Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Courtilz de Sandras (Gatien de)

Écrivain français (1644 – 1712).

Engagé d'abord dans la carrière militaire, il n'entreprend d'écrire qu'une fois revenu à la vie civile. Ses allusions à l'actualité politique lui vaudront un passage en Hollande et un séjour à la Bastille. Son œuvre tient du pamphlet, du roman et des Mémoires ; elle connut un vif succès, dû au tableau coloré de l'époque qu'il a peinte sans jamais se priver d'inventer selon ses besoins, son opportunisme et les goûts de son public. L'anecdotique et le scandale favoriseront l'émergence d'un genre nouveau, celui du roman d'action. C'est dans ses Mémoires de M. d'Artagnan que Dumas père prit le sujet de ses Trois Mousquetaires.

courtoisie

Formé sur l'adjectif « courtois » qui s'oppose à « vilain » (« rustre »), le terme de « courtoisie » résume les qualités attendues de ceux qui vivent dans les milieux de cours (en ancien français « cort ») et désigne un nouveau modèle de culture et de société. Les premières manifestations poétiques de la courtoisie apparaissent au début du XIIe siècle dans la lyrique des troubadours, qu'adaptent vers 1170 environ les trouvères du nord de la France et qui se diffuse très vite dans l'ensemble de l'Europe. La littérature romanesque, les romans antiques (Énéas et Roman de Troie) composés dans l'espace Plantagenêt, les romans de Chrétien de Troyes, les Lais de Marie de France témoignent également de la diffusion précoce et de l'influence de ce modèle. Dans la poésie occitane, la « cortezia » suppose la reconnaissance des valeurs nouvelles comme la « mesure » des propos, des comportements, la « joven » (la « jeunesse »), disponibilité aux plaisirs mondains, et la « largesse », générosité, noblesse d'âme, don de soi. L'adhésion à ce système de valeurs est nécessairement requise de l'amant poète, celui qui s'adonne au culte de la fin'amor, pratique cette forme affinée de l'amour, qui se vit dans la soumission parfaite (le « service ») à la dame aimée, présentée comme innaccessible (mariée, éloignée dans l'espace, indifférente, insensible), le poète aspirant néanmoins à une jouissance (joy en occitan) qu'il importe de retarder pour maintenir intacte la tension du désir, creuser l'espace où inscrire le chant. Quoi qu'il en soit de la réalisation historique de cette nouvelle morale amoureuse, la courtoisie et le mode de représentation de l'amour qui lui est lié, la fin'amor, ont essentiellement été un phénomène littéraire créé et pratiqué dans des milieux aristocratiques et lettrés sans doute désireux de se donner, en marge de la morale cléricale, un système de valeurs laïques où l'amour puisse trouver sa juste place. Les femmes de la noblesse ont pu jouer le rôle d'inspiratrices et de destinataires de cette poésie nouvelle. La cour d'Aliénor d'Aquitaine, celle de ses filles, Marie de Champagne et Alix de Blois, ont ainsi été des lieux particulièrement ouverts aux manifestations poétiques et littéraires de l'idéal courtois, aux divertissements de société (les « cours d'amour ») qu'il a pu inspirer et auxquels fait allusion le Traité de l'amour courtois (en latin) d'André le Chapelain (fin XIIe s.).

   Dans le sillage de la poésie lyrique, la plupart des romans du XIIe et du XIIIe siècle ont cédé aux séductions de l'éthique courtoise et ont développé le type du chevalier « courtois » dans son rapport au monde et à la relation amoureuse, vivant dans un univers raffiné : la cour d'Arthur, par exemple, chez Chrétien de Troyes et ses successeurs. Passer du « je » lyrique, du fin'amant chantant son amour, à l'être d'action qu'est le chevalier a cependant impliqué une refonte du modèle courtois et plus encore de la fin'amor. Il n'est guère que Lancelot, l'amant de la reine Guenièvre, pour satisfaire pleinement dans le roman de Chrétien et dans les romans arthuriens du XIIIe siècle aux exigences de la fin'amor. Reste que l'idéal courtois tel que l'ont diffusé la lyrique et le roman a eu une influence décisive sur l'imaginaire amoureux et social du monde médiéval et au-delà, et a imposé, avec la « fin'amor », une représentation de l'amour comme valeur susceptible d'améliorer celui qui en accepte les règles ainsi que sa fonction au monde. Une importante source de diffusion a été, dès la fin du XIIe siècle, les adaptations en langue allemande des romans courtois français comme l'Énéas, le Roman de Troie, les différentes versions du Tristan ou les œuvres de Chrétien de Troyes ; tous textes qui véhiculent, avec de très importantes modulations, l'utopie courtoise et questionnent la place et la valeur de l'amour. Au XIIIe siècle, le Lancelot en prose, le Tristan en prose et d'une manière générale les romans arthuriens en vers et en prose approfondissent à leur tour la réflexion sur les rapports entre courtoisie, amour et chevalerie. À la fin du Moyen Âge, l'éthique courtoise et le service amoureux du poète deviennent des lieux communs obligés de la poésie de Guillaume de Machaut, de Froissart, de Charles d'Orléans. Mais, dès la fin du XIIIe siècle, Jean de Meun dénonce dans le Roman de la Rose les faux-semblants de l'utopie courtoise, dénonciations que poursuivent au XVe siècle Alain Chartier, dans la Belle Dame sans merci, et Villon.

Cousin (Victor)

Philosophe français (Paris 1792 – Cannes 1867).

Conseiller d'État, pair de France et ministre de l'Instruction publique, il sut tirer parti de toutes les occasions de la vie, comme des divers « mérites » des philosophies, à partir desquelles il composa son éclectisme. Il enflamma la jeune génération de 1815 par ses cours sur la philosophie écossaise et il eut le mérite de faire connaître à la France les philosophes allemands (Kant, Hegel, Schelling) : il fit ainsi figure de penseur d'avant-garde, jusqu'à la réaction qui suivit l'assassinat du duc de Berry (1820). Bénéficiaire de la révolution de 1830, il évolua peu à peu vers le « juste milieu » et institua en France une philosophie officielle. Ses cours de 1818 devinrent la bible des lycées (Du vrai, du beau, du bien, 1854). Il démissionna de sa chaire en Sorbonne au lendemain du coup d'État du 2 Décembre et reprit alors, aux yeux des adversaires du bonapartisme, son aura de penseur quasi révolutionnaire.