Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Rukeyser (Muriel)

Femme de lettres américaine (New York 1913 – id. 1980).

Sa poésie (Théorie de la fuite, 1935 ; Portails, 1976 ; U. S. 1, 1938 ; Un vent changeant, 1939 ; la Vague verte, 1948 ; Feu de nénuphar) rejette le symbolisme conventionnel pour retrouver les sources du pouvoir d'expression, les symboles mêmes, la biographie des individus, l'expérience personnelle, tous moyens d'affirmer l'amour du monde. Ses études biographiques (Willard Gibbs, 1942 ; Une vie, 1957, à propos de Wendell Wilkie) traduisent cette aptitude à la lucidité existentielle.

Rulfo (Juan)

Écrivain mexicain (Sayula, Jalisco, 1917 – Mexico 1986).

Les quinze nouvelles de son recueil intitulé le Llano en flammes (1953) décrivent le monde paysan de son État natal, Jalisco, devenu lieu mythique dans Pedro Páramo (1955), court et prodigieux roman dans lequel est mise au jour l'essence profonde du Mexique rural à travers l'évocation poétique d'un pays en proie à ses démons et les déambulations d'un jeune homme cherchant son père dans un « village de boue séchée parmi les braises », seulement traversé par des fantômes. Ce livre, le seul roman de son auteur, le consacra comme l'un des meilleurs prosateurs mexicains. On lui doit aussi des scénarios de films dont quelques-uns ont été réunis sous le titre le Coq d'or (1980).

Rummo (Paul-Eerik)

Poète estonien (Tallinn 1942).

Principal artisan de la renaissance poétique des années 1960 en Estonie, c'est un poète aux visions fulgurantes, tantôt déployées en d'amples vers libres, tantôt contenues dans des formes rigoureuses et musicales. D'abord caractérisée par un lyrisme juvénile et optimiste (Lever l'ancre, 1962), sa poésie prend vite une dimension plus tragique (Viens toujours auprès de mes joies, 1964 ; Lumière de neige, noirceur de neige, 1966), avant de devenir ouvertement politique et contestataire (l'Adresse de l'expéditeur, 1989). Il est également l'auteur d'une pièce de théâtre allégorique (le Jeu de Cendrillon, 1969).

Runeberg (Johan Ludvig)

Poète finlandais de langue suédoise (Pietarsaari 1804 – Porvoo 1877).

Précepteur dans une campagne isolée, il se plut à noter les chants des paysans, leurs légendes et leurs récits sur la guerre russo-suédoise de 1808-1809. Tout en préparant sa thèse de doctorat, il écrivit des poèmes, des articles et devint l'un des membres les plus influents de la « Société du samedi », où d'ardents nationalistes cherchaient à retrouver le passé et à faire du finnois une langue de culture. Son œuvre fut influencée par le romantisme suédois, le nouveau classicisme allemand et, plus loin, la poésie serbe, les auteurs de l'antiquité grecque. Le Roi Fjalar (1844), récit d'une demande en mariage dans un milieu rustique, juxtapose de petits tableaux réalistes, souvent humoristiques sur la vie paysanne. Cette épopée en cinq chants puise dans le passé héroïque scandinave, célèbre la grandeur finlandaise à travers des récits de guerre et de paix. Les deux cycles des Récits de l'enseigne Stål (1848-1860), en trente-cinq courts poèmes, composent une épopée tirée de la guerre russo-suédoise de 1808-1809, de tonalité tantôt dramatique, lyrique ou humoristique. Y sont placés côte à côte des généraux célèbres, comme Yrjö Kaarle von Döbeln (1758-1820) et Juhana August Sandels (1764-1831), et d'humbles paysans, tels Sven Duva à la « pauvre cervelle mais au noble cœur », désormais légendaire. Le poème liminaire « Notre pays » est devenu le chant national finlandais.

