Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Suassuna (Ariano Vilar)
ou Ariano Vilar Suaçuana

Écrivain brésilien (João Pessoa, Paraíba, 1927).

Fondateur, avec Hermito Borba Filho, du Théâtre de l'étudiant à Pernambouc, il a fait jouer des pièces d'inspiration populaire (l'Acte de la compatissante, 1955).

Subagio Sastrowardojo

Écrivain indonésien (Madiun 1924 – ? 1995).

Après des études à l'université Gajah Mada de Yogyakarta et aux États-Unis, il devient professeur de langue et de littérature indonésiennes et vit aujourd'hui en Australie. Poète « intellectuel », il traite principalement de la solitude, de l'amour physique, de l'incertitude (Simphoni, 1957 ; Région frontalière, 1970 ; Keroncong Motinggo, 1975). Il est également l'auteur de nouvelles (Virilité à Sumbing, 1965) sur le thème de l'honnêteté envers soi-même, et d'essais sur la littérature et l'art d'Indonésie (le Don naturel et l'Intellectualisme, 1972).

subculture

La moindre codification de la littérature américaine, l'absence de centres de création constants, la mobilité sociale et les mélanges culturels issus de l'immigration et des partages ethniques ont rendu les écrivains attentifs à la sous-culture, où ils ont vu un moyen original d'expression : ainsi Mark Twain et les récits populaires de l'Ouest, certains écrivains noirs, qui ont directement lié l'affirmation de leur identité raciale au jazz, à l'argot, à l'humour. Plus généralement, l'intérêt porté à la sous-culture traduit une absence de stratification et de hiérarchisation des phénomènes culturels et l'aptitude reconnue aux arts populaires – cinéma, chanson, bande dessinée – à rendre compte de la réalité au même titre que la littérature établie. Aussi les croisements sont-ils fréquents entre littérature et sous-culture et suscitent-ils des formes d'expression spécifiques : science-fiction, roman documentaire, récit-témoignage. La personnalité même de l'écrivain ne se comprend souvent que par de tels croisements : Henry Miller cite indifféremment les plus grands écrivains et ses souvenirs d'enfant des rues new-yorkais. Norman Mailer a joué de ces passages entre divers modes et niveaux d'expression pour suggérer l'image complète de la parole américaine. La sous-culture témoigne en conséquence de la plasticité de la littérature même et d'une expérience toujours syncrétique, totalisante, des données de la culture nationale alors qu'en Europe la sous-culture, où se reconnaissent petite et moyenne bourgeoisies, est davantage tournée vers le passé culturel et les œuvres de facture passéiste.

Subligny (Adrien Thomas Perdou de)

Homme de lettres français (1636 – 1696).

Connu pour sa gazette en vers (la Muse dauphine, 1665-1667), il se spécialisa dans la critique littéraire et la parodie. Il s'en prit à Racine (la Folle Querelle, comédie, 1668 ; Réponse à la critique de la Bérénice de Racine par l'abbé de Villars, 1671 ; Dissertation sur les tragédies de Phèdre et Hippolyte, 1677) et à Mlle de Scudéry. Sa Fausse Clélie, histoire française, galante et comique (1670) eut un vif succès.

Sublime (Du)

Traité de critique littéraire dû à un rhéteur grec inconnu du Ier s. apr. J.-C. et attribué à tort à Longin. Répondant aux tenants de l'atticisme, l'auteur concilie la tradition platonicienne (enthousiasme nécessaire à la création et à la compréhension de l'œuvre d'art) et la tradition aristotélicienne (technique). Cet ouvrage, très apprécié des humanistes de la Renaissance, fut popularisé par la traduction qu'en donna Boileau en 1674 et eut une grande influence au XVIIIe siècle.

Subramanya Bharati

Poète indien de langue tamoule (Ettayapuram, district de Tirunelveli, 1882 – Madras 1921).

Révolutionnaire et nationaliste fervent, ses interventions dans la presse en faveur de l'indépendance de l'Inde lui vaudront d'être constamment poursuivi par l'administration coloniale britannique et de passer dix ans en exil à Pondichéry. Il est l'auteur de poèmes novateurs sur l'émancipation des femmes, l'égalité, la liberté (Chants à Krisna, Chants du coucou), et d'une version nouvelle du Mahabharata : Pañcali Capatam.

Sudermann (Hermann)

Écrivain allemand (Matzicken, Prusse Orientale, 1857 – Berlin 1928).

En mêlant éléments naturalistes et recettes du théâtre bourgeois, il triompha avec ses pièces « sociales » (l'Honneur, 1890 ; la Fin de Sodome, 1891 ; Heimat, 1893). Il se tourna ensuite vers des thèmes féeriques (les Trois Plumes de Héron, 1899) ou religieux (Johannes, 1898), revint à des sujets plus actuels (Parmi les pierres, 1905), sans parvenir à renouveler ses premiers succès. Son roman la Femme en gris (Frau Sorge, 1887) et ses Histoires lituaniennes (1917) restent la partie la plus vivante d'une œuvre représentative du goût dominant de l'Allemagne wilhelminienne.

Sudrabkalns (Arvīds, dit Jānis)

Poète letton (Inčukalns 1894 – Riga 1975).

