Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
Z

Zinoviev (Aleksandr Aleksandrovitch)

Écrivain russe (Pakhtino, province de Kostrama, 1922-Moscou 2006).

Arrêté en 1939, il s'évade, puis s'engage dans l'armée en 1940. Après des études de philosophie, il devient professeur de logique à l'Université de Moscou, mais, en 1978, il est contraint de s'exiler. Son œuvre, à laquelle on reconnaît aujourd'hui un intérêt socio-historique plus que littéraire, est indissociable de l'Homo sovieticus, selon l'un de ses titres (1983), et perd avec la chute de l'U.R.S.S. sa raison d'être. C'est dans les Hauteurs béantes (1976) qu'il donne la réprésentation la plus marquante du « phénomène totalitaire » : constitué d'une série de textes brefs, généralement satiriques, parfois en vers, auxquels les titres fournissent leur unité, le livre a pu être livré, « par fragments », au fil de son écriture, à l'étranger. La société soviétique, régie par l'absurde, est pour Zinoviev une Maison de fous (1980), dont la perestroïka ne fait que précipiter l'effondrement (Katastroïka, 1990).

Ziverts (Marties)

Dramaturge letton (Mežmuiža 1903 – Stockholm 1990).

Ce grand dramaturge devint populaire après la représentation de sa pièce le Bouffon (1938), qui racontait de façon originale la vie de Shakespeare. Parmi ses autres pièces célèbres, le Vase chinois (1940) ou encore le Mariage de Münchhausen (1941). Il émigra en Suède en 1944 où il continua à écrire des pièces à caractère psychologique. Certaines d'entre elles évoquèrent ses souvenirs de réfugié (le Dernier Bateau, la Censure, 1951). Ses principales œuvres de l'exil sont le Métal (1954), Riga gronde (1968) et le Dialogue de Copenhague (1982). À partir de la fin des années 1980, Marties Ziverts se remit à travailler avec différents théâtres de Lettonie. Il mourut en 1990 à Stockholm, mais ses cendres furent rapatriées à Riga.

Ziyâda (Mayy)

Femme de lettres d'origine palestinienne (Nazareth 1895 – Alexandrie 1941).

Engagée dans le mouvement féministe, elle fit du journalisme et anima le plus important salon littéraire du Caire dans les années 1920. Elle publia en arabe de nombreux recueils mélancoliques (le But de la vie, 1921 ; Paroles et Allusions, 1922 ; Impressions d'une jeune fille, 1922 ; l'Égalité, 1923 ; Ténèbres et Rayons, 1923 ; les Feuillets, 1924 ; Entre flux et reflux, 1924) et en français, sous le pseudonyme d'Isis Copia, un recueil de poésies (Fleurs de rêve). Elle entretint une importante correspondance avec Gibrân, auquel elle était très attachée.

Zobel (Joseph)

Écrivain martiniquais (Rivière-Salée 1915 – Alès, Gard, 2006).

Après un roman paysan, Diab'la, interdit par la censure en 1942, publié en 1945, ses ouvrages ultérieurs, la Rue Case-Nègres (1948) et la Fête à Paris (1953), racontent l'évolution d'un écolier aux prises avec l'acculturation et le dépaysement. Ses nouvelles, centrées sur des thèmes voisins (Laghia de la mort, 1946 ; les Jeux immobiles, 1946 ; le Soleil partagé, 1964), évoquent, sans idéologie explicite ni langage polémique, le sentiment de l'injustice sociale ou raciale.

Zochtchenko (Mikhaïl Mikhaïlovitch)

Écrivain russe (Poltava 1894 – Leningrad 1958).

Il abandonne ses études pour s'engager comme soldat en 1914, expérience qui lui inspirera son premier recueil de nouvelles, les Récits de Nazar Illitch (1922). Après avoir combattu au sein de l'Armée rouge, il fait son apprentissage d'écrivain auprès des frères Sérapion (Fédine, V. Ivanov...). Ses nouvelles mettent en scène des bourgeois qui tentent comiquement de s'adapter à l'ordre nouveau, avec une ironie qui n'exclut pas la compassion de l'auteur pour les « petites gens » pris dans la tourmente de l'Histoire (Récits sentimentaux, 1928). Mais la société socialiste, règne de l'optimisme, exclut par définition le genre satirique. L'écrivain tente alors de se plier à la règle avec le Livre bleu (1934). De fréquentes dépressions l'incitent à explorer son passé, dans Élixir de jouvence (1933), mais surtout Avant le lever du soleil (1943), dont l'interdiction (jusqu'en 1972), pour son contenu psychologisant, marque le début d'une série de persécutions.