runes

De l'ancien scandinave runar (« écriture secrète »), le terme désigne les signes graphiques de la plus ancienne écriture germanique. Les runes existent sous deux formes principales : l'alphabet runique ancien, dit aussi germanique ou futhark, qui apparaît au IIIe s. apr. J.-C. ; l'alphabet runique récent, ou nordique. L'alphabet runique ancien était composé de 24 caractères, on le considère couramment comme dérivé des alphabets étrusques du nord de l'Italie. À partir du IXe s. se développe l'alphabet runique récent, sous la forme de l'écriture anglo-saxonne, qui avec 33 lettres note le vieil anglais, tandis que l'écriture scandinave limite le nombre des lettres à 16. Les runes sont tombés en désuétude au XVes, mais on conserve environ 4 000 inscriptions sur pierre et métal (rien sur bois). Les runes ont possédé un caractère magique et leur emploi était réservé aux chefs, qui se prétendaient descendants du dieu Odin, dieu de la Guerre, de la Sagesse et de la Poésie.

Runge (Philipp Otto)

Peintre et écrivain allemand (Wolgast 1777 – Hambourg 1810).

Ami et correspondant de quelques-uns des écrivains les plus remarquables de son temps (Tieck, Arnim, Brentano, Gœthe), il a illustré les poésies d'Ossian, les Minnelieder de Tieck et peint des scènes et des paysages allégoriques où se reflète l'univers poétique du premier romantisme. Runge a également noté des contes populaires en dialecte bas allemand intégrés par les frères Grimm dans leurs Contes d'enfants et du foyer, en particulier Histoire du pêcheur et de sa femme, repris par G. Grass dans le Turbot. Ses réflexions sur les couleurs ont influencé la Farbenlehre de Goethe.

Runnel (Hando)

Poète estonien (Liutsalu 1938).

Il débute par une poésie de la vie rurale (les Enfants de la terre, 1965 ; Chansons avec une fille, 1967), avant d'exalter avec vigueur l'identité estonienne et de critiquer de façon plus ou moins voilée le système soviétique, dans des poèmes aux formes souvent inspirées par les chants populaires (le Pourpre des soirs rouges, 1982 ; Chansons pour les hommes de l'époque estonienne, 1988). Ses textes ont joué un rôle important dans le réveil national estonien de la fin des années 1980.

Rusafi (Maruf al-)

Poète irakien (Bagdad 1875 – 1945).

Longtemps député de sa ville natale, il est un moraliste dont l'œuvre incarne la résistance à l'occupation britannique. Chef de file de l'école néoclassique irakienne, il se distingue par des élans sincères pour la défense des opprimés et la sauvegarde des valeurs humaines (Dîwân al-Rusâfî, 1910).

Rushdie (Salman)

Écrivain britannique d'origine pakistanaise (Bombay 1947).

Devenu l'écrivain le plus connu au monde depuis la fatwa lancée contre lui par les islamistes iraniens, Salman Rushdie a suscité d'immenses espoirs que ses dernières publications ont cruellement déçus. Issu d'une famille musulmane du Cachemire, de langue urdu, il vécut à Bombay puis au Pakistan avant de poursuivre ses études à Rugby et à Cambridge et de s'installer à Londres. Son premier roman, Grimus (1975), est une allégorie sur le mode d'un conte persan. Avec le second, les Enfants de minuit (1981), il remporte le Booker Prize : à travers la vie de son héros, Saleem Sinaï, né à minuit le 15 août 1947, c'est toute l'histoire de l'Inde qui est retracée depuis son indépendance. Avec moins de succès, la Honte (1983) s'attaque à la vie politique et sociale du Pakistan. Rushdie atteint le succès international avec son chef-d'œuvre, les Versets sataniques (1988), jugé blasphématoire pour la religion islamique et qui lui vaut d'être condamné à mort par l'ayatollah Khomeini. Vivant en reclus pendant plusieurs années, le romancier semble se répéter : le Dernier Soupir du Maure (1995) est une reprise des Enfants de minuit ; la Terre sous ses pieds (1999) se veut une relecture moderne du mythe d'Orphée. Furie (2001) évoque les déboires d'un musulman aux États-Unis. Depuis les Versets sataniques, Rushdie n'a publié qu'un ouvrage qui se soit révélé à la hauteur de sa réputation : le conte pour enfants Haroun et la mer d'histoires (1990).