Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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copte (littérature) (suite)

Genres littéraires

Les Écritures saintes

De l'Ancien Testament – on se souviendra que la Septante a été composée à Alexandrie entre 250 et 150 av. J.-C. – traduit en sahidique, achmimique et bohaïrique, ne nous sont parvenues que des versions lacunaires. Nous possédons en revanche les traductions complètes du Nouveau Testament en sahidique et en bohaïrique. Parallèlement, et malgré les plaintes et interdits de quelques patriarches, les Coptes ont traduit et aussi composé des textes, qui d'une part veulent compléter les livres canoniques reconnus comme inspirés et d'autre part défendent des positions théologiques ou éthiques nouvelles. Ils constituent une source de première main pour la connaissance des communautés chrétiennes qui les ont rédigés et utilisés. Nombre de ces compositions, dont certaines d'origine juive ont été plus ou moins christianisées, sont conservées au moins partiellement en copte. Ce sont des pseudépigraphes de l'Ancien Testament, tels par exemple l'Histoire d'Adam ou celle d'Énoch, les Testaments d'Abraham, d'Isaac et de Jacob les Paralipomènes de Jérémie, les Apocalypses d'Élie, de Sophonie et d'Esdras. Le Nouveau Testament a quant à lui ses suppléments apocryphes, entre autres l'Épître des Apôtres, que l'on date des années 160-170 qui est intégralement conservée en éthiopien mais dont nous possédons d'amples fragments en copte, les Évangiles de Gamaliel, de Barthélemy, de Nicodème, des Actes et des Martyres d'Apôtres, récits de leurs missions et de leur prédication où l'anecdote tient une large place, les Apocalypses de Pierre, de Paul, de Barthélemy. On y retrouve le goût marqué des Égyptiens pour le merveilleux, le romanesque, les représentations fantastiques de l'au-delà. L'existence d'une version copte du Transitus Mariae témoigne de la persistance dans les milieux chrétiens des questions sur la mort et le voyage vers l'au-delà, si présentes dans l'ancienne religion égyptienne.

Textes gnostiques et manichéens

Les gnostiques égyptiens ont propagé et défendu leur foi par des écrits. Déjà, à la fin du XVIIIe s., deux manuscrits, le codex Askew et le codex Bruce, avaient mieux fait comprendre qui étaient ces gnostiques tant combattus par les anciens écrivains chrétiens. En 1946, le directeur du Musée copte du Caire, Togo Mina, à la bonne fortune de mettre la main sur un manuscrit, pièce d'un ensemble découvert à Nag Hammadi, en Haute-Égypte, comprenant 13 codices de papyrus, qui allaient renouveler notre connaissance de la pensée gnostique, en permettant de la connaître dans sa propre expression. Il s'agit là de copies de traités composés aux IIe ou IIIe s., faites vers la fin du IVe s., relevant de genres littéraires divers, évangiles, actes, dialogues, apocalypses, livres de sagesse, épîtres, prédications. Reste posée la question d'une éventuelle relation entre cette bibliothèque et le monastère pakhômien de Khènoboskion tout proche ; on a parfois pensé qu'il s'agissait d'un ensemble de textes rassemblés par un moine hérésiologue, qui aurait été ensuite cachés lorsqu'en 367 l'abbé Théodore a ordonné la destruction des ouvrages jugés hérétiques. Auparavant, en 1930, on avait trouvé à Medînet Mâdi, dans le Fayoum, des papyrus en assez mauvais état, qui provenaient de codices remontant au IVe s., contenant en copte, vraisemblablement traduits du syriaque, des lettres de Mani, un livre de psaumes de Mani, les Kephalaia, ou Chapitres, d'enseignements de Mani et de ses successeurs, l'Évangile vivant de Mani. La présence d'ouvrages manichéens en Égypte n'est pas surprenante, puisque Mani lui-même y a envoyé deux de ses disciples, afin d'y prêcher sa doctrine, et que l'existence de communautés manichéennes y est attestée à partir du IIIe s., au moment – simple coïncidence ? – où naît le monachisme égyptien. Ces deux découvertes éclairent notre connaissance des mouvements religieux apparus dès le début de l'ère chrétienne et dont l'influence a été très grande. La littérature copte a acquis de ce fait une exceptionnelle importance pour l'histoire des religions.

Traductions d'ouvrages patristiques et théologie

Des œuvres des premiers Pères de l'Église, tels l'Épître aux Corinthiens de Clément Romain, les Lettres d'Ignace d'Antioche ou le Pasteur d'Hermas, sont tôt traduites en copte. Suivent celles des Pères de l'âge d'or patristique : Athanase et Cyrille d'Alexandrie, Basile de Césarée et les deux Grégoire, de Nazianze et de Nysse, Jean Chrysostome, Épiphane de Salamine et d'autres encore tel Cyrille de Jérusalem. Avec la rupture qui suit le concile de Chalcédoine, cet effort d'assimilation cesse. Les échanges continuent cependant avec les auteurs syriens, monophysites comme les coptes. Le genre parénétique, plutôt que la théologie dogmatique, semble avoir alors la faveur des traducteurs coptes, mais il faut ici tenir compte de l'état très fragmentaire de notre documentation et ne pas oublier que les savants lisaient ces ouvrages de théologie ou de polémique dans le grec original, les traductions étant destinées aux clercs, moines ou laïques, ne sachant que le copte.

