une situation d'écoute propice à leur écriture et à leur relation avec le public.

Chamfort (Sébastien-Roch Nicolas, dit Nicolas de)

Écrivain français (Clermont-Ferrand 1740 – Paris 1794).

Après quelques discrets succès littéraires et mondains sous l'Ancien Régime, il applaudit à la Révolution pour se lancer dans le journalisme politique ; il rédige les Tableaux de la Révolution française (1790-1791), prête sa plume à Mirabeau (Des académies, 1791), invente le mot d'ordre « Guerre aux châteaux, paix aux chaumières », avant de mourir sous la Terreur. La publication posthume en 1795 de ses Maximes, pensées, caractères et anecdotes devait assurer sa postérité. On découvrit alors un moraliste amer et cynique, aux formules aussi efficaces qu'assassines, infiniment plus spirituel et subversif que son contemporain contre-révolutionnaire Rivarol. Tout en défendant la nécessité d'un point de vue raisonnable et en épinglant les ridicules, ses maximes tentent d'interroger les passions moins pour les condamner, comme nombre de ses devanciers, que pour y déceler les traces d'une origine perdue et mettre à nu les ressorts cachés des comportements. L'usage abondant du paradoxe sert une interrogation désenchantée des logiques d'une Histoire fondamentalement caractérisée par son ironie tragique, puisque « le genre humain, mauvais de par sa nature, est devenu plus mauvais par la société ». Son œuvre a pu ainsi influencer tant Stendhal que Nietzsche, qui rendit hommage à un homme jugeant « le rire nécessaire, comme un remède à la vie », et même Albert Camus, qui en présenta une édition.

Chamiakine (Ivan Petrovitch)

Écrivain biélorusse (Korma 1921).

Fils de paysan, chroniqueur des partisans (Cours profond, 1949 ; Bonheur anxieux, 1956-1966), il sait aussi critiquer avec lucidité la gestion bureaucratique des kolkhozes (Bon Voyage !, 1953 ; Krinitsy, 1957), puis poser en des romans complexes des problèmes sociaux immédiats (gestion, urbanisme, écologie) et dénoncer l'évolution négative de l'intelligence, opposant dans divers milieux (médecins, architectes, dirigeants locaux) des hommes intègres à de cyniques arrivistes (le Cœur sur la main, 1964 ; Hiver de neige, 1970 ; Atlantes et Caryatides, 1974).

Chamilov (Arab)
ou Ereb Sçemo

Écrivain kurde (Susuz 1897 – Erivan 1979).

Il naquit dans le bourg (russe à l'époque) de Susuz, près de Kars, dans une famille pauvre de la tribu des Hasani. Berger, il apprit le russe à l'école du village, et, en 1914, entra au service des cosaques comme interprète turc, arménien, russe et kurde. Ses activités au sein du parti social-démocrate bolchevique clandestin, auquel il adhéra en 1917, lui valurent la prison. Il participa à la reconstruction de l'économie du Caucase soviétique, ruinée par la guerre, avant d'enseigner la littérature kurde à l'université d'Erivan. Son autobiographie le Berger kurde, qui évoque les coutumes séculaires des tribus nomades, parut d'abord en russe dans la Jeune Garde (1931) puis en kurde (1935). On lui doit encore des récits (l'Aube, 1958 ; la Vie heureuse, 1959 ; Hopo, 1969).