Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Éphrem (saint)

Docteur de l'Église et écrivain syriaque (Nisibis v. 306 – Édesse 373).

Adoptant le genre poétique du gnostique Bardesane, il enseignait à l'aide d'hymnes chantées alternativement par deux chœurs syriaques. Auteur d'une fécondité prodigieuse, il usa d'une métrique variée et d'une langue étonnamment riche par son vocabulaire coloré, ses métaphores nombreuses, son symbolisme constant pour célébrer la foi et l'Église, le Christ et ses mystères, la Vierge et les saints. Polémiste violent, il exerça également sa virulence contre les ariens, les hérétiques et les juifs. Il écrivit aussi des Commentaires bibliques.

Épictète

Philosophe grec (Phrygie, v. 50 – v. 130 apr. J.-C.).

Esclave affranchi, disciple du stoïcien Musonius Rufus, il enseigna à Rome puis à Nicopolis, en Épire. Arrien a transmis ses leçons dans les Entretiens (Diatribai), en huit livres, dont quatre sont conservés, et dans un Manuel (Encheiridion) qui en reprend les traits essentiels. L'enseignement d'Épictète revient aux fondements de la doctrine stoïcienne en usant de la diatribe, vive interpellation adressée à l'auditeur dans un dialogue fictif dont le souci est la prédication morale.

épigramme

C'est originairement, chez les Grecs, une inscription, souvent en vers, d'abord épique, puis élégiaque (Archiloque, Simonide), gravée sur les tombeaux, les statues. L'épigramme devient un genre poétique, particulièrement florissant à l'époque alexandrine (Callimaque en fait une formule sentencieuse), comme l'attestent les pièces recueillies dans l'Anthologie grecque et les noms de Léonidas de Tarente et de Méléagre de Gadara. Idylle et élégie, chez Catulle, elle prend sa tonalité satirique avec Martial qui lui donne son réalisme pittoresque et la vigueur du trait final (la « pointe »). Pratiquée par Ronsard et Marot, l'épigramme trouve dans les jeux de salons et les querelles littéraires des XVIIe et XVIIIe siècles (La Fontaine, Racine, Voltaire, J.-B. Rousseau) une nouvelle actualité (« un bon mot de deux rimes orné », Boileau, Art poétique, II, 104). Illustrée en Angleterre par Jonson, Donne, Herrick, Dryden, Pope, Blake, l'épigramme s'adapte parfaitement en Allemagne à la conception baroque de la poésie (F. von Logau, Wernicke), même pour exprimer une expérience mystique (Czepko, Angelus Silesius), avant de devenir descriptive et philosophique (Klopstock, Herder, Goethe) et de toucher à tous les genres, du satirique au gnomique (Kleist, Immermann, Körner, Platen, Mörike).

Épinay (Louise Florence Pétronille Tardieu d'Esclavelles, marquise d')

Femme de lettres française (Valenciennes 1726 – Paris 1783).

Liée avec les milieux littéraires, elle se trouva au cœur de la crise qui opposa Diderot, Mme d'Houdetot, Rousseau et Grimm. Maîtresse de Grimm, elle collabora à sa Correspondance littéraire. Elle publia des Lettres à mon fils (1759) et les Conversations d'Émilie (1781), ouvrages pédagogiques, et laissa un roman épistolaire inachevé, Histoire de Madame de Montbrillant, des Mémoires et Correspondances, qui retracent sa vie sous forme de fiction.

épitaphe

Petit poème en forme d'inscription funéraire qui, dès l'Antiquité, témoigne d'un double caractère : religieux et moral (Anthologie grecque), satirique et facétieux (Marot). Si l'épitaphe peut évoquer un animal familier (le moineau de Catulle, la chienne de Martial, la belette de Saint-Gelais), elle s'adresse le plus souvent à la mémoire d'un protecteur ou d'un ami (Ronsard, Belleau, Baïf), ou s'érige comme un monument plus mélancolique ou plus ironique que l'auteur consacre à sa propre mémoire.