   À ces versions des auteurs patristiques de langue grecque, égyptiens ou non, il faut ajouter plusieurs ouvrages anonymes destinés à préciser le droit ecclésiastique ou la vie quotidienne des fidèles, rédigés hors d'Égypte et parfois adaptés aux situations locales, qui aident à mieux connaître les mœurs chrétiennes, ecclésiales et civiques, économiques et sociales. Citons parmi ceux-ci la Didachè, les Canons apostoliques, les Constitutions apostoliques, et quelques pseudépigraphes attribués à un apôtre ou à un auteur ayant notoriété, tels Hippolyte, Athanase et Basile. Les textes conciliaires, en particulier les canons des conciles locaux ou plus généraux, sont également traduits en copte.

   Les Coptes ne se sont guère préoccupés de théologie spéculative. Du IIIe au VIIIe s., ils préfèrent traiter de sujets moraux et ascétiques. Les commentaires bibliques et les écrits de controverse ont surtout un but pastoral. Il faut mettre à part les ouvrages des fondateurs monastiques, Antoine, Pakhôme, l'abbé Isaïe, Shenouté, et les séries des Apophtegmes ou sentences des premiers Pères du Désert, qui ont fortement influencé la spiritualité chrétienne dans son ensemble. Il convient également de noter ici les inscriptions coptes, dont l'intérêt est très grand pour l'histoire de la mentalité religieuse, surtout les inscriptions funéraires en lien avec la pensée populaire sur la vie, la mort, l'au-delà. La plupart sont brèves ; on y mentionne le nom du défunt, la date de sa mort avec une courte invocation pieuse. D'autres commencent par une assez longue litanie ou, après les titres du défunt, donnent une prière de longueur variable. Quelques-unes sont de vraies compositions littéraires.

L'histoire

Les Coptes ont laissé fort peu d'ouvrages en ce domaine. Subsistent toutefois des fragments d'une vaste Histoire de l'Église, qui comprenait au moins douze livres. Il pourrait s'agir de récits rédigés par un contemporain et rassemblés plus tard en volume. Ces documents et d'autres seront, au Xe s., condensés, parfois à peine résumés, en arabe par Sévère ibn al-Mouqaffa, déjà nommé, dans son Histoire des patriarches d'Alexandrie, continuée par d'autres jusqu'au XIXe s., très utile pour l'histoire civile de l'Égypte. À la fin du VIIe s., un évêque du Delta, Jean de Nikiou, rédige une histoire universelle depuis Adam, intéressante pour l'histoire de la conquête arabe et des années qui suivirent ; malheureusement le texte original copte – à moins qu'elle ait été rédigée en grec, comme certains le pensent – est perdu et nous n'en possédons plus qu'une version éthiopienne, fondée elle-même sur une traduction arabe.

Biographies, légendes et romans

Une partie non négligeable des lettres coptes est constituée par des vies de martyrs ou de saints, où abondent les épisodes fantastiques, voire horrifiques. Le martyr provoque le juge, le gouverneur ou l'empereur en personne, qui le fait torturer avant que, dans son cachot, un ange ou Jésus vienne le guérir. Presque toujours l'accusé, envoyé d'un juge à un autre, voyage sur le Nil, comme dans les romans égyptiens. Dans ces récits, la guérison réitérée du martyr et même sa résurrection répétée parfois après plusieurs morts, témoignent d'une conception proprement égyptienne de la survie après la mort, inséparablement liée à la conservation de l'intégrité corporelle, comme on le voit aussi au soin que prend le martyr à trouver quelqu'un qui, après sa mort, entretienne son tombeau. Il arrive que l'auteur, par exemple Jules d'Aqfahs, assure la rédaction des martyres auxquels il a assisté en qualité de greffier officiel. Assez souvent, le récit du martyre a été transposé en homélie pour le jour de la fête du saint. Tous ces écrits sont des sources pour l'histoire des mentalités, car on y voit les mœurs des petites gens, leurs manières de penser et de vivre.

   À ce genre il faut rattacher les biographies des saints, souvent des moines, propres à souligner les vertus héroïques des grands ascètes et les bienfaits à retirer de leur vie consacrée. Elles présentent un intérêt documentaire pour les historiens, même s'il s'agit plutôt d'ouvrages d'imagination destinés à édifier le lecteur. Le merveilleux y tient une bonne place et parfois même le récit devient roman. Le thème de la jeune fille travestie en homme pour se faire accepter dans un couvent de moines, dont l'identité n'est découverte, après moult péripéties, qu'au moment de laver le corps après sa mort, est bien connu dans l'hagiographie orientale. Le roman de Parthénopée, enlevée de son couvent par l'empereur Constantin, qui veut en faire sa femme, puis par le roi des Perses, mais qui se jette dans un bûcher pour échapper au déshonneur, emprunte un thème traditionnel du folklore oriental.

   Deux romans, enfin, doivent être cités. Celui de Cambyse, roi de Perse (529-522 av. J.-C.), qui décrit l'invasion de l'Égypte, mêlant curieusement des éléments tirés d'Hérodote et de l'Ancien Testament et fondant en un seul personnage Cambyse et Nabuchodonosor, et le roman copte d'Alexandre, qui paraît être la traduction d'une rédaction tardive du texte grec du même titre dû au pseudo-Callisthène.