Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
D

Dobrovský (Josef)

Philologue et écrivain tchèque (Darmoty, Slovaquie, 1753 – Brno 1829).

Écrivant en allemand et en latin, il fixa la morphologie et le vocabulaire tchèques, et détermina la prosodie tonique du vers (Histoire de la langue et de la littérature tchèques, 1791-1818 ; Système complet de la langue tchèque, 1809). Il écrivit la première grammaire réellement scientifique du vieux slave (Institutiones linguae slavicae dialecti veteris, 1822).

Doctorow (Edgar Lawrence)

Écrivain américain (New York 1931).

À la suite d'études de sciences et de philosophie (Columbia University), Doctorow a été éditeur (New American Library) et professeur (New York University, Princeton). Son premier roman, Bienvenue à La-vie-est-dure (1960), est une satire de la vie de la frontière, des peurs collectives où la performativité ironique de l'onomastique amorce une littéralisation croissante du langage utilisé pour dire le passé. Chaque roman (de Plus vrai que nature, 1966, à Jeux d'eaux, 1994) revisite les mêmes lieux géographiques, historiques et mentaux, mais le jeu des points de vue permet un portrait éminemment critique et politisé des diverses facettes de l'Amérique.

Doderer (Heimito von)

Écrivain autrichien (Weidlingau, près de Vienne, 1896 – Vienne 1966).

Officier de l'armée austro-hongroise pendant la guerre 1914-1918, puis prisonnier russe jusqu'en 1920, il étudie l'histoire à Vienne de 1921 à 1925. Membre depuis 1933 du parti national-socialiste, Doderer, se reconvertit en 1939 au catholicisme et à la philosophie thomiste. Déclaré « poeta austriacissimus », il sera le représentant culturel du système politique autrichien de « coalition ». Dans ses journaux (Tangentes, 1964) et dans ses romans, il développe la notion de « hominisation ». L'homme est opposé à l'idéologie appelée « réalité seconde » qui conduit au « refus d'aperception ». À partir de ces théorèmes, Doderer construit des fresques romanesques, l'Escalier du Strudlhof  (1951) et les Démons (1956). De sa tétralogie inachevée intitulée Roman nº 7 (d'après la Septième de Beethoven), seuls les Chutes de Slunj (1963) et la Forêt frontalière (1967) ont été publiés.

Doff (Neel)

Femme de lettres belge de langue française (Buggenum-Haalen, Pays-Bas, 1858 – Bruxelles 1942).

Jours de famine et de détresse (1911) retracent l'enfance et l'adolescence de l'aînée d'une famille de neuf enfants dans un quartier pauvre d'Amsterdam ; c'est le premier roman d'une trilogie rassemblant aussi Keetje (1919) et Keetje Trottin (1921) : cette « stimagtisée de la misère » développa une écriture d'un réalisme implacable qui la classe parmi les plus originaux des auteurs populistes.

dogon

L'ethnologie française a trouvé dans le peuple dogon, qui habite les falaises de Bandiagara au Mali, un groupe sur lequel elle a concentré ses efforts de description et de compréhension totale d'une société. La collecte de leurs devises, de leurs masques, de leurs jeux, de leur langue secrète et la magistrale synthèse de G. Calame Griaule, Ethnologie et langage (1964), ont donné à comprendre la place de la parole dans une société orale, c'est-à-dire ici non encore islamisée au milieu du XXe siècle. Les cérémonies de confection de la « Mère du masque », le sigui, et les textes qui leur sont associés ont pu être recueillis, notamment par Michel Leiris, et filmés par Jean Rouch. Marcel Griaule a même produit un des premiers textes d'ethnologie à la première personne en donnant la parole à Ogontemmeli, le sage dogon dans le Dieu d'eau (1949), qui présente d'une manière cohérente sa vision du monde. Un tel tableau qui fige une société dans un éternel présent ethnologique est remarquable, mais participe plus pour nous d'un rêve d'ethnologue que d'une enquête sur des sociétés en mouvement comme les autres. Une nouvelle ethnographie plus consciente des conditions de l'interaction en situation coloniale doit relire cette admirable utopie africaine.

