Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
J

Joyce and Co

pseudonyme utilisé par un groupe d'écrivains hollandais, dont l'animateur est Geerten Maria Meising (Eindhoven 1950), assisté d'Erwin Charles Garden (né en 1950) et de Keith Snell (né en 1951). Les romans parus sous cette signature mettent en œuvre des procédés joyciens dans une atmosphère décadente inspirée de Huysmans et composent une critique de la tradition réaliste des lettres néerlandaises à travers les aventures d'un personnage mythique, Erwin (Erwin, 1974 ; Michael Van Mander, 1979 ; Écho d'Erwin, 1982 ; Cecilia, 1985).

József (Attila)

Poète hongrois (Budapest 1905 – Balatonszárszó 1937).

Malgré une enfance misérable, il parvient à terminer ses études secondaires, publie un premier recueil (le Mendiant de la beauté, 1922) et s'inscrit à l'université de Szeged, mais, découragé par l'hostilité d'un de ses professeurs indigné par le « cynisme » de l'un de ses poèmes, il s'exile d'abord à Vienne, puis à Paris. Rentré en Hongrie, il se fait remarquer par son recueil Je n'ai ni père ni mère (1928). Militant du parti communiste clandestin, rédacteur de la revue Szép Szó (Arguments), auteur de plusieurs grands poèmes d'inspiration marxiste, il voit interdire par la censure son recueil Nuit des faubourgs (1931). Déçu, humilié, incapable de trouver du travail, József mène une existence de plus en plus précaire, sombre dans le désespoir et finit par se jeter sous un train de marchandises. Ses derniers vers rassemblés dans Danse de l'ours (1936) et Cela fait très mal (1937) unissent l'inspiration philosophique (Prise de conscience) et révolutionnaire (Sur le pourtour de la ville) au lyrisme amoureux (Ode), réalisant la synthèse des audaces surréalistes et de la tradition folklorique hongroise. József est également l'auteur de plusieurs essais consacrés à des problèmes philosophiques et esthétiques, qui, comme certains de ses grands poèmes, cherchent à concilier le marxisme avec l'enseignement de Sigmund Freud, pour qui il avait la plus vive admiration.

Juana Inés de La Cruz (sœur)

Poétesse mexicaine (San Miguel Nepantla 1651 – Mexico 1695).

Surnommée par ses contemporains la Dixième Muse du Mexique, elle prit le voile chez les Hiéronymites du couvent de San Jeronimo, où elle resta jusqu'à sa mort, survenue lors d'une épidémie de peste. Elle fit de son cloître le centre de la vie religieuse et sociale du Mexique. Peu de temps avant sa mort, elle vendit les quatre mille volumes de sa bibliothèque – chiffre énorme pour l'époque – au profit des pauvres. La plupart de ses poésies, influencées par Góngora et Calderón, témoignent d'un goût immense du savoir, d'une science précise de la versification mais aussi d'un lyrisme intérieur original. Elle célèbre l'amour dans ses sonnets – et la douleur de l'absence. Premier Songe (1690) est un poème philosophique inclassable. On lui doit des autos sacramentales (le Divin Narcisse) et des comédies de cape et d'épée.

Juda Halevi

Poète et philosophe juif d'Espagne (Tolède v. 1075 – ? v. 1141).

Médecin à Cordoue, il partit, à la fin de sa vie, pour la Palestine. Il arriva en septembre 1140 en Égypte et, en mai 1141, il s'embarque à Alexandrie pour la Terre Sainte. On ignore tout de l'issue de ce voyage, ainsi que des circonstances exactes de sa mort. Poète profane, il adopte les thèmes et la métrique de la poésie amoureuse et bachique arabe. On peut déjà discerner dans ses élégies les premiers signes d'une influence chrétienne. Sa poésie religieuse, où les formes strophiques et les allitérations font merveille, exprime sa foi personnelle ainsi que son amour pour son peuple, alors victime des luttes, sur le sol d'Espagne, des armées chrétiennes et musulmanes. Cet amour est exprimé en particulier dans les Chants de Sion, profanes à l'origine. Son traité philosophique Kuzari, rédigé en arabe, s'attache à démontrer, sous forme de questions et de réponses et à travers une analyse de l'histoire d'Israël, la spécificité irréductible du peuple Juif.

judéo-arabe (littérature)

La littérature judéo-arabe rassemble les œuvres écrites en arabe par des Juifs et, en général, pour des Juifs, dans les pays sous domination arabe, essentiellement pendant le Moyen Âge. Les auteurs usent d'un mélange d'arabe classique et d'arabe parlé, qu'ils transcrivent le plus souvent en caractères hébraïques. La littérature judéo-arabe apparaît aux IXe-Xe s. avec l'Égyptien Saadia, et elle possède, dès l'origine, sa caractéristique majeure qui est d'être une littérature philosophique. L'interpénétration des cultures et des langues (hébreu, araméen, arabe) provoqua le développement des commentaires philosophiques et favorisa les débuts de la grammaire comparée (Juda ibn Quraysh, Isaac ibn Barun, Jona ibn Janah). Si la reconquête de l'Espagne par les monarchies catholiques brisa le creuset principal des lettres judéo-arabes, celles-ci survécurent cependant jusqu'à l'époque contemporaine en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

judéo-espagnole (littérature)

Littérature de l'exil, la littérature judéo-espagnole rassemble les écrits des Juifs expulsés d'Espagne (1492), de leurs descendants et de ceux qui s'assimilèrent à la culture judéo-espagnole (sépharade ou séfardi). Littérature écrite ou orale, profane et sacrée, transmise par tradition dans une langue qui a connu une forte évolution du XVe au milieu du XXe siècle, elle se distingue à la fois de la littérature des Juifs sépharades de Hollande, d'Autriche ou d'Amérique, et des textes hébraïco-espagnols antérieurs à 1492.

   Perdant tout contact avec l'espagnol péninsulaire, elle reçut la marque de la littérature française par le biais de la colonisation en Orient et par la diffusion de la langue française dans les écoles de l'Alliance israélite universelle (Constantinople, Salonique, Smyrne, Jérusalem, Sofia, Belgrade). Parmi les textes liturgiques et les livres de prières, on remarque le Pentateuque de Constantinople (1547), les Prophètes de Salonique (1572), la Bible d'Abraham ben Isaac Assa (1739-45) et aussi cette encyclopédie des sciences morales et religieuses, le Me-Am Loez, entrepris par Jacob Culi (1730) et offrant l'essentiel de la pensée et de la tradition juives (ouvrage achevé en 1899).

   La littérature profane judéo-espagnole, très proche à l'origine du romancero espagnol, connaît son âge d'or au XVIe siècle avec une sorte de poésie liturgique à laquelle se mêlent des thèmes populaires (Coplas de Purim, Coplas de Pesah). Dès le XVIIe siècle, on note une influence des pays balkaniques dans les formes orales du refranero (proverbe) et du contero (conte). À partir du XIXe siècle, les courants culturels occidentaux influencent l'apparition de genres nouveaux (roman), le développement de la presse, la traduction d'œuvres françaises ou anglaises et la naissance d'un théâtre judéo-espagnol. Aujourd'hui, la littérature judéo-espagnole est en voie de disparition du fait de l'assimilation des communautés juives à la culture occidentale et à la suite du génocide des Juifs sépharades lors de la Seconde Guerre mondiale.