Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Scaliger (Jules-César de Lescale, dit) , en ital. Giulo Cesare Scaligero

Humaniste et poète (Riva del Garda 1484 – Agen 1558).

Engagé du côté français dans les guerres du Piémont, il s'initie dans l'intervalle au combat des langues, à la philosophie et à la médecine. Auteur de nombreuses traductions d'écrivains et de philosophes grecs et latins, Scaliger fut également un poète néolatin dont l'inspiration variée – religieuse et profane – s'exerça dans des genres eux-mêmes divers (l'épigramme, l'hymne, l'épître, etc.). L'ensemble de son œuvre poétique fut rassemblé dans le recueil posthume de Tous les poèmes (1600). Mais le chef-d'œuvre de Scaliger est les Sept Livres de la poétique (1561), traité de poétique inspiré d'Aristote qui, par maints aspects, annonce la doctrine des classiques du XVIIe s., fondée sur l'imitation de modèles et des règles strictes et précises. Sa Poétique exercera également une influence déterminante sur la formation de la tragédie classique, et il sera reconnu, aux côtés d'Aristote et d'Horace, comme un maître par les théoriciens de la tragédie au XVIIe s.

Scaliger (Joseph-Juste)

Philologue et humaniste français (Agen 1540 – Leyde 1609).

Écrite en latin, l'œuvre de J.-J. Scaliger, fils de Jules-César Scaliger (1484-1558), est essentiellement philologique. Elle comporte des éditions critiques et commentaires d'écrivains latins (Varron, Catulle, Tibulle, Properce, Ausone), de grammairiens (Verrius Flaccus et Sextius Festus), de savants grecs et latins (Hippocrate, le mathématicien Manilius) et d'historiens (Eusèbe de Césarée). J.-J. Scaliger est aussi l'auteur de quelques poésies latines et d'un Traité sur la réforme du temps (1583) qui eut à l'époque un retentissement considérable. Il a laissé une importante correspondance et ses propos érudits ont été consignés dans les Scaligeriana (1666).

   Par l'étendue de son savoir, la rigueur de sa méthode et la place qu'il accorde à la philologie, il apparaît comme le type même de l'humaniste. Mais son positivisme critique (qui n'hésite pas à remettre en cause les traditions antiques) et son culte de la raison préfigurent déjà l'esprit du cartésianisme.

Scalvini (Giovita)

Écrivain italien (Botticino, Brescia, 1791 – Brescia 1843).

Proche du groupe libéral il Conciliatore, arrêté en 1821 pour ses opinions jacobines et anticléricales, il séjourna à Paris, à Londres et en Belgique avant de regagner l'Italie en 1839. Critique littéraire (les Fiancés de A. Manzoni, 1831 ; Considérations morales sur l'Ortis, 1883), il nous a également laissé des Écrits publiés posthume (1860), un journal portant sur ses premières années d'exil (Sottisier), et un poème, l'Exilé, qui est une méditation passionnée sur le sort de l'Italie et le destin des émigrés politiques.

scapigliatura

Mouvement littéraire italien qui eut son centre à Milan dans les années 1860-1870. Remis à la mode par le roman de Cletto Arrighi, la Scapigliatura et le 6 février (1861), le terme de scapigliatura (« bohème  ») désigne à la fois une volonté de rupture avec les mythes de la bourgeoisie libérale et la naissance d'une nouvelle sensibilité décadente. Le mouvement dut aussi son originalité à ses liens avec les avant-gardes picturales et musicales de l'époque : le poète Emilio Praga était aussi un peintre ; Arrigo Boito était compositeur, et son frère Camillo, architecte. Parmi ses autres représentants, citons Giuseppe Rovani, Carlo Dossi, Giovanni Camerana et Giovanni Faldella.

Scarfoglio (Edoardo)

Écrivain italien (Paganica, L'Aquila, 1860 – Naples 1917).

Il publia un recueil de poèmes (Pavots, 1880), des nouvelles (le Procès de Frine, 1884) et des articles réunis dans le Livre de Don Quichotte (1885). Après avoir épousé Matilde Serao (1885), il se consacra exclusivement au journalisme, fondant successivement il Corriere di Roma (1885), il Corriere di Napoli (1887), il Mattino (1892) auquel collaborèrent D'Annunzio, Di Giacomo, Borgese, et son épouse.

Scarron (Paul)

Écrivain français (Paris 1610 – id. 1660).

Déformé par une grave maladie (« Je ne représente pas mal un Z. [...] Enfin, je suis un raccourci de la misère humaine »), victime de douleurs atroces, il entreprit de vivre de sa plume en faisant rire de lui, des autres, et de la littérature « sérieuse » : Sorel dit de lui qu'il « faisait raillerie de tout ». Il chercha à la fois la protection des Grands, se donnant le titre plaisant de « malade de la reine », et le succès public. Il connut ses premières réussites avec les irrévérencieuses poésies mondaines de son Recueil de quelques vers burlesques (1643), et se fit peu à peu reconnaître comme le maître du burlesque, qu'il pratiqua dans tous les genres. Il utilisa le personnage bouffon de Jodelet dans des comédies imitées de comedia espagnoles (Jodelet ou le Maître valet, 1645 ; Jodelet duelliste, 1647 ; l'Héritier ridicule, 1649 ; Dom Japhet d'Arménie, 1652...). Il lança la mode du travestissement de l'épopée, avec le Typhon ou la Gigantomachie (1644) et le Virgile travesti (1648-1652), où l'on trouve « l'explication des choses les plus sérieuses par des expressions tout à fait plaisantes et ridicules » (Naudé) : irruption du trivial, du discordant et du dérisoire dans le genre élevé de l'épopée antique, savoureux clins d'œil anachroniques sur les travers de la société du temps. Pendant la Fronde, il publia sous l'anonymat de virulentes « mazarinades » (Triolets de Saint-Germain, 1649 ; la Mazarinade, 1651) : il semble qu'il en voulait surtout à Mazarin de ne pas l'avoir pensionné... Scarron épousa en 1652 une belle jeune fille sans fortune, Mlle d'Aubigné, la future Mme de Maintenon (seconde épouse de Louis XIV), avec qui il tint un salon réputé. Scarron fut aussi un romancier inventif : ses Nouvelles tragi-comiques (1655-1657) donnèrent des sujets à Molière (la Précaution inutile est la source de l'École des femmes), et son Roman comique (1651-1657), peinture savoureuse de la vie des comédiens de campagne, offre une vision contrastée de son temps. Il y illustre le goût d'une culture (et d'une langue) sans interdits, où le corps est présent autant que le cœur et l'esprit. Pourtant, les récits insérés, romanesques et galants, les discussions littéraires, évoquent la formation du goût classique, mais l'acceptation de la culture nouvelle voisine avec sa parodie : la vie des comédiens ambulants permet l'utilisation allègre de formes culturelles archaïques (fabliaux, farces et contes facétieux), et la peinture de bouffons provinciaux offre l'envers réaliste et « comique » de l'héroïque et du romanesque. Au-delà, Scarron, dans la lignée de Don Quichotte et avant Diderot, interroge par le rire l'essence même de l'illusion narrative.