Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Laleau (Léon)

Écrivain haïtien (Port-au-Prince 1892 – Pétionville 1979).

Il a écrit des comédies, des essais critiques, un bon roman, le Choc (1932), sur les heurts nés de l'occupation américaine, mais il est surtout un poète, qui a pratiqué momentanément le vers libre et qui atteint à une maîtrise presque acrobatique de la versification traditionnelle dans des poèmes elliptiques, d'une inspiration à la fois humoristique et galante. Sa Musique nègre (1931) le classe parmi les devanciers de la négritude et renferme des morceaux restés célèbres sur les tourments psychologiques du métissage. L'ensemble, de la Flèche au cœur (1926) aux Ondes courtes (1933), a été rassemblé en un volume en 1978.

Lamarche-Vadel (Bernard)

Critique d'art, poète et romancier français (Avallon 1949 – château de la Rongère, Mayenne, 2000).

Critique d'art, auteur de monographies (Jean-Pierre Pincemin, 1979 ; Keiichi Tahara, 1984 ; Alberto Giacometti, 1984 ; Joseph Beuys, 1985 ; Klossowski, 1985 ; Arman, 1987) et de nombreux écrits sur la photographie (rassemblés dans Lignes de mire, 1995), il obtient le prix Goncourt du premier roman pour Vétérinaires (1993), récit baroque et angoissant, suivi de Tout casse (1995), allégorie apocalyptique de « l'espèce humaine, cette ignominie se saoulant de sa propre viande pour se reproduire ». Sa vie, son œuvre (1997) poursuit, dans un style convulsif jusqu'à l'hermétisme, des obsessions morbides proches de l'esthétique expressionniste. Il se fait ethnologue impitoyable de notre époque dans L'Art, le suicide, la princesse et son agonie (1998), recueil de nouvelles centrées sur la mort de la Princesse de Galles. Dépressif, il se suicide après un dernier titre publié, Comment jouer enfermement (1999).

Lamartine (Alphonse de)

Poète français (Mâcon 1790 – Passy 1869).

Fils d'un cadet de famille noble, il vit une enfance modeste à Mâcon même, puis à Milly : vie familiale proche de celle des villageois qu'il évoquera dans ses Mémoires inédits (1870). Il fréquente jusqu'en 1800 l'école paroissiale de Bussière, où il reçoit les leçons de l'abbé Dumont (modèle de Jocelyn), puis après deux ans d'internat dans l'institution Puppier à Lyon, que ne peut supporter ce caractère rebelle (il s'évade en décembre 1802, au grand dam de sa mère), il est confié au collège de Belley : il y restera jusqu'en 1808, goûtant les méthodes douces des Pères de la Foi. Sa sensibilité, son imagination, son sentiment de la nature et de la religion s'y développeront et lui inspireront ses premiers vers, en même temps qu'il y formera trois amitiés indestructibles (Bienassis, Vignet, Virieu).

   Tenu à l'écart de toute carrière par les convictions légitimistes de sa famille, il mène de 1808 à 1819 une existence oisive, tantôt dissipée et mécréante, tantôt rêveuse et mélancolique. De vagues études, des lectures abondantes et désordonnées (Homère, la Bible, Parny, Chateaubriand, Mme de Staël, Alfieri, Rousseau, Werther), des visites et correspondances avec ses trois amis, des rêveries qui aiguisent ses ambitions littéraires et se traduisent par des vers et des projets – un « tout petit livre d'élégies » et une tragédie dont il attend la gloire. Pour l'éloigner d'un premier amour (Henriette Pommier, « Terpsichore moderne » et muse romantique), sa famille le fait recevoir à l'académie de Mâcon, où il prononce un Discours sur l'étude des langues étrangères, puis arrange un voyage en Italie (juillet 1811-mai 1812) qui lui laissera d'inoubliables impressions, ainsi que le souvenir d'un amour ardent qu'aurait eu pour lui une jeune corailleuse napolitaine (idéalisée dans diverses œuvres et surtout dans Graziella, 1849).

