Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
T

Turner (Frederick Jackson)

Historien américain (Portage, Wisconsin, 1861 – San Marino, Californie, 1932).

Son étude l'Importance de la frontière dans l'histoire américaine (1893), identifie l'histoire nationale au mouvement d'expansion vers l'Ouest, présumé vide de toute occupation : très influent, il définit ainsi la démocratie américaine et les valeurs nationales.

Turquie

On considère actuellement que les « inscriptions » de l'Orkhon et de Ienisseï, écrites en dialectes göktürk et ouïgour (732 et 735 apr. J.-C.), sont les premiers textes de la littérature turque, avec les écritures trouvées lors des fouilles de Tourfan. Certains de ces écrits relatent l'acceptation de la religion manichéenne par Bügü khaghan, chef des Ouïgours, et appartiennent à la période préislamique. Après l'islamisation des Turcs, on assiste, en Asie centrale, au développement des littératures karakhanide, kharezmehah et djaghataï (ces dénominations correspondent aux dynasties qui se sont succédé).

   La littérature karakhanide s'étend du Xe au XIIIe s. Sous la dynastie karakhanide, les arts et les lettres sont florissants en Asie centrale : Yusuf Khass Hadjib (Yusuf Has Hâcib) traite, en dialecte ouïgour et sous une forme poétique, de la nation, de l'État, de la justice et de la foi (1069-1070), tandis que Mahmud al-Kachgari écrit, contre l'envahissement de l'arabe, un dictionnaire de la langue turque (1072-1074). Il faut encore citer, pour cette période, les noms d'Ahmad ibn Mahmud Yügnäki (Edib Ahmed bin Mahmud Yükneki) et de Ahmad Yasawi (Ahmed Yesevi) [mort en 1166]. La littérature des Kharezmchah atteint son épanouissement au XIVe siècle. Quant à la littérature djaghataï, qui correspond au règne de Timur Lang (Tamerlan) et de ses fils (1370-1507), elle est caractérisée par le développement de la langue turque (dialecte djaghataï ou tchagatay) aux dépens du persan, langue « noble » parlée dans les palais. Il faut compléter ce classement chronologique de l'histoire de la littérature turque par une division géographique : les Oghouz, Turcs venus d'Asie centrale, sont passés par l'Europe orientale et les Balkans pour arriver jusqu'à la Méditerranée. Pour cette raison, on a l'habitude de faire, à partir du XIIe s., une distinction entre les Oghouz occidentaux (Anatolie occidentale) et les Oghouz orientaux (installés dans la région de l'Azerbaïdjan), qui parlaient le dialecte azerî (ou azéri). De la même façon, on parle de « littérature azerî » et de « littérature turque d'Anatolie » . Dans la littérature azerî, le dialecte azerî n'a été utilisé, au XIIe s. et au XIIIe s., que pour les œuvres folkloriques, tandis que les ouvrages classiques étaient écrits en persan. Ainsi, en Anatolie, au temps du sultanat seldjoukide de Rum Sultan Veled (1226-1312), Ahmed Fakih, Seyyad Hamza et Yunus Emre (vers 1238 – v. 1320), grand poète populaire, écrivent en turc, alors que Mevlana Djalal an-Din Rumi (Mevlânâ Celâled-din Rûmî, 1207-1273), fondateur de l'ordre des Derviches tourneurs (Mevlevî), écrit en persan. Ce n'est qu'au cours du XIVe siècle que le dialecte azerî s'est implanté dans la littérature classique, avec Kadi Burhaneddin (1344-1398), Nesimî (mort en 1404) et surtout le poète Fuzuli (1480 ou 1494 ?-1556).

   Au XVe s., pendant la période djaghataï, on peut donc faire une distinction entre Turcs de l'Ouest et Turcs de l'Est. Les grands écrivains orientaux sont : Mir 'Ali Chir Nava'i (Ali Sogonir Nevaî, 1440-1501), poète et penseur, défenseur de la langue turque, et les poètes Yusuf Emirî et Lûtfî. Les « Occidentaux » demeurent sous l'influence des littératures arabe et, surtout, persane, très prisées dans la vie de palais des sultans. Au XVe s., à côté des œuvres de Sogonieyhi (1375-1431), d'Ahmed Pasogonia Bursah (mort en 1497) et d'Isa Necatî (mort en 1509), celles de deux mystiques célèbres, Haci Bayram Veli (mort en 1429) et Esogonirefoglu Rumî (mort en 1469), ainsi que les écrits de Süleyman Celebi (mort en 1422) prennent place dans l'histoire de la littérature. À ces grands noms de la littérature djaghataï, il faut ajouter ceux de Husayn Bayqara (Hüseyin Baykara, 1438-1506), de Muhammad Chaybani (Sogonieybani, mort en 1510) et de Kul Ubeydî. Babur (Baber 1483-1530), fondateur de l'Empire moghol en Inde, a écrit en prose une sorte de chronique historique, et Ebül gazi Bahadir Han (1603-1663 ou 1664), une généalogie turque.

