Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Autriche (suite)

1918-1938 : la République mal aimée

La fin de la monarchie habsbourgeoise n'entraîne guère de rupture avec la production de la modernité. En 1920, Hofmannsthal et Max Reinhardt fondent le Festival de Salzbourg dans un esprit de conservation culturelle. Mais la crise économique et politique permanente de la République ne reste pas sans conséquences sur la production romanesque et théâtrale. Rétrospectivement, cette période est l'une des plus fertiles des lettres autrichiennes : Hermann Broch, Robert Musil, Joseph Roth, Elias Canetti, Stefan Zweig et Franz Werfel donnent au roman autrichien sa dimension européenne ; au théâtre, le style épigonal d'un Wildgans cède le pas aux œuvres de Horvath, Bronnen, Bruckner et Soyfer. Cette floraison intellectuelle de la capitale est violemment rejetée par des auteurs du terroir originaires des provinces dont le prototype est le Salzbourgeois Karl-Heinrich Waggerl. Le régime austro-fasciste (1934-1938) a favorisé ce genre de littérature au détriment d'œuvres qualifiées d'« enjuivées ». La plupart de ces auteurs se sont ralliés en 1938 au national-socialisme, parmi eux le poète Josef Weinheber, seul auteur national-socialiste autrichien notable. 1938 ne signifie pas seulement la fin de l'Autriche mais également celle de la modernité artistique. Tous les auteurs de renom sont forcés de quitter l'Autriche devenue « marche de l'Est » du IIIe Reich.

1945-1955 : restauration littéraire et recherche d'identité

La politique culturelle de la Deuxième République accorde à la littérature un rôle prépondérant dans l'affirmation de l'identité nationale. Friedrich Torberg et Hans Weigel, rentrés d'exil, y contribuent activement. La redécouverte du surréalisme influe sur l'œuvre de Paul Celan, d'Ilse Aichinger, de Max Hölzer, de Christine Lavant et de la jeune Ingeborg Bachmann. Des auteurs de l'exil (Broch, Canetti, Drach, Sperber, Kramer, Fried, Lind, Csokor et surtout Hochwälder) retrouvent lentement leur place dans la vie littéraire autrichienne. La tradition multinationale de l'ancienne monarchie alimente la prise de conscience nationale chez Heimito von Doderer, « poeta austriacissimus », Paris von Gütersloh et Georg Saiko. L'Autriche retrouvé est le sujet du roman emblématique Mousse sur les pierres de Gerhard Fritsch, des essais de Herbert Eisenreich et du néobaroque grotesque de Fritz von Herzmanovsky-Orlando.

L'éclatement contemporain 1955-2000

Après le traité d'État de 1955, l'harmonie entre artistes et État se fissure. Un vent de contestation souffle, d'abord incarné par les travaux expérimentaux du Wiener Gruppe (H.C. Artmann, Konrad Bayer, Gerhard Rühm, Oswald Wiener), notamment par l'antiroman Amélioration de l'Europe centrale de Wiener. Ernst Jandl, Friederike Mayröcker, Gunther Falk et le jeune Peter Handke sont proches de l'esprit d'expérimentation linguistique radicale. À partir du monologue satirique Ce bon Monsieur Karl de Qualtinger/Merz (1962), l'Autriche devient un objet haïssable des lettres autrichiennes. L'idylle devient cauchemar dans les antiromans du terroir (Antiheimatroman) qui envahissent la littérature autrichienne : Thomas Bernhard n'est que le plus connus des imprécateurs de l'Autriche (Elfriede Jelinek, Wolfgang Bauer, Gert Jonke, Peter Turrini, Franz Innerhofer, Michael Scharang, Gernot Wolfsgruber, Joseph Winkler, Gerhard Roth, Werner Kofler). Sur le plan institutionnel, ce phénomène a pour conséquence la scission en 1973 du PEN autrichien en PEN officiel (regroupant les conservateurs à Vienne autour de Hilde Spiel et Ernst Schönwiese) et le « Groupement d'auteurs de Graz » représentant tous les courants critiques parmi lesquels il faut compter la littérature à caractère féministe (Barbara Frischmuth, M. Th. Kerschbaumer, Elfriede Czurda et, surtout, Elfriede Jelinek).

   L'élection de Kurt Waldheim à la présidence en 1986 et l'entrée de l'extrême droite de Jörg Haider au gouvernement fédéral en 2000 ont eu pour conséquence la transformation de la quasi-totalité de la littérature autrichienne en actes d'accusation contre le passé refoulé et les turpitudes du présent. L'événement littéraire clé de ce phénomène fut la représentation de Place des héros de Thomas Bernhard en 1989. Malgré la persistance d'une littérature expérimentale (F. Schmatz, F.J. Czernin), la littérature autrichienne de la dernière décennie est marquée par une agressivité satirique et politique remarquable. Au théâtre, le radicalisme de Werner Schwab s'impose. Roman et essai critique dominent de plus en plus (Robert Menasse, Josef Haslinger, Doron Rabinovici) la scène littéraire.

Avana (Ramanantoanina, dit Ny)

Poète malgache de langue malgache (Ambatofotsy-Avaradrano 1891 – Tananarive 1940).

Accusé de complot anti-français en 1917, il est d'abord contraint à l'exil, puis, à son retour à Tananarive, écarté de tout emploi important. Il devient très populaire en publiant, exclusivement dans des périodiques, sous la signature de Ny Avana choisie dès ses premières publications (Chant de fiançailles, 1907), des poésies en malgache, à la structure et aux rimes très recherchées.

avant-garde de Cracovie

courant poétique polonais de l'entre-deux-guerres, formé au début des années 1920 à Cracovie par Tadeusz Peiper (1891-1969), Jan Przybos (1901-1970), J. Brzękowski (1903-1983), mais aussi Tytus Czyżewski (1885-1945) rassemblés autour de la revue l'Aiguillage (1922-1927). Ils s'opposent au courant « Skamander » dont ils dénoncent le lyrisme tandis qu'ils revendiquent la maîtrise de l'esprit. Ils rompent avec le vers syllabotonique et favorisent un vers dense en métaphores. Rationalistes, admirateurs des technologies nouvelles, socialistes de conviction (Peiper parle de « rimes socialistes »), ils considèrent le poème comme un objet autonome qui ne dépend d'aucun message traduisible en prose, mais doit convaincre le lecteur par une sorte de contamination intellectuelle. La poésie est l'expression privilégiée de la vie de la société moderne, urbanisée et industrialisée. La ville, les masses laborieuses, la machine en constituent les thèmes centraux. Le rôle du poète est compris comme celui d'un « artisan des mots », dont le travail dans la matière de la langue est comparable à celui d'un ouvrier.