Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Nguyên Dinh Chiêu

Écrivain vietnamien (Tan Khank, prov. de Gia Dinh, 1822 – Bên Tre 1888).

Il est l'auteur du roman en vers Luc Vân Tiên, sans doute composé après sa cécité (1848). Cette suite d'aventures variées, partie d'inspiration chinoise et partie autobiographique (seconde moitié du XIXe s.), compte parmi les écrits les plus populaires de la littérature en caractères démotiques. Elle est souvent présentée comme l'expression du particularisme sud-vietnamien. Nguyên Dinh Chiêu est aussi l'auteur d'oraisons funèbres célébrant les mérites de patriotes résistants à la colonisation française.

Nguyên Du

Lettré vietnamien (Tiên Diên, prov. de Hà Tinh, 1765 – Huê 1820).

D'origine noble, fidèle aux derniers rois de la dynastie des Lê, il accepta néanmoins de servir les Nguyên et composa, à l'occasion de son ambassade en Chine (1813), le Kim Vân Kiêu, écrit en caractères démotiques et comprenant 3 254 vers composés selon le genre luc-bat (suite de distiques formés d'un vers de 6 mots et d'un de 8 mots). Kim, Vân et Kiêu sont les noms des trois principaux personnages du récit. S'inspirant largement d'un roman chinois en prose de la fin du XVIe s., l'auteur évoque l'existence malheureuse de Kiêu, jeune fille d'une grande beauté, mais vouée à une suite d'aventures pénibles pour expier des fautes commises durant ses vies antérieures. L'œuvre a été l'objet, dans les années 1920, d'une querelle littéraire : les confucianistes, au nom de la morale et des bonnes mœurs, condamnaient le roman, de même que les marxistes, qui y voyaient l'image d'une société féodale à rejeter – avant de célébrer le roman comme une « dénonciation du féodalisme bourgeois », lors du 200e anniversaire de l'auteur en 1965. Pour d'autres, au contraire, c'était une glorification de la piété filiale, de la bonté, de la fidélité. Tous les Vietnamiens s'accordent cependant pour célébrer le talent de l'auteur et louer la valeur artistique du roman.

Nguyên Gia Thiêu, marquis Ôn-nhu, dit Ôn-nhu-hâu

Écrivain vietnamien (Liêu Ngan 1741 – Bac Ninh 1798).

Issu d'une famille de haute noblesse et éduqué à la cour, il servit d'abord le pouvoir décadent des derniers rois Lê, puis se retira pour se consacrer à la littérature et à la religion. Il est l'auteur du Cung-oan ngâm-khuc (la Complainte de l'odalisque), poème vietnamien (356 vers) du genre élégie ou ngâm. Le thème développé est celui de la triste condition des concubines royales délaissées et recluses. Cette œuvre classique figure parmi les principaux chefs-d'œuvre de la littérature du Viêt-nam en caractères démotiques.

Nguyên Trai

Lettré et homme d'État vietnamien (Nki Khe 1380 – Hai Duong 1442).

Conseiller de Lê Loi à la tête de la résistance contre la colonisation chinoise des Ming, puis serviteur des premiers rois Lê, il se retira de la cour, fut accusé de régicide et condamné à mort avec toute sa famille. Outre sa Correspondance relative aux affaires militaires, ses Instructions familiales (Gia-huân ca) en vers, diverses œuvres poétiques en chinois, publiées sous le pseudonyme de Uc-Trai, il est l'auteur d'un recueil de poèmes en langue nationale (Quôc-âm thi tâp), dont le texte, découvert à Hanoi en 1956, présente un intérêt linguistique considérable pour la connaissance de la langue vietnamienne au XVe  s.

Nhât Linh (Nguyên Tuong Tam, dit)

Écrivain et homme politique vietnamien (Hai Duong 1906 – Saigon 1963).

Créateur et animateur du groupe littéraire Tu-luc van-doàn (Par ses propres forces), rénovateur (1932) de la revue Phong-hoa (Mœurs), bientôt transformée (1935) en Ngày Nay (Temps présent), il a largement contribué à assurer le renouveau littéraire de son pays, tout en favorisant l'évolution des idées et de la société. On lui doit des recueils de nouvelles, des romans à thèse (Rupture, 1935 ; Une paire d'amis, 1938), ainsi que des ouvrages en collaboration avec Khai Hung (Tu dois vivre, 1933 ; Une existence orageuse, 1936).

