Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Vorpouni (Zareh Euksuzian, dit Zareh)

Écrivain arménien (Ordu 1902 – Paris 1980).

Il entreprit le cycle romanesque les Persécutés, où il peint les tentatives de survie des rescapés du génocide. Et l'homme fut (1965) analyse les inhibitions d'un jeune Arménien de la diaspora tiraillé entre la figure de la Française et celle de sa compatriote.

vorticisme

École artistique américaine en liaison et en opposition avec le futurisme et l'imagisme fondée en 1914 par le peintre et romancier Wyndham Lewis et qui comprit, outre les peintres et sculpteurs Nevinson, Roberts, Wadsworth, Epstein et Gaudier-Brzeska, les écrivains Thomas Ernest Hulme et Ezra Pound. Blast, la voix du « Vortex », n'eut que deux numéros (juin 1914, juin 1915). Un élan fondateur du modernisme américain.

Voss (Johann Heinrich)

Écrivain allemand (Sommersdorf 1751 – Heidelberg 1826).

Petit-fils d'un serf, il fit des études à force de volonté et conserva toute sa vie des opinions démocratiques. Admirateur de Klopstock, il fut en 1772 à Göttingen un des fondateurs du « Hain », cercle poétique de l'Empfindsamkeit, et assura en 1775 la publication de l'Almanach des Muses. Ses meilleures œuvres sont des idylles en vers qui décrivent la vie quotidienne dans les villages et petites villes (le Soixante Dixième anniversaire, 1781 ; Luise, 1782). Excellent helléniste, il a renouvelé l'étude de la métrique antique et donné une magistrale traduction d'Homère.

Vourgoun (Samed Vourgoun Iusif-ogly Vekilov, dit)

Poète azerbaïdjanais (Salakhly 1906 – Bakou 1956).

Fils de paysans, il fut le père d'une poésie soviétique dont il enrichit la langue et qu'il défendit contre les tenants de l'art pur. Ses vers célèbrent la Révolution, la société nouvelle (le Serment du poète, 1930 ; Les 26, 1935 ; Basti, 1937), la résistance à l'invasion (les Sentinelles de la patrie, 1941 ; Aux partisans d'Ukraine, 1942), la reconstruction, la lutte pour la paix (Un nègre parle, 1948 ; Mougan, 1949 ; Souvenirs d'Europe, 1947-1950 ; Aïgoun, 1951) et la figure de Lénine (le Porte-étendard du siècle, 1954). Il est aussi l'auteur de drames historiques d'inspiration sociale et patriotique (Vaguif, 1937 ; Khanlar, 1939 ; Farkhad et Chirine, 1941).

Vovtchok (Maria Aleksandrivna Vilinska-Markovytch, dite Marko)

Femme de lettres ukrainienne (Ekaterinovka 1834 – Naltchyk 1907).

Épouse de l'ethnologue A. Markovytch, amie de Chevtchenko et des démocrates russes, elle fréquenta, lors de ses voyages en France, Tourgueniev et Flaubert, et participa à la collecte du folklore ukrainien. Sa production littéraire comprend une vingtaine de récits, dans lesquels elle dénonce la condition des serfs et la misère rurale consécutive à la réforme inachevée de 1861 (Récits populaires d'Ukraine, 1857 ; l'Étudiante, 1860 ; Âme qui vive, 1868 ; En province, 1875). Elle est l'auteur original de Maroussia, récit pour enfant que Hetzel, son ami et éditeur parisien, remania et signa de son seul nom de plume de Stahl. Elle est (en russe) la traductrice de J. Verne.

voyage (récit de)

Chroniques de la découverte du monde, reflet de l'imaginaire des civilisations et de leurs mentalités, les récits de voyage, à la fois œuvres littéraires et documents anthropologiques, ne peuvent donner lieu à un discours unitaire. Établir un recensement est déjà une tâche immense : devant la grande diversité formelle des œuvres, on peut admettre dans le corpus des écrits de géographes ou d'historiens (Hérodote, Xénophon) et aussi, malgré leur technicité, des carnets de route, journaux de bord, guides de voyage (Pausanias, IIe s. apr. J.-C.), les itinéraires de pèlerinage, et des correspondances, celle des ordres religieux particulièrement, telles les Relations des missionnaires jésuites. N'oublions pas d'autre part que la mémoire culturelle associe sans les confondre récits imaginés et relations authentiques. C'est que, dans les mythes et dans les contes, le voyage figure le destin de l'homme, de l'Odyssée au Voyage de saint Brendan.