Auteur de poèmes, de portraits, d'articles, il fut également critique théâtral, musical et littéraire. Dans ses recueils de poèmes, l'Armada ailée (1920) et la Lanterne au vent (1931), se mêlent romantisme et réalisme, auxquels s'ajoute l'influence des symbolistes russes et français. À son retour de Moscou, où il s'était réfugié pendant la guerre, son style changea radicalement et sa poésie se mit à suivre la ligne idéologique en vigueur en Union soviétique ; Dans une famille fraternelle (1947) en est un bon exemple. En 1964, il publia son dernier recueil de poèmes, Encore un printemps !

Sudraka

Souverain indien (entre le IVe et le VIIe s.).

Il est l'auteur en sanskrit d'une pièce de théâtre intitulée Mrcchakatika (le Chariot de terre cuite), remarquable par la caractérisation des personnages et l'intérêt de l'intrigue. Cette histoire d'amour entre une courtisane et un jeune marchand, pleine de réalisme et d'humour, inspira Nerval et Méry qui en firent une adaptation, Chariot d'enfant (1850).

Sue (Marie Joseph, dit Eugène)

Écrivain français (Paris 1804 – Annecy 1857).

Fils de grand médecin, sommé de poursuivre la carrière paternelle, s'y refusant, se réfugiant dans le dandysme pour finir député de la IIe République, puis persécuté par Napoléon III, il est l'un des grands auteurs de romans populaires.

Premiers succès

Après une brève carrière de chiurgien militaire, Sue revint à Paris en 1828 et écrivit des comédies, puis des romans maritimes où se mêlent l'observation précise issue de ses voyages et le goût d'une fiction échevelée (Kernok le pirate, 1830 ; Atar-Gull, 1831 ; la Salamandre, 1832 ; la Vigie de Koat-Ven, 1833). Auteur connu, dandy, membre du Jockey-Club, il menait la grande vie, mais connut une période de crise vers 1837 où il exprima son sentiment de n'avoir fait que des imitations de Cooper ou de Scott. Latréaumont (1837) et Arthur (1838-1839) marquent le tournant du roman d'aventures vers le roman de mœurs. Mathilde. Mémoires d'une jeune femme (1840-1841) brosse une peinture des milieux aristocratiques (bals, toilettes, relations entre maîtres et domestiques, sorties, mais aussi la générosité à l'égard des pauvres). Dans cet univers, il met en scène un parvenu qui se croit tout-puissant, possède une police secrète, achète les domestiques, enlève les femmes. Ce premier roman-feuilleton de Sue fut aussi le premier à connaître des prolongements imprévus, suite à l'enthousiasme manifesté par ses lecteurs. La fin de Mathilde montre l'intérêt de l'auteur pour les questions sociales qui seront au centre de ses deux ouvrages suivants.

   Les Mystères de Paris (1842-1843) sont un carrefour. L'auteur fut brusquement submergé par un courrier émouvant : le peuple s'y reconnut et infléchit le projet initial. Le roman parut d'abord en feuilletons dans le Journal des débats qui vit, grâce à lui, le nombre des lecteurs augmenter de manière spectaculaire. Il est vrai que Sue a l'art de capter l'intérêt, de l'aiguiser avec d'innombrables rebondissements, des fausses morts, un arsenal de l'horreur (caves-prisons peu à peu englouties par la Seine, flacons de vitriol, arrachages de dents ou aveuglements punitifs, bateau à trappe pour la noyade), avec ce savant dosage du frisson et de l'attendrissement, en particulier pour la figure centrale de Fleur-de-Marie, la petite prostituée qui, après mille enlèvements, deviendra princesse. À côté de ce pâle et pur personnage surgissent des silhouettes puissantes, des portraits à la Balzac, très contrastés, où la laideur renvoie toujours à une âme tortueuse, ceux de la Chouette, l'épouvantable mégère, de Tortillard, l'enfant pervers et boiteux, de Bras-Rouge, le sanglant tavernier, du Squelette, le redoutable assassin. Les bas-fonds de Paris livrent là tout leur pittoresque flamboyant, jusque dans ces noms propres si frappants qui empruntent parfois à l'argot leur pouvoir évocateur (le Chourineur, spécialiste des coups de couteau). Faut-il s'agacer avec Marx de l'« antithèse » outrée « du bien et du mal », du moralisme paternaliste du héros, l'aristocrate qui s'encanaille comme pour trouver ses pauvres et sa bonne conscience de riche fat ? Le manichéisme n'est pas si fortement marqué et Rodolphe est, avant tout, par sa quête interminable, prétexte à évoquer tous les milieux, en particulier, outre une pègre crapuleuse et haute en couleur, la misère honnête des artisans prolétarisés (les Morel), le petit peuple représenté par les Pipelet, concierges cocasses, ou Rigolette, grisette faussement frivole. Si la vision des paysans reste succincte, celle de la noblesse grossièrement idéalisée, la description des malversations du notaire perfide est plus approfondie : Jacques Ferrand est une des grandes incarnations du mal, ce qui souligne l'ambiguïté d'une œuvre qui participe du romantisme avec son apologie de l'individu hors du commun, tout en témoignant d'une inspiration humanitaire et sociale, puisqu'elle donne la parole au peuple – n'est-ce pas lui en réalité l'acteur principal ? – trompé par le bourgeois.