Des premières Méditations à l'Académie française

Rentré à Milly, il commence Saül, tragédie biblique, ainsi qu'un grand poème épique sur Clovis. La Restauration lui apportera-t-elle enfin la possibilité de fixer sa vie ? Engagé comme garde du corps en juillet 1814, il démissionne en novembre 1815. C'est en octobre 1816 qu'il rencontre, aux eaux d'Aix-en-Provence, celle qu'il immortalisera sous le nom d'Elvire, Julie Bouchaud des Hérettes, mariée à l'âge de 20 ans au célèbre physicien Charles, alors sexagénaire. Lamartine et Julie – créole de santé fragile – vécurent dans ce décor rousseauiste quelques semaines d'exaltation et de bonheur. Ils devaient se retrouver durant l'été 1817 à Aix ; Lamartine l'attendra en vain : le 29 août, il commence à écrire le Lac, puis en septembre compose l'Immortalité, « Première Méditation ». Mais Julie meurt le 18 décembre. À son désespoir, Lamartine ne peut opposer une foi comparable à celle d'Elvire (le Crucifix) ; il s'enferme dans la solitude et retrouve dans toute son ampleur le problème de la foi. En attendant que se dénoue cette crise morale, il se jette dans le travail, achève Saül, compose l'Ode au malheur (« le Désespoir » des Méditations), la Foi et l'Isolement. Alors que Saül, dont il attendait beaucoup, est refusé par Talma, trois des Méditations, habilement présentées par Virieu et imprimées par le duc de Rohan, lui valent un succès qu'il n'escomptait pas et qui le décide à en publier un recueil. En « pèlerinage » à Aix, il rencontre Elisa Birch, à laquelle il se fiance : en décembre 1819, il cherche à Paris à la fois un éditeur et un poste diplomatique qui permette son mariage. En mars 1820, il est nommé attaché d'ambassade à Naples, les Méditations poétiques sont publiées (24 pièces) et, le 6 juin, il épouse Elisa Birch. C'est la gloire : les éditions des Méditations se succèdent et, en décembre 1822, on en est déjà à la 9e.

   La période 1820-1830, ponctuée de nombreux voyages et marquée par la naissance de ses enfants (Alphonse, qui mourra prématurément, et Julia), est particulièrement féconde : la Mort de Socrate (1823), les Nouvelles Méditations poétiques (1823), le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold (1825, inspiré par la mort de Byron), le Chant du sacre (1825), les Psaumes modernes, qui deviendront les Harmonies poétiques et religieuses en 1830, année de sa réception à l'Académie française.

Le révolutionnaire

La révolution de juillet 1830, sans l'éloigner complètement de la littérature, le tourne pour vingt ans vers la politique. En juillet 1831, il échoue à la députation et est attaqué dans la Némésis par Barthélemy, qui l'accuse d'utiliser sa renommée littéraire à des fins personnelles, sans rapport avec les convictions libérales qu'il affiche : sa Réponse à Némésis (1831) développe l'idée qu'il se fait de lui-même, du poète et de la poésie. Il publie encore la Politique rationnelle et l'Ode sur les révolutions (1831) avant de partir pour un voyage en Orient. Déçu par la Grèce, il parcourt avec ferveur la Palestine, la Galilée, mais une douloureuse épreuve l'attend : sa fille Julia meurt à Beyrouth. Il lui consacrera l'émouvant poème Gethsémani et ne fera paraître ses Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient qu'en 1835. Élu député de Bergues (Nord) pendant son absence, il rentre en France : la publication de Jocelyn (1836), de la Chute d'un ange (1838) et des Recueillements poétiques (1839) ne l'empêchera nullement de participer aux grands débats d'idées et aux discussions parlementaires (Discours sur le retour des cendres de l'Empereur, 1840 ; Sur les fortifications de Paris, 1841 ; Marseillaise de la paix, 1840). Il travaille surtout à l'Histoire des Girondins (1847), qui devait à la fois résoudre ses embarras financiers et donner des leçons de modération et de vertu à un peuple dont l'agitation devait amener la chute de la monarchie de Juillet : en juillet 1847, au banquet qui célèbre à Mâcon le succès de son ouvrage, Lamartine annonce « la révolution du mépris ». Le 24 février 1848, le roi fuit ; Lamartine, membre du gouvernement provisoire, proclame la république à l'Hôtel de Ville et prend la parole à la Chambre. Le lendemain, dans une harangue qui soulève l'enthousiasme, il amène les émeutiers à renoncer au drapeau rouge en faveur du drapeau tricolore. Ministre des Affaires étrangères en mars, il prononce le Manifeste aux puissances. Aux élections d'avril, il est élu par 10 départements. Mais sa politique ambiguë à la veille des journées de Juin lui vaut de n'obtenir le 10 décembre, à l'élection présidentielle, que quelques milliers de voix.