Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Pombo (Rafael)

Poète colombien (Bogotá 1833 – id. 1912).

Son œuvre, extrêmement féconde et variée, se caractérise par sa spontanéité, son originalité et son inspiration, et fait de lui un des très grands romantiques latino-américains. Après des poèmes comme la Coupe de vin ou Monotonie, il compose son superbe Dans le Niágara et De nuit, son chant du cygne, imprégné d'optimisme et de foi chrétienne. Il a écrit aussi 215 fables en vers et des contes très populaires, des essais de critique et d'histoire.

Pomialovski (Nikolaï Guerassimovitch)

Écrivain russe (Saint-Pétersbourg 1835 – id. 1863).

Fils de diacre, il décrit son éducation religieuse dans Récits du séminaire (1862-1863), qui évoque d'une manière quasi clinique la pauvreté, les châtiments corporels, la faim et le froid. Un même réalisme cruel imprègne Bonheur bourgeois (1861) et le roman inachevé Frère et Sœur, tableau d'une famille de petits employés de Saint-Pétersbourg. L'écrivain mourut jeune, victime de l'alcoolisme.

Pomilio (Mario)

Écrivain italien (Orsogna, Chieti, 1921 – Naples 1990).

Romancier catholique, préoccupé par les problèmes de l'homme et de la société (la Compromission, 1965), il cherche l'identité humaine dans l'histoire chrétienne (l'Oiseau pris sous les voûtes, 1954 puis 1969 ; le Témoin, 1956 ; le Cimetière chinois, 1969 ; le Cinquième Évangile, 1974 ; Noël 1833, 1983).

Pompéia (Raul d'Ávila)

Écrivain brésilien (Angra dos Reis, Estado de Rio de Janeiro, 1863 – Rio de Janeiro 1895).

Poète en prose influencé par Baudelaire (Chansons sans mètre, 1883), conteur et feuilletoniste (Une tragédie en Amazonie, 1880), il a donné avec son récit autobiographique l'Athénée (1888) le premier roman brésilien écrit sous le signe de l'introspection : à travers l'évocation de la vie en pension d'un adolescent, c'est une critique amère de l'oppression sociale.

Pompignan (Jean-Jacques Lefranc, marquis de)

Écrivain français (Montauban 1709 – Toulouse 1784).

Auteur de poésies qui vont du ton badin dans le Voyage de Languedoc et de Provence (1745) au ton élevé des Poésies sacrées (1751-1763) où il s'essaie à une imitation des psaumes bibliques, il attaqua sans ménagement les philosophes et devint leur tête de Turc. Voltaire en particulier s'acharna contre lui dans des épigrammes (les Quand, 1760), auxquelles il riposta (Réponse aux Quand, aux Si et aux Pourquoi, 1760 ; les Car, au sieur M. F. Arouet de Voltaire, 1762).

Ponchon (Raoul)

Poète français (La Roche-sur-Yon 1848 – Paris 1937).

Quatre recueils posthumes (Gazettes rimées, la Muse gaillarde, la Muse vagabonde, la Muse frondeuse) ne réunissent qu'une partie de ses chroniques d'actualité en vers (plus de 150 000) publiées dans divers journaux de 1886 à 1920. De son vivant, il publie la Muse au cabaret (1920), où il s'affirme plus habile « versificateur » que poète. Fantaisiste bachique et boulangiste, il incarne son époque autant qu'il la caricature.

Ponge (Francis)

Poète français (Montpellier 1899 – Bar-sur-Loup, Alpes-Maritimes, 1988).

Des Douze Petits Écrits (1926) à Petite Suite vivaroise (1983), Ponge a élaboré une œuvre à la fois secrète et transparente, qui ne cesse de préciser les conditions et les modalités de son engendrement. Œuvre illisible, a-t-on dit, précisément à force de transparence, et parce que, suivant la même voie droite, elle se trouve toujours placée à contre-courant, rejetant le convulsif et l'automatisme prôné par un André Breton et les surréalistes aussi bien que le langage souverain et oraculaire d'un René Char ou l'épanchement lyrique du néoromantisme contemporain.

