Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Begag (Azouz)

Écrivain français d'origine algérienne (Villeurbanne 1957).

Issu de la « 2e génération de l'émigration », chercheur au C.N.R.S., il s'est fait connaître en 1986 avec le roman autobiographique le Gone du Chaâba, devenu un « classique » et adapté au cinéma. De son œuvre déjà importante, outre Quand on est mort, c'est pour toute la vie (1994) ou le Passeport (2000), le meilleur roman est peut-être les Chiens aussi (1995), en ce qu'il introduit une dimension fantastique transparente, tout en n'abandonnant pas cette tendresse pour le père humilié qui sous-tend l'œuvre entière. Il a aussi publié un grand nombre de romans pour enfants (les Voleurs d'écritures, 1990), ainsi que des études sur l'immigration et la ville.

Begovic (Milan)

Écrivain croate (Vrlika 1876 – Zagreb 1948).

Symboliste influencé par Ibsen, il a écrit notamment : Chant croate (1901), la Source (1912), le Coing dans le coffre (1921), l'Homme de Dieu (1924), Un yacht américain dans le port de Split (1929).

Behan (Brendan)

Écrivain irlandais (Dublin 1923 – id. 1964).

Militant de l'IRA à 14 ans, il passe trois ans en « éducation surveillée ». De nouveau condamné à quatorze ans de prison en 1942, libéré en 1948, il tire de son expérience le Client du matin (1955), puis Deux Otages (1958, en gaélique) : farces dramatiques sur la survie et la vitalité des prisonniers. Transformé en clown mondain par l'intelligentsia française et américaine, il s'arrache à l'alcool pour écrire l'Escarpeur (1964), Confessions d'un rebelle irlandais (1965).

Behn (Aphra Johnston, Mrs.)

Femme de lettres anglaise (Wye, Kent, 1640 – Londres 1689).

Veuve dès 1666 d'un riche Hollandais, espionne de Charles II aux Pays-Bas, elle sera la première femme de lettres professionnelle anglaise. Traductrice de textes français, elle est l'auteur de dix-sept comédies dans le style de Wycherley (le Mariage forcé, 1671 ; le Petit Maître, 1677 ; le Pirate, 1677-1681), de romans prérousseauistes (Oroonoko ou l'Esclave royal, 1688) et de poésies (parfois incluses comme lyrics dans ses pièces).

Bei Dao (Zhao Zhenkai, dit)

Nouvelliste et poète chinois (né en 1949).

Lycéen à Pékin, il voit ses études interrompues par la Révolution culturelle. Garde rouge, il est, à 20 ans, ouvrier du bâtiment. Ses premiers poèmes, cris de révolte et de désespoir, datent des années 1970, et son court roman Vagues, écrit en 1974, est publié en 1979 dans une revue (Today) non officielle du printemps de Pékin, dont il est l'un des fondateurs : il s'y révèle novateur par l'utilisation des points de vue multiples et du monologue intérieur. Six nouvelles suivront, Sur les ruines, le Retour du père, 13 rue du Bonheur..., dans lesquelles un pessimisme sans emphase s'exprime à travers une vision kafkaïenne des rapports humains. Il s'exile en Occident où sa création devient exclusivement poétique : c'est sous le nom dépréciatif de « poésie obscure » que son œuvre, qui marque une rupture radicale avec la poésie traditionnelle et le réalisme, est cataloguée en Chine.

Beji (Hélé)

Écrivain tunisien (Tunis, 1948).

Ancien professeur à la Faculté de Tunis, agrégée de lettres modernes, fonctionnaire à l'Unesco, elle préside depuis 1997 le Collège international de Tunis. Ses recherches portent sur l'anthropologie de la décolonisation. Elle est l'auteur de deux essais remarqués sur les malentendus de la décolonisation, le Désenchantement national (1982) et l'Imposture culturelle (1997), d'un roman (l'Œil du jour, 1985) et d'un récit satirique (Itinéraire de Paris à Tunis, 1992).

Bekederemo-Clark (John Pepper)

Poète et dramaturge nigérian de langue anglaise (né en 1935).