épithalame

Ce genre lyrique a pour origine, en Grèce, les chants qui accompagnaient la célébration du mariage, le chant d'hymen, et, à Rome, les chants fescennins. On a même rattaché à cette source certains psaumes bibliques et le Cantique des cantiques. Très tôt, l'épithalame ajouta à son contenu lyrique (Sappho, Pindare, Anacréon) des épisodes mythologiques (Théocrite, Épithalame de Ménélas et d'Hélène). À Rome, Catulle (Noces de Thétis et de Pélée), Stace, Ausone établirent la tradition latine du genre, qui allie à la licence de la poésie populaire l'élaboration alexandrine. La Renaissance tentera de revivifier la forme première (Le Tasse, Du Bellay, Marot, Sidney, Spencer, Donne) qui prendra vite une allure officielle. Coleridge écrira encore un Epithalium, Tennyson conclura son In memoriam par un épithalame et Apollinaire donnera au genre le souffle de la modernité dans son « Poème lu au mariage d'André Salmon » (Alcools).

épître

L'épître se développe dans l'Antiquité comme une des formes de la littérature didactique (Épicure, Varron, les écrivains chrétiens). Si Ovide crée l'épître sentimentale (Héroïdes) et autobiographique (Pontiques), Horace établit le modèle de l'épître en vers, adressée à un personnage réel ou fictif, sur des sujets moraux ou littéraires, sur un ton satirique ou plaisant : l'Épître aux Pisons est un art poétique. Pétrarque, l'Arioste renouvellent en Italie un genre que Marot (Épîtres au roi, à Lyon Jamet) et les rhétoriqueurs tireront du côté du badinage. En Espagne, Garcilaso (Épître à Boscán), en Angleterre, Johnson puis Pope resteront très près du modèle d'Horace, tandis que le classicisme français fait de l'épître un mode d'expression tantôt plus léger (La Fontaine), tantôt plus didactique (Boileau). Voltaire (Épître sur la philosophie de Newton) saura mêler tous les tons, dont la « lettre » moderne tentera de jouer (W. H. Auden, Lettre à lord Byron).

épopée

L'épopée (du grec epos, « la parole ») est définie par Aristote dans la Poétique (chap. 23-24) comme un récit de style soutenu évoquant les exploits de héros et faisant intervenir les puissances divines. La conception du genre, le plus prestigieux de la tradition classique, évoluera ensuite, en particulier sous l'influence du préromantisme qui en fait l'expression primitive d'une civilisation.

Le monde gréco-latin

Aristote fonde sa définition sur le modèle homérique : organisée comme la tragédie autour d'un déroulement dramatique et d'une unité d'action, c'est une « imitation narrative » en vers « héroïques », ouverte au surnaturel et privilégiant la vraisemblance à la vérité ; opposée tant aux autres genres poétiques qu'aux théogonies et aux mythologies, elle paraît devoir évoquer les hauts faits des hommes, même si Aristote ne prescrit pas de sujet propre. L'Iliade chante ainsi la colère d'Achille, auquel Agamemnon, le chef des troupes achéennes, a enlevé sa captive troyenne Briséis. Achille refusant de participer aux combats, les Grecs subissent défaite sur défaite. Mais quand son ami Patrocle, revêtu de ses armes, est tué par Hector, Achille s'engage enfin, tue Hector, et finit par céder le cadavre de son ennemi au vieux Priam qui le lui réclame. Tout un imaginaire héroïque et aristocratique se fait jour, idéalisant la « belle mort » et la gloire des héros. Les crises que connaissent les dieux sont analogues à celles qui mettent aux prises les hommes. L'Odyssée apparaît comme une épopée complémentaire de l'Iliade : au lieu de la « belle mort » des héros au combat, Ulysse choisit le « retour », dont il raconte les péripéties à la cour du roi Alkinoos. L'Odyssée oppose deux univers nettement distincts : la Grèce, monde de la culture, et celui de l'infrahumain (Lotophages, Cyclopes) ou du suprahumain (Circé, Calypso), mondes différents par la nourriture consommée, les sacrifices, les rites sociaux et religieux. Ulysse, tout entier mû par la nostalgie refusera l'immortalité ou l'oubli des siens pour retrouver son nom, son peuple, sa gloire parmi les hommes.

   Dans l'Énéide, qui marque l'accomplissement de la tradition épique latine, Virgile s'inspire successivement de l'Odyssée et de l'Iliade pour raconter les errances d'Énée depuis Troie jusqu'aux côtes de l'Italie en passant par Carthage, puis son œuvre de fondateur de Rome. En repensant et en adaptant le substrat homérique Virgile oriente le sens de son épopée pour en faire aussi un poème officiel. Ce texte, de facture plus linéaire et plus « classique » que ceux d'Homère, servira de modèle à toute l'Europe, que ce soit pour la façon dont il traite le devenir historique d'une nation que pour la sensibilité et la beauté des images et de certains vers, sans cesse réécrits par la suite.