Zohrab (Krikor)

Écrivain arménien (Istanbul 1861 – assassiné en 1915).

Avocat, il excelle dans la nouvelle réaliste, par son exposé clair et rapide des faits et la vérité psychologique de ses caractères (la Vie telle qu'elle est, 1911).

Zola (Émile)

Écrivain français (Paris 1840 – id. 1902).

Né à Paris le 2 avril 1840, d'un père italien, Émile sera élevé à Aix, mais cette enfance provinciale est marquée par la mort de son père, alors qu'il a sept ans. En 1858, Zola suit sa mère à Paris, sans véritable enthousiasme. D'ailleurs, tout va mal : élève à Saint-Louis, il échoue au bac et se retrouve dans un bureau assez navrant et bientôt quitté. Après la gêne, c'est la pauvreté puis la misère, agrémentée parfois de lectures ou de la visite de son ami Cézanne. Sa véritable chance, il ne va la trouver que chez Louis Hachette : il y entre comme commis, aux paquets, mais en profite aussi pour soumettre ses poèmes au patron. Celui-ci l'engage à écrire de la prose et fait surtout de lui son chef de publicité. C'est l'occasion pour Zola de rencontrer les auteurs « maison » et les autres, de connaître les coulisses de l'édition.

Une vie : travail et vérité

Quittant Hachette en 1866, Zola va exploiter cet acquis dans la presse, en collaborant à l'Événement de Villemessant avec une rubrique à mi-chemin entre la publicité rédactionnelle et la critique littéraire, avec aussi un Salon pro-Manet qui fait scandale (voir également son étude sur le même peintre en 1867). Car, pendant longtemps, Zola mènera de front son œuvre littéraire et sa collaboration à des journaux provinciaux (le Salut public de Lyon, le Sémaphore de Marseille), parisiens (l'Événement, mais aussi le Petit Journal, le Figaro, la Tribune, le Rappel, le Gaulois, le Voltaire parmi d'autres, en attendant l'Aurore) ou étrangers (le Messager de l'Europe de Saint-Pétersbourg). La presse apporte à Zola non seulement les revenus que cet écrivain sans fortune ne peut pas négliger, mais encore une tribune pour faire avancer ses idées, publier son œuvre en feuilleton ou vanter ses amis, les futurs impressionnistes par exemple.

   Vers ces mêmes années, il publie aussi les Contes à Ninon (1864), la Confession de Claude (1865), où l'on cherche souvent des échos autobiographiques et le Vœu d'une morte (1866). Néanmoins, ses ouvrages de fiction comme ses travaux de critique littéraire ou artistique (Mes haines, 1866) ne sont encore que des essais : Zola cherche sa voie. On attend toujours la grande œuvre et elle arrive avec Thérèse Raquin (1867) : ce premier grand roman en permet bien d'autres – il ouvre la voie, après Madeleine Férat (1868), aux vingt volumes des Rougon-Macquart.

   La Fortune des Rougon paraît en feuilleton au moment où se déclenche le séisme politique et social de 1870. L'année suivante la Curée choque quelques bonnes âmes qui écrivent au procureur et obligent Zola à interrompre la publication en feuilleton. Désormais, l'histoire de l'homme se confond avec celle de l'œuvre. Édité chez Charpentier, il donne chaque année une nouvelle « étude » de son « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire » (sous-titre de la série). L'édifice prend forme en même temps que s'affirme la maîtrise de l'architecte : le Ventre de Paris (1873), la Conquête de Plassans (1874), la Faute de l'abbé Mouret (1875), Son Excellence Eugène Rougon (1876). En même temps, Zola s'essaie aussi au théâtre, sans beaucoup de succès, et publie des contes (plusieurs volumes : les Nouveaux Contes à Ninon (1874), le Capitaine Burle (1883), Naïs Micoulin (1884).

   Il s'est fait un cercle d'amis dont les idées esthétiques ou le tempérament lui plaisent : les peintres bien sûr, mais aussi les écrivains. Il est allé chez les Goncourt, connaît Flaubert, Daudet, Maupassant, Huysmans et même Mallarmé, qui adorera l'Assommoir (1877). Ce livre est le premier grand succès de Zola : c'est également un événement social et politique. Certains attaquent le livre pour sa crudité ou encore pour sa vision pessimiste du peuple, mais les lecteurs suivent, fascinés peut-être par un exotisme social assez nouveau. Après Une page d'amour (1877-78), qui surprend un peu les lecteurs habitués à des liqueurs plus fortes, même succès d'édition avec Nana (1879-80).