Il appartient à la génération d'écrivains qui commence à publier peu avant l'indépendance (1960) dans des revues comme The Horn (1957), à Ibadan. La contribution particulière de J. P. Clark – nom sous lequel il commence à publier – réside dans son attention à la poésie, dans son travail de recherche verbale et stylistique pour donner une voix à l'expression poétique anglophone au Nigéria. Il s'essaie au théâtre avec le Chant du bouc (1961), réflexion sur les rites et le tragique, puis le Radeau (1961), marqué par le théâtre de l'absurde, et Ozidi (1966), premier essai de transposition dramatique de la littérature orale. De son premier recueil poétique Une décennie de langues (1968), en passant par Victimes (1970), jusqu'à la Terre de Mandela (1988), il s'est imposé comme un esprit indépendant et un chercheur original. Il a aussi passé près de dix ans à recueillir, à transcrire et à traduire l'épopée de son peuple, les Ijo, riverains du delta du Niger, et de leur héros éponyme : The Ozidi Saga (Ibadan, 1976). Il nous donne ainsi un exemple de poésie et de performance orale, restituée dans sa langue originale et dans une traduction qui fait de ce texte un monument de la littérature de l'Afrique.

Belcampo (Herman Schönfeld-Wichers, dit)

Écrivain hollandais (Naarden 1902 – Groningue 1990).

Sa formation médicale ajoute à ses nouvelles humoristiques (Contes, 1935) une tonalité absurde ou fantastique (les Fantaisies de Belcampo, 1958 ; le Monde fantastique de Belcampo, 1963 ; le Dahlia rêvé, 1968 ; le Grand Événement, 1969 ; Des roses sur les rails, 1979 ; les Trois Amours de tante Bertha, 1982).

Belgique

Littérature de langue française

Les origines

La littérature de langue française étend son réseau d'auteurs et d'œuvres à toute la Belgique et n'est donc pas limitée à la région où le français est la langue naturelle. La Flandre n'a d'ailleurs pas cessé de produire des écrivains de langue française, dont quelques-uns des plus importants de Belgique, tel Maeterlinck. Cette situation remonte au Moyen Âge, où la cour des comtes de Flandre et celle des ducs de Brabant étaient par moments de véritables foyers littéraires français.

   Du XIIIe au XVIe s., la production des provinces formant aujourd'hui la Belgique ne saurait se distinguer de la littérature en ancien français. Beaucoup d'écrivains (l'auteur d'Aucassin et Nicolette, celui de la farce le Garçon et l'Aveugle, le conteur Gautier le Leu, le chroniqueur Froissart) appartiennent au Hainaut, sans qu'on puisse dire s'il s'agit du Hainaut belge ou français, tant cette distinction est alors anachronique. Au XIIIe s., la littérature religieuse ou morale est la plus abondante, surtout dans le pays de Liège, principauté ecclésiastique. La littérature épique, elle, n'est représentée que par des refontes tardives, comme celle d'Adenet le Roi, plus roman que chanson de geste.

   C'est la littérature historique qui connaît le développement le plus remarquable : au XIVe s., à Liège, avec les chroniqueurs Jacques de Hemricourt, Jean d'Outremeuse et, surtout, Jean le Bel, le maître de Froissart ; au XVe s., dans le milieu des ducs de Bourgogne, avec les mémorialistes d'origine flamande Georges Chastellain et Philippe de Commynes. La brillante cour des princes bourguignons régnant alors sur la plupart des provinces belges est un centre de rayonnement artistique et littéraire. La vie de cour se prolongera, à l'époque suivante, à Malines, autour de la gouvernante Marguerite d'Autriche, qui protège Jean Lemaire de Belges, dernier grand rhétoriqueur, puis à Liège, avec le prince-évêque Ernest de Bavière, entouré de savants, humanistes et poètes imitateurs de la Pléiade. Mais le XVIe s. des luttes politiques et religieuses voit surtout s'affirmer, parmi le foisonnement des pamphlets, un Marnix de Sainte-Aldegonde, polémiste à la prose vigoureuse nourrie de Rabelais.

   Le XVIIe et le XVIIIe s. sont tributaires de la France, qui fait triompher son classicisme dans tous les genres : les Pays-Bas du Sud et la principauté de Liège consomment bien plus qu'ils ne produisent, état de choses voué à durer. Du siècle des Lumières on retiendra le nom du prince Charles-Joseph de Ligne, brillant polygraphe qui, se disant « Autrichien en France, Français en Autriche, l'un ou l'autre en Russie », représente, au temps de Voltaire, de Frédéric II et de la Grande Catherine, l'idéal cosmopolite européen. En 1772, l'impératrice Marie-Thérèse, voulant favoriser la vie intellectuelle dans les Pays-Bas autrichiens, fonde à Bruxelles une Académie des sciences, des arts et des lettres, qui existe encore.