Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Salmon (André)

Écrivain français (Paris 1881 – Sanary-sur-Mer 1969).

Après un long séjour en Russie, dont il gardera le goût de l'exotisme et le sens de l'exil, il débute dans le cercle de la Plume, se lie avec Jarry et Golberg, fonde le Festin d'Ésope (1903) avec Apollinaire, et Vers et Prose (1905) avec Paul Fort. Ses premiers recueils (Poèmes, les Féeries, le Calumet, 1905-1910), regroupés ultérieurement dans Créances, prennent congé du symbolisme et proposent une vision féerique de la vie moderne. Après la guerre, il célèbre dans des épopées en vers libres la révolution russe (Prikaz) et l'avènement du cubisme dans une ère nouvelle (Peindre, l'Âge de l'humanité). L'ensemble sera repris dans Carreaux (1918-1921). Poète « nominaliste », il pratique le lyrisme du fait brut et devient avec Max Jacob l'un des piliers de l'avant-garde cubiste. Ami de Picasso dès 1905, il a vécu au Bateau-Lavoir, s'est fait connaître comme critique d'art (la Jeune Peinture française, 1912) et ne cessera de défendre les maîtres de l'Art vivant (Picasso, Derain, Modigliani, Kisling, Pascin, Survage, qui ont fait son portrait). Ses contes et ses romans (Tendres Canailles, le Manuscrit trouvé dans un chapeau, Monstres choisis, la Négresse du Sacré-Cœur, l'Entrepreneur d'illuminations, 1912-1921) séduisent par un étonnant mélange de réalisme et de fantaisie. Poète impénitent, il poursuivra son œuvre jusqu'à la fin de sa vie et laisse dans trois volumes de Souvenirs sans fin (1955-1961) un témoignage savoureux sur la naissance de l'Esprit nouveau.

Salmon (Jean) , dit Macrin ou Maigret

Poète français de langue latine (Loudun 1504 – id. 1557).

Élève à Paris de Lefèvre d'Étaples, il fut valet de chambre de François Ier et eut pour protecteurs Guillaume et Jean du Bellay. Ses poèmes latins, publiés de 1515 à 1550, religieux ou profanes, comprennent des élégies, des épithalames, des hymnes et surtout des odes qui lui valurent le surnom d'Horace français. Dans son dernier recueil, les Næniæ (1550), il pleure la mort de son épouse, surnommée Gélonis. Il fut le poète néolatin le plus admiré et le plus imité du règne de François Ier. Son influence fut déterminante sur le premier humanisme français, et l'on peut dire que son programme d'imitation docte des poètes antiques ouvrit la voie à la Pléiade.

Salomon (Ernst von)

Écrivain allemand (Kiel 1902 – Winsen-an-der-Luhe 1972).

Il acquit la notoriété au début des années 1930 par des romans autobiographiques traduisant le désarroi d'une certaine jeunesse allemande, traumatisée par la défaite et la révolution de 1918 et entraînée vers le national-socialisme (les Réprouvés, 1930 ; la Ville, 1932 ; les Cadets, 1933). Sous le IIIe Reich, il se contenta de travailler comme scénariste. Son arrestation en 1945 lui inspira le Questionnaire (1951), où il apparaît une fois de plus comme un témoin de son temps moins soucieux de vérité historique que d'autojustification (la Belle Wilhelmine, 1965 ; le Prussien mort, 1973).

Saltykov-Chtchedrine (Mikhail Ievgrafovitch Saltykov, dit)

Écrivain russe (Spas-Ougol, gouv. de Tver, 1826 – Saint-Pétersbourg 1889).

Issu d'une famille de noblesse provinciale, il passa son enfance et une partie de son adolescence dans le domaine familial, auprès d'une mère despotique. Il fait ses études au lycée de Tsarskoïe Selo, où règne le souvenir de Pouchkine, puis devient fonctionnaire du ministère de la Guerre (1844). Il se rapproche du cercle socialisant de Petrachevski : ses premières nouvelles, naturalistes, imprégnées de ses préoccupations sociales (Contradictions, 1847 ; Une affaire embrouillée, 1848), lui valent d'être envoyé dans le Nord, à Viatka (1848-1855). De cette période datent les Esquisses provinciales (1856-1857), première illustration de la « littérature d'accusation » dont Saltykov fut l'un des fondateurs, et œuvre représentative de sa manière : c'est par une série de tableaux qu'il dénonce les abus de l'administration bureaucratique et exprime sa sympathie envers la classe paysanne. Rentré à Saint-Pétersbourg après l'avènement d'Alexandre II, il est nommé vice-gouverneur de Riazan (1858) puis de Tver (1860). Il prend un congé en 1862 et collabore au Contemporain, où il mène une polémique contre les revues de Dostoïevski, le Temps et l'Époque, dont il dénonce le caractère réactionnaire. Isolé au sein même de la rédaction, il reprend du service en 1864 et séjourne de nouveau en province (Penza, Toula, Riazan), où il puise une riche matière pour sa rentrée littéraire de 1868, comme collaborateur des Annales de la patrie, dont il assure ensuite la direction jusqu'en 1884. Les œuvres des années 1860-1870 (Satires en prose, 1863 ; Récits innocents, 1863 ; Lettres sur la province, 1869 ; Signes des temps, 1869) tiennent à la fois du journalisme et du roman : elles épinglent à travers un langage « ésopique » le scandale d'une société archaïque mais aussi, au lendemain des réformes et de l'émancipation des serfs, le « mensonge libéral ». Ces cycles, avec Messieurs et Mesdames de Pompadour (1863-1874) préparent une des œuvres majeures de Saltykov, l'Histoire d'une ville (1869-1870), parodie de l'histoire de la Russie à travers le microcosme de la ville de Gloupov (Sotteville), gouvernée par les femmes, habitée par des notabilités repoussantes, préfiguration d'un avenir catastrophique. Ce sombre tableau se poursuit dans le Journal d'un provincial à Saint-Pétersbourg (1872), les Discours bien intentionnés (1872-1876) et surtout les Golovlev (1873-1874, publiés en 1880), roman grandiose et effrayant, vraisemblablement le plus sombre de la littérature russe, dont a pu dire qu'il constituait un monumentum odiosum érigé à la mémoire de la petite noblesse provinciale russe. C'est le seul roman à proprement parler de Saltykov, qui s'inspire de ses propres souvenirs pour écrire cette « chronique familiale » dont l'action se situe dans les années qui suivent l'abolition du servage. La famille Golovlev est l'incarnation des vices de la noblesse terrienne (alcoolisme, oisiveté, dureté, avidité). La mère s'allie dans l'exercice de sa tyrannie avec son fils favori, « Judas la sangsue », répugnant et hypocrite, pour étouffer la révolte larvée du reste de la famille : l'un des fils, déshérité, se suicide ; un autre finit au bagne, les nièces et la sœur de Judas sont acculées au désespoir. Finalement maudit par sa mère et abandonné par sa maîtresse, Judas termine ses jours en exploitant la misère des paysans et en s'adonnant à des beuveries. Dans les années 1880, l'écrivain fait – souvent pour des raisons de santé – de fréquents séjours en Europe occidentale, dont il dénonce l'embourgeoisement (À l'étranger, 1880-1881). Son œuvre satirique atteint alors son point culminant (Une idylle contemporaine, 1877-1883 ; les Futilités de la vie, 1886-1887) et trouve avec les Contes (1882-1886) la forme la plus appropriée à une synthèse d'éléments grotesques, hyperboliques et fantastiques.