La littérature ottomane

Au XVIe s., on assiste à la décadence de la littérature djaghataï, tandis que la littérature azerî – et son grand représentant Fuzuli – prend une importance accrue. C'est l'époque de la littérature « classique » ottomane, de la poésie du divan (influencée par le persan et l'arabe) avec Baki (1526-1600), Bagdath Ruhî (mort en 1605), Taslicali yahya (mort en 1582), Zâtî (1471-1546), Nev'î  (1533-1559), Lamiî Celebi (1472-1532) et Fazlî Celebi (mort en 1563). Tandis que Âsik Celebi (1520-1572), Hasan Celebi Kinalizade (1546-1607), Ahdi, Edirneli Sehî (mort en 1548) et Latifî (1491-1542) se distinguent en prose, Mahremi Tatavlali (mort en 1535) et Edirneli Nazmi tentent de turquiser la langue poétique. Alors que fleurit la littérature populaire avec Kul Mehmed et Öksüz Dede et que le courant mystique se prolonge avec Ümmü Sinan (mort en 1551) et Ahmed Sârban (mort en 1546), pour la première fois Pir Sultan Abdal et Köroglu abordent les problèmes sociaux de leur temps.

   Au XVIIe s., la langue écrite prend ses distances à l'égard de la langue parlée, provoquant l'apparition de deux tendances littéraires, l'une proarabe, l'autre proturque. Koçu Bey Risalesi et Evliya Celebi (1611-1682) sont les représentants de la tendance proturque pour la prose, Nergisî (mort en 1635), Veysî (1561-1628) et Abdülaziz efendi Karaçelebizade (1591-1658) s'en tenant à la tradition arabo-persane. Les poètes du divan – Nef'i (1572-1635), Seyhül-islâm Yahya (1553-1644), Azmizade Haletî (1570-1631), Nevizade Atâî (1583-1635), Nailî (mort en 1666), Fehim (1627-1648) et Nabi (1641-1712) – s'opposent aux poètes « populaires » Asiik Ömer, Gevherî et Karacaoglan. Le grand prosateur de l'école du divan est Kâtip Celebi (1609-1657), connu sous le nom de Haci Halife.

   Au XVIIIe s., la vie littéraire ottomane est très active. La première imprimerie est fondée en 1727. On traduit alors de nombreuses œuvres persanes et arabes : Yirmisekiz Mehmet Celebi (mort en 1732) tente une simplification de la langue, et Naima (1655-1716) rédige un livre d'histoire. Un courant moderniste apparaît, lié à un certain désir de rapprochement avec la civilisation occidentale. Les grands noms de la poésie du divan sont Seyh Galib (1757-1799), Nedim (1680-1730) et Koca Ragib Pasogonia (1699-1763), tandis que Fasihî, Sogoniermi, Sezaî (1669-1738), Safayî (mort en 1781), Salim, Sogon Seyhî et Ramiz (1718-1784) illustrent le courant populaire et mystique. L'affrontement entre la littérature populaire et la littérature savante se prolongera jusqu'au milieu du XIXe s. Il faut noter que ceux qui ont voulu simplifier et rendre plus naturelles la langue et la littérature turques ont été plus sensibles à l'influence de l'Europe qu'à celle de la littérature populaire. Celle-ci se distingue d'abord de la littérature savante par la forme : alors que la poésie arabo-persane, et par là la poésie ottomane classique, repose sur une métrique quantitative, la poésie populaire est fondée sur les syllabes et sur leur nombre. La production poétique populaire la plus courante est le mâni, sorte de quatrain lyrique, tandis que le destan est la forme de la poésie épique ou narrative. Cette poésie populaire n'était pas « récitée », mais chantée, les poètes, en même temps musiciens, s'accompagnant du saz, instrument à cordes rudimentaire : on les appelait d'ailleurs saz sogoni sairleri.

   À cette littérature populaire tombée en décadence au début du XIXe s. il faut ajouter les différents genres du théâtre populaire : le meddah, l'orataoyunu et le karagöz. Le meddah était un conteur d'histoires réalistes et drolatiques, ayant pour accessoires un bâton et un mouchoir dont il se servait pour contrefaire sa voix. L'ortaoyunu (« jeu du milieu ») correspond à peu près à nos farces du Moyen Âge. Le spectacle n'a pas lieu sur une scène, mais au milieu du public, avec des accessoires rudimentaires. Il fait intervenir acteurs, musiciens et danseurs. Les acteurs se réduisent essentiellement à deux personnages : un lettré (Pisekâr) et un vaurien (Kavuklu). Les personnages féminins (secondaires) étaient joués par des hommes, ce qui permettait d'entretenir une équivoque qui se voulait comique. Le karagöz est non pas un théâtre d'ombres, mais la projection sur un écran d'images colorées translucides. Ces silhouettes présentent toujours un même profil. Le spectacle est accompagné au tambourin et à la flûte. Bien que l'islam ait interdit la représentation d'êtres vivants par le dessin ou la sculpture, le karagöz a été, après une courte phase d'interdiction, toléré en raison de son symbolisme mystique. Pour le théâtre populaire comme pour le théâtre classique, on ne dispose de sources précises qu'à partir du XVIe s. On a connaissance dès la période préislamique d'une forme théâtrale liée à la religion chamaniste en Asie centrale. On évoque, à côté du théâtre populaire, un théâtre villageois qui semble avoir été la survivance d'anciennes réjouissances religieuses, et en particulier d'un vieux culte phallique.