Nibelungenlied
(la Chanson des Nibelungen)

Poème épique en moyen haut-allemand, composé autour de 1200 dans la région danubienne par un auteur anonyme. L'œuvre n'est connue que par des copies, si bien qu'en l'absence d'original l'établissement du texte définitif se révèle impossible. L'auteur a utilisé des poèmes héroïques sur le thème légendaire du meurtre de Siegfried et sur celui, historique, du massacre des Burgondes par les Huns (437), éléments qu'il réussit à fondre en un tout cohérent. Pour pouvoir épouser Kriemhild, sœur de Gunther, le roi des Burgondes Sifrit (Siegfried) doit aider Gunther à conquérir la reine d'Islande Brünhild ; il y parvient, grâce à sa cape magique. Brünhild, apprenant la vérité, fait assassiner Siegfried par Hagen. Kriemhild, par vengeance, épouse Attila, roi des Huns, et, après avoir attiré les Burgondes à la cour de son époux, les fait massacrer jusqu'au dernier. Le poème mêle éléments chrétiens, courtois et sauvagerie barbare. Par sa composition, sa langue, sa forme strophique très stricte, il est un chef-d'œuvre de la littérature médiévale.

Nicaragua

La République du Nicaragua accède à l'autonomie politique en 1840, après l'éclatement de la Fédération centraméricaine. C'est la patrie de Rubén Darío, fondateur du modernisme et l'une des plus grandes voix de l'Amérique latine, mais sa littérature ne se limite pas à ce géant des lettres universelles : son contemporain Santiago Argüello (1872-1940) est aussi une référence poétique majeure dans un pays qui a toujours fait de la poésie une affaire nationale. Cette poésie est volontiers qualifiée par les Nicaraguayens d' « extérioriste », ce qui la place à l'opposé de la « poésie pure » : elle exalte la terre natale, le peuple et ses héros, son passé indigène, ses coutumes et ses paysages, ce qui n'empêche pas une ouverture sur le reste du monde ; la poésie du Nicaragua est par là bien souvent exemplaire de celle de l'Amérique latine tout entière.

   Les trois principaux successeurs du modernisme sont Azarías H. Pallai, Alfonso Cortés et Salomón de la Selva. Ils font la transition avec le mouvement de La Vanguardia, animé par Luis Alberto Cabrales, José Coronel Urtecho et Pablo Antonio Cuadra. Après eux, la veine humaniste est illustrée par Ernesto Mejía Sánchez, introducteur d'un nouveau genre de poème en prose, ainsi que par Carlos Martínez Rivas, auteur d'un recueil unique (l'Insurrection solitaire, 1953) où il fustige la société contemporaine ; de son côté, Ernesto Cardenal est l'archétype du poète engagé (Cri, 1964), et sa renommée dépassera vite les frontières de son pays. Il exercera après la révolution de 1979 les fonctions de ministre de la Culture.

   Les années 1950 sont marquées en poésie par le souci de rigueur d'Ernesto Gutiérrez. Mais, à partir de 1960, on assiste à un renouveau littéraire, qui se manifeste par l'apparition de différents groupes et revues, et par une floraison de poètes révolutionnaires dont certains paieront leur engagement de leur vie (Edwin Castro), tandis que Fernando Gordillo fonde le mouvement Frente ventana, qui appuie l'opposition sandiniste, et auquel participe, entre autres, José Eduardo Arellano, auteur de l'Étoile perdue (1969). En même temps, un véritable théâtre national naît avec Rolando Steiner.

   Si, depuis 1970, de nouveaux poètes se manifestent, comme Gioconda Belli, la prose prend un essor véritable : aux romans de la première génération (Sang sacré, 1940, d'Adolfo Calero Orozco ; Cosmapa, 1940, de José Román) succèdent des tendances nouvelles, caractérisées par la recherche de l'identité nationale et la lutte politique. Les principales figures sont celles de Pedro Joaquín Chamorro – directeur du journal La Prensa, dont l'assassinat, en 1978, devait donner le signal du dernier combat contre le dictateur Somoza –, de Lizandro Chávez Alfaro – auteur de Avale-moi, terre (1968), dont le thème est le conflit des générations – et de Sergio Ramírez, auteur de nombreux essais, de nouvelles et de romans, où il apporte sa contribution à l'abondante littérature « de la dictature », qui fleurit sur le continent tout entier.