   Le récit de voyage, se constituant en genre, n'a de sens que par l'écart qu'il mesure, à un moment précis, entre une civilisation et le reste du monde. C'est ainsi que notre littérature de voyage ne peut nous renseigner que sur notre propre regard d'Européens. Mais les voyageurs chinois, les voyageurs arabes, comme le célèbre Ibn Battuta (1304-1377), ont aussi été des découvreurs. De plus, nous ne sollicitons pas de la même manière les textes très anciens et les témoignages plus modernes. Nous nous bornons à enregistrer les premiers, tels les « périples » de l'Antiquité, dans l'histoire du voyage. Mais seule la proximité historique ainsi qu'un environnement culturel bien défini permettent de mesurer comment un récit produit le choc de la nouveauté (par ex. les lettres de Christophe Colomb et d'Amerigo Vespucci) et modifie radicalement les données intellectuelles d'une époque.

L'entreprise d'édition

À la fin du XVe siècle, avec le développement de l'imprimerie, l'Europe atteint à la conscience de l'universel en même temps qu'elle affirme les valeurs de sa propre civilisation ; les récits de voyage cessent alors d'apparaître comme une documentation spécialisée pour entrer dans la littérature générale. Une abondante production s'offre ainsi à la curiosité des lecteurs et à l'interrogation morale d'un Las Casas, d'un Montaigne : près de six cents œuvres sont imprimées en français entre 1481 et 1609.

   Dès le XVIe s. se constituent les grandes collections de voyage et les « cosmographies », assorties d'une iconographie. Le XVIIIe s. mettra en chantier de nouvelles séries, dont la plus célèbre est l'Histoire générale des voyages (15 volumes parus entre 1746 et 1759). Dans la seconde moitié du XIXe s., les descriptions de l'Afrique, de l'Océanie, bientôt des régions polaires, se multiplient. Publiés dans une presse à fort tirage (le Journal des voyages) et dans des collections à prix modique (la Bibliothèque d'aventure et de voyages), ces récits deviennent alors une littérature populaire plus soucieuse de pittoresque et de stéréotypes que de qualité d'écriture et d'informations exactes. Le genre s'use et s'estompe devant la forme nouvelle de la relation objective : le reportage.

Le voyage philosophique

L'âge d'or des récits de voyage s'étend du XVIe au XIXe s. Pendant ces quatre siècles de découverte et d'exploration systématique, l'esprit de l'entreprise se modifie, le voyage d'agrément se répand. Le raconter devient un divertissement littéraire, soucieux cependant de rigueur et d'observation méthodique.

   Au XVIIIe s., les esprits éclairés vont utiliser le « regard étranger » pour scruter leurs propres sociétés et avancer des idées contestataires par le biais de cette structure narrative. Présenté comme fiction ou comme relation authentique, le récit de voyage devient pour les écrivains des Lumières – des Lettres persanes (1721) de Montesquieu aux Voyages de Gulliver (1726) de Swift, du Candide (1759) de Voltaire au Supplément au voyage de Bougainville (1772) de Diderot – un mode d'expression privilégié de la pensée critique. Rejoignant l'héritage du récit utopique ou imaginaire (Thomas More et l'Utopie, 1516 ; Campanella et la Cité du soleil, 1623 ; Bacon et la Nouvelle Atlantide, 1627 ; Cyrano de Bergerac, Histoire comique des États et Empires de la Lune, 1657), le genre se développe et donne matière à une collection de 39 volumes, les Voyages imaginaires, Songes, Visions et Romans (1787).

   Il rejoint également le récit de formation (Grimmelshausen, Lesage, Defoe, Fielding). Le Télémaque (1699) de Fénelon est le type même d'une fiction qui fait du récit de voyage une affaire de pédagogie, l'occasion de s'instruire sur le monde et le gouvernement des hommes. Modèle des Voyages de Cyrus (1723) de Ramsay, du Voyage en Grèce du jeune Anarchasis (1788) de l'abbé Barthélemy, il inspirera au XIXe s. une foule de romans moralisateurs pour enfants (le Tour de la France par deux enfants, 1877). Les récits de voyage constituent en effet, à partir de la fin du XVIIIe s., un fonds qu'on prend tel quel ou qu'on adapte. Robinson Crusoé (1719) est maintes fois imité. Dans la même logique, l'éditeur Hetzel fonde, à partir de 1862, la collection des Voyages extraordinaires.