   Zola est à présent un auteur arrivé : d'abord, et c'est important pour lui, il vend. Mais, en plus, il est devenu le maître à penser d'une école « naturaliste » qui produit les Soirées de Médan (1880), auxquelles ont collaboré Maupassant, Huysmans, Céard, Hennique et Alexis. Une école et une doctrine qu'illustrent aussi le Roman expérimental (1880) et toute une série d'articles publiés en volumes (les Romanciers naturalistes, Nos auteurs dramatiques, Documents littéraires, le Naturalisme au théâtre, 1881 ; cf. également Une campagne, 1882, et plus tard Nouvelle Campagne, 1897). Presse, édition, théâtre même avec des adaptations de Busnach et les tentatives d'Antoine, le terrain semble conquis, tandis que les romans continuent à tomber régulièrement, année après année : Pot-Bouille (1882), Au Bonheur des dames (1883), la Joie de vivre (1884), Germinal (1885), dont l'ampleur rappelle l'Assommoir, l'Œuvre (1886), qui le fâche avec Cézanne, la Terre (1887) aussi, dont certains pseudo-naturalistes refusent « la note ordurière... exacerbée encore, descendue à des saletés si basses que, par instants, on se croirait devant un recueil de scatologie ». On découvre ici, justement, le ton bas et agressif des ennemis de Zola depuis qu'il a du succès, le même qu'on retrouvera plus tard au moment de l'affaire Dreyfus. Le Rêve (1888) rassure un peu, mais la Bête humaine (1890), l'Argent (1891) et surtout la Débâcle (1892) réveilleront l'hostilité.

   Sur un plan privé, Zola est à la fois heureux et déchiré : marié depuis 1870 à Gabrielle-Alexandrine Meley, il rencontre en 1888 Jeanne Rozerot, qui lui donnera deux enfants. Et cette métamorphose sentimentale se double d'une mutation physiologique : au Zola « gras » succède un Zola « maigre », fringant cycliste – aux dépens (a-t-on dit) du romancier, désormais trop heureux pour bien écrire ! En tout cas, il vient à bout de sa série avec les volumes déjà cités, plus le Docteur Pascal (1893), où l'œuvre entière se projette et s'explique : vingt volumes en tout dont l'ampleur ne peut se comparer qu'à la Comédie humaine ; l'homme mûr a bien réalisé les ambitions du jeune homme. Zola se lance alors dans deux autres grandes séries : celle des Trois Villes (Lourdes, 1894 ; Rome, 1896 ; Paris, 1898) avant celle des Quatre Évangiles (Fécondité, 1899 ; Travail, 1901 ; Vérité, 1903 ; Justice ne verra pas le jour).

   Ces romans ont longtemps été trop négligés et il est vrai qu'ils semblent parfois un peu longs, un peu fades. Peut-être aussi sont-ils éclipsés par l'affaire Dreyfus. Assez peu concerné au début, Zola comprend la machination et prend la défense du capitaine. Contre les mauvais romans de l'accusation, contre l'injustice et l'antisémitisme, pour l'innocent calomnié, la cause est belle, mais dangereuse. Il s'attire immédiatement les foudres de l'antidreyfusisme militant, surtout après J'accuse, un grand article publié dans l'Aurore le 13 janvier 1898. À la suite d'un procès spectaculaire où défilent les protagonistes de l'affaire (sauf le capitaine, bien sûr), Zola est condamné à un an de prison et 3 000 francs d'amende ; il se pourvoit en cassation et choisit finalement de partir pour l'Angleterre au moment où commence un second procès : il en revient un an après lorsqu'une autre décision de la Cour de cassation semble sauver Dreyfus. « Semble » seulement, puisque à Rennes un nouveau conseil de guerre le condamne, avec circonstances atténuantes cette fois ! Zola continue donc son combat puisque l'affaire n'est pas finie, même si Dreyfus est gracié : elle ne s'achèvera qu'avec la réhabilitation définitive en 1906.

   Pour autant, l'action politique de Zola n'a pas arrêté son œuvre : d'abord parce que ses articles sur l'affaire en font pleinement partie. Ensuite parce que l'affaire, justement, vient confirmer une tendance de l'écrivain : Zola, désormais, accepte le combat « politique » au sens large du mot, pour une « société future (qui) est dans la réorganisation du travail », pour une « future Cité de Paix », annoncée évidemment par les Quatre Évangiles. Le naturalisme de Zola devient une sorte de messianisme laïque : l'évolution était prévisible depuis la fin des Rougon-Macquart.

   Asphyxié par une cheminée bouchée, Zola meurt en 1902. Quelques années plus tard, en 1908, les cendres de l'écrivain seront transférées au Panthéon.