Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
H

humanisme (suite)

Un questionnement plus qu'une doctrine

Aussi n'y a-t-il pas lieu de présumer l'échec ou le déclin de celui-ci lorsque les rêves de synthèse s'effritent dans les controverses provoquées par la Réforme. Passé l'âge d'or, l'humanisme trouve au contraire sa forme la plus vivace : le débat où la pensée se remet sans cesse en cause découvre la complexité de ses ramifications et de ses assises, et progresse dans l'incertitude au lieu de se figer en doctrine. Cette mutation s'esquisse déjà dans les paradoxes de l'Éloge de la folie (1509), des Colloques et de maintes gloses des Adages : ils inaugurent ce que l'on pourrait appeler, sous le patronage du « saint Socrate » d'Érasme, un « humanisme ironique », composé instable de confiance et d'inquiétude, de ferveur et de dérision – celui de Rabelais, de Corneille Agrippa, de Montaigne enfin. Rien d'accidentel ici. La fragmentation et la critique de l'encyclopédie humaniste étaient latentes dans son principal mode d'exposition : le commentaire par recoupements et interprétations, qui dessine des réseaux aléatoires dans la diversité des textes et incorpore au savoir retrouvé une réflexion permanente sur la précarité de ses agencements. Dans la phase d'enthousiasme, cela se traduit par une conception dynamique de la culture : Érasme fait prévaloir la méditation sur « l'esprit » des textes contre l'asservissement à « la lettre », et se soucie, comme Vivès ou Melanchthon entre autres, d'une pédagogie qui permettra à chacun d'assumer le nouvel héritage. À l'époque des crises, il s'agit de se situer devant celui-ci, d'en remembrer les éléments hétéroclites, d'y chercher ou d'y inventer des repères : cet éclectisme, illustré par Juste Lipse, témoigne de la complexité croissante de la tâche sans la modifier radicalement. Le problème est toujours d'annexer le legs du passé, par remaniement et assimilation, mais d'en restituer en même temps la forme et le sens exact, à distance historique (contre le temps du Moyen Âge conçu comme une tension vers l'avenir – la fin du monde et le Jugement dernier –, l'humanisme retrouve la « dimension du passé ») ; double postulation qui, en se précisant, révèle l'inconsistance des synthèses hâtives et leur substitue soit le regard critique, mesurant l'écart, soit l'évocation des âges révolus, contre les désarrois du présent.

   L'humanisme ne constitue pas une doctrine, et ses thèmes les plus fréquemment repris – la dignité et la perfectibilité de l'homme, ses espoirs temporels et spirituels, la valeur du savoir, les ressources et les mystères du langage, les leçons de l'histoire et du retour aux origines – se diversifient à l'extrême dès que l'on essaie de les préciser : il y a plus de différences que de ressemblances entre Pic de la Mirandole et Montaigne, entre Politien et Rabelais. Mais ce sont justement ces divergences qui révèlent le trait essentiel : l'extension des connaissances en tous sens, leur configuration disparate et, de ce fait, problématique. En adoptant sans les falsifier ni les mutiler les apports des civilisations anciennes, en les sollicitant pour tenter de répondre aux questions posées par un monde en transformation, érudits et écrivains se sont donné un domaine énigmatique, instable, scindé par ses tensions internes autant que par les bouleversements extérieurs. Leur travail d'inventaire se double ainsi d'une réflexion sur le savoir et sur l'art : par l'humanisme, la culture européenne prend conscience de ses antécédents, de ses conditions d'élaboration et de transmission, de ses fins, de ses risques. Cette attitude complexe correspond à la structure en mosaïque du champ d'investigations ouvert par les studia humanitatis, à la diversité de ses repères, aux ferments de contradictions qui le travaillent, aux décalages qui l'empêchent de coïncider avec le réel et suscitent interrogations, critiques et exigences. L'annexion, le remaniement et la réinterprétation de ces données culturelles polymorphes, avec une réflexion permanente sur la tâche entreprise et sur ses modes d'accomplissement : telle pourrait être une définition de l'humanisme de la Renaissance.

Hunt (James Henry Leigh)

Écrivain anglais (Southgate, Middlesex, 1784 – Putney 1859).

Poète (Juvenilia, 1801), directeur de périodiques (il fonde The Examiner en 1808), bouleversé par sa rencontre avec Shelley, il devient après son emprisonnement en 1813, pour un article irrespectueux à l'égard du prince régent, le héros du libéralisme. Dans l'Histoire de Rimini (1816), il célèbre le culte de l'allégresse et du plaisir sur un thème tragique. Il poursuivra jusqu'en 1853 la publication de ses journaux et sera l'un des fondateurs de l'opinion libérale anglaise.

Huon de Bordeaux

Cette chanson de geste française (vers 1260), en 10 553 vers décasyllabiques, connut un vif succès. Huon est victime de l'injustice de Charlemagne, qui lui impose des épreuves démesurées pour se disculper d'un crime qu'il n'a pas commis. Mais le héros est aidé par le nain magicien Auberon, au cours d'aventures relatées sur le mode romanesque (avec la présence du merveilleux) qui font contraste avec les passages épiques dans la tradition de la chanson de geste. Autour de Huon de Bordeaux s'est constitué un cycle, dans la seconde moitié du XIIIe siècle.

Hurard (Henri)

Auteur dramatique belge de langue wallonne (Verviers 1876 – id. 1943).

À la fois satiriste et moraliste, il substitua peu à peu au traditionnel tableau de mœurs sur le rythme du vaudeville (Lu tètche qui ruspite, 1907) l'étude psychologique des caractères. Servie par un métier habile, sa peinture amusée des travers de la société contemporaine a fourni au répertoire wallon quelques-unes de ses pièces les plus caractéristiques (les Plumes, 1922 ; le Bon Berger, 1923 ; Aux volets verts, 1924 ; les Mendiants, 1926 ; Thomas Berwette, 1927).

Hurtado (Luis)

Écrivain espagnol (Tolède v. 1510 ou 1532 – v. 1590).

Il traduisit du portugais, dès 1547, le Palmerin d'Angleterre de Francisco de Morais (1544). Composée d'épisodes à caractère merveilleux, héroïque et amoureux, cette œuvre prolonge les romans chevaleresques anonymes Palmerin d'Olive (1511) et Primaléon (1512), et reprend les thèmes principaux des aventures d'Amadis de Gaule. On lui doit aussi des pastorales, des comédies et un curieux essai historique sur Tolède (1576).