Doinas (Stefan Augustin)

Poète et essayiste roumain (près de Arad 1922 – Bucarest 2002).

Ses recueils (Alphabet poétique, 1947 ; l'Homme au compas, 1966 ; les Descendants de Laokoon, 1967 ; Hypostases, 1968 ; Alter ego, 1970 ; Hesperia, 1979 ; Amor universalis, anthologie d'auteur, 1997) réunissent des ballades modernes et des poèmes, où l'anecdote est remplacée par la parabole, et où la rigueur formelle prend sa source dans l'intransigeance morale, le culte de la raison et de l'austérité.

Dokumentarliteratur

La « littérature documentaire » est née dans les années 1920 en U.R.S.S. (Tretiakov et le groupe LEF). De là, elle a gagné l'Allemagne (Piscator, la littérature prolétarienne) et même les États-Unis. Engagée à gauche, elle fait appel au document authentique dans un but d'information et d'agitation politique, pour dénoncer l'oppression et l'injustice sociale, le fascisme, le colonialisme et appeler à la lutte. Mais l'utilisation du document brut ne pose pas seulement des problèmes esthétiques, elle peut nuire aussi à l'efficacité souhaitée. En fait, l'acte créateur de l'artiste intervient toujours pour arranger les documents ou, au moins, pour les sélectionner et les « monter » à des fins didactiques. Le courant documentaire est représenté en poésie par E. Fried et H. M. Enzensberger. Pour la prose, on peut distinguer les interviews (E. Runge), les documentations (F. C. Delius, R. Lettau, A. Kluge) et les reportages (G. Wallraff et les auteurs du Werkkreis). Au théâtre, tandis que R. Hochhuth (le Vicaire, 1963) utilise encore des documents comme un auteur de drames historiques, H. Kipphardt (l'Affaire Oppenheimer, 1964) ou P. Weisse (dans son oratorio sur le procès d'Auschwitz, 1965) mettent directement en scène les événements (procès) historiques et utilisent largement le texte authentique des débats. La Dokumentarliteratur est une tentative pour continuer à écrire après la « mort de la littérature » proclamée en 1968 par H. M. Enzensberger.

Dolet (Étienne)

Imprimeur et humaniste français (Orléans 1509 – Paris 1546).

Après des études de lettres à Paris et en Italie, puis de droit à Toulouse, il est correcteur chez l'imprimeur lyonnais Gryphius. Arrêté pour le meurtre d'un peintre qui l'avait attaqué dans la rue, il est gracié par la reine de Navarre. Il obtient un privilège d'imprimeur, mais, dénoncé, en 1542, par des collègues jaloux, il est incarcéré quinze mois. Deux ans plus tard, ses ennemis récidivent : nouvelle arrestation. Il s'évade, mais il est repris. Convaincu d'impiété, il est condamné par le parlement à être brûlé vif place Maubert. Ses travaux sont de trois ordres. Des travaux d'édition : les œuvres de Marot, d'Héroët, le Gargantua de Rabelais, des éditions de Virgile, Térence, Cicéron, César, etc. Des ouvrages historiques et littéraires : une histoire de François Ier, des vers latins, deux ouvrages consacrés à son fils Claude et le Second Enfer (1544), imité de Marot. Mais la partie la plus importante de son travail est son œuvre philologique : le Dialogus de imitatione ciceroniana (1535), défense de l'orateur latin qui répond au Dialogus ciceronianus d'Érasme, la Manière de bien traduire d'une langue en autre (1540), sur les problèmes de traduction du grec et du latin, mais aussi sur l'orthographe française et la ponctuation et, surtout, les Commentarii linguae latinae (1536-1538), répertoire de la langue latine dans lequel les mots sont classés et expliqués selon leurs relations sémantiques.