   Les assises de cette œuvre vont loin et profond : la fascination d'abord du dictionnaire qu'enfant il lisait dans la bibliothèque paternelle (le Littré, répertoire des noms communs, stables, concrets, nécessaires, cette partie du lexique « où se trouvent le soleil, l'eau, le creux de la main » et qui s'oppose au catalogue des noms propres, terre mouvante qui varie au gré des fluctuations historiques et idéologiques) ; la lecture de la Bible protestante, cadeau de sa mère, et dont la disposition en colonnes, avec ses notes de référence, ses renvois, ses variantes, sera le modèle formel d'une œuvre ramifiée conçue comme une « machine à lire » ; l'influence de la littérature latine, saisie d'abord sur le mode « emblématique » à travers les « pierres gravées », notamment les inscriptions funéraires des cimetières de Provence, puis dans la lecture scolaire des auteurs classiques (« Lucrèce ou Tacite, il est clair que c'est là que je trouve mes maîtres »).

   Mais Ponge voit dans le classique moins celui qui édicte des règles, que « celui à partir duquel les règles sont édictées ». Le classicisme de Ponge est « passé d'abord dans la vie baroque, ensuite par la perfection, pour repartir dans la vie baroque ». Et cette vie, pour le poète, n'est pas autre chose que celle des mots : l'ordre de la vie, « c'est le dictionnaire en ordre de fonctionnement ; c'est le langage absolu... C'est l'ordre mis dans les pierres. » Ce qui veut dire qu'il faut d'abord tenir compte des pierres. D'emblée, Ponge écarte la projection du moi sur le monde pour lui substituer le regard froid de l'entomologiste : c'est le Parti pris des choses (1942). Les pièces du recueil marquent à la fois une acceptation du réel et une vue prise sur l'homme à partir des objets. À travers des portraits de « la Crevette », de « l'Huître », de « l'Orange », du « Papillon », du « Cageot », etc., le poète constitue non seulement une faune, une flore, un inventaire des choses, une phénoménologie tout à la fois objectale et subjectiviste, mais il propose une nouvelle utilisation des mots : la priorité accordée à l'objet débouchera sur un nouveau genre, l'objeu, une réévaluation réciproque de l'homme et du monde, dans la double dissipation du piège réaliste et du piège lyrique.

   L'ambition de Ponge est donc, à proprement parler, moins « poétique » que scientifique (« Je désire moins aboutir à un poème qu'à une formule, qu'à un éclaircissement d'impressions. S'il est possible de fonder une science dont la matière serait les impressions esthétiques, je veux être l'homme de cette science »). Toujours, la pratique continue des objets familiers introduit chez lui à une « connaissance » d'un type particulier, cette nioque (écriture phonétique du mot « gnoque » forgé à partir du mot grec qui désigne le savoir : Nioque de l'avant-printemps, 1967-1983). L'œuvre de Ponge se construit donc à partir du « magma poétique » mais contre lui : contre les puissances du vague, du flou, de l'obscur, il s'agit de constituer une écriture solide à partir des éléments résistants du monde. Décrire, c'est décaper, purifier. Reprenant la définition d'Alcuin (« la langue, c'est le fouet de l'air »), Ponge entreprend de faire de sa langue « l'instrument d'une volonté sans compromission » et en même temps une substance, une matière sensible.

   Ponge écrit à la fois « contre la parole orale », les défaillances de la conversation, et « contre la parole éloquente », les pièges de la rhétorique. La rhétorique doit être faite par tous, à partir de « quelque chose de propre, de net ». Partant des objets (« l'Orange », « le Savon », « la Crevette »), le poète s'affronte à la nature et produit un texte parfaitement homologue à la structure du monde : la multiplication des rapports entre mots et mots, mots et choses, les démultiplications de sens provoquées par les métaphores, le recours à l'étymologie, les anagrammes, la forme des lettres, débouchent sur l'objoie, bonheur de l'écriture, « moment où les mots et les idées sont dans une espèce d'état d'indifférence » ; tout devient symbole dans la « vérité » enfin conquise de l'écriture, qui intègre désormais dans un même mouvement ses essais, ses reprises, ses répétitions, ses variations.

   Car la connaissance de l'objet advient dans le mouvement (ou « moviment ») d'élaboration du poème plus que dans le résultat final. Pour cette raison, les pièces du Parti pris des choses apparaîtront vite à Ponge comme trop marquées par un certain goût pour la formule définitive, une certaine complaisance à l'égard de la « trouvaille » qui finalement enferme l'esprit dans le « ronron poétique ». Paulhan, l'éditeur, lui reproche d'ailleurs une tendance à l'« infaillibilité un peu courte ». Ponge en prend acte et, dans la Rage de l'expression (1952), se montre à la recherche d'une forme plus ouverte, qui ne censure pas les hésitations et les approximations de l'écriture et multiplie les approches et les formulations autour d'un même sujet. Dès lors, le poème ne se sépare plus des réflexions qui accompagnent son écriture. Ponge invente le « proème » (Proêmes, 1948), mot forgé par contamination de PRO(se) et de (po)ÈME, mais qui reprend en réalité à la poésie grecque le terme de prooimon (« ce qui vient avant le chant » : oimè), qui désigne le prélude des joueurs de lyre. Le proème est donc un texte de préparation, mais Ponge lui donne une véritable autonomie : s'il précède le poème, c'est qu'il énonce en tant que « fragment méta-technique » ses conditions d'apparition. Le proème transcende à la fois le poème et la prose, la prose poétique et le poème en prose, pour devenir un texte et un genre qui se placent au-delà de toute catégorie comme d'autres créations ou réactivations de Ponge, le momon (texte qui inclut sa propre critique) et le sapate (texte insignifiant en apparence, mais qui contient une « leçon » capitale).

   Ponge propose en 1961 un premier regroupement de l'ensemble de ses textes, anciens et plus récents : c'est le Grand Recueil, dont le premier volume, Lyres, rassemble des hommages à des écrivains (dont Claudel), des peintres (Braque, Giacometti), des sculpteurs et divers morceaux de circonstance (sur l'électricité ou à la gloire d'Aix). Méthode, le second, se compose de textes de poétique (« My creative method », « le Murmure »). Quant à Pièces, qui prolonge le Parti pris des choses, c'est là que les lecteurs de Ponge ont pu avoir accès à l'étonnant « Soleil placé en abîme » autour duquel tant de ses textes gravitent. Viendront ensuite Tome premier (1965, recueil de ses tout premiers textes), Pour un Malherbe (1965), le Savon (1967), le Nouveau Recueil (1967) et Méthodes (1971).

   Mais de plus en plus, comme il s'en explique dans Pratiques d'écriture ou l'Inachèvement perpétuel (1985), Ponge ne sépare plus les brouillons et l'état final – ou présenté comme tel – du poème : parce que c'est dans le mouvement de sa genèse que s'accomplit le poème, la publication doit proposer celui-ci dans tous ses états... Plusieurs des morceaux de la Rage de l'expression (« le Mimosa », « le Carnet du bois de pins ») rassemblaient déjà la série des ébauches ou variantes d'un poème sans canon. La Crevette (1948) ou l'Araignée (1952) avaient aussi montré à quel point cette écriture, coquette et précieuse, toujours prête à paraître, ne se produisait pourtant jamais impromptu. Mais avec la Fabrique du pré (1971), jamais l'écriture de Ponge, emportée par les implications du préfixe qu'elle sollicite (pré-), ne se sera aussi complaisamment préoccupée des préliminaires de sa production et, plus encore, de la production de ces préliminaires : le livre rassemble, trié par l'éditeur, l'essentiel des liasses (le « fatras ») de notes, essais, variantes gâchés par l'auteur au cours de l'élaboration du texte intitulé « le Pré », paru d'abord dans Tel Quel (nº 18, été 1964), repris dans Nouveau Recueil (1967). L'expérience sera répétée, en 1977, lorsque Ponge confiera pour publication à la collection « Digraphe » le dossier, intégral cette fois (Comment une figue de paroles et pourquoi), d'un autre texte, « la Figue (sèche) », auquel il a travaillé de 1951 à 1959 et précédemment paru dans les Pièces du Grand Recueil. Enfin, la distinction entre le texte et l'avant-texte disparaît totalement avec la Table (1982), puisque du dossier rassemblé est exclu le texte censément « définitif » publié seul précédemment.