Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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ballet de cour

Pratiqué pendant plus de quatre siècles, le ballet de cour n'entre dans l'histoire de la littérature que pour y être réduit à son « texte », décrié comme « vains badinages » par Boileau. Cela sans doute parce que la littérature (vers récités ou chantés) n'y est qu'un des organes d'un spectacle total dans lequel aucun moyen d'expression n'est soumis aux autres : pantomime, chorégraphie, musique chorale et instrumentale, le tout dans une scénographie (décors, costumes, « machines ») spectaculaire. Le ballet de cour apparaît ainsi comme un « grand corps bien construit » (Ménestrier, Des ballets anciens et modernes selon les règles du théâtre, 1682), d'où sortent non seulement l'opéra moderne et le ballet académique, mais aussi la tragédie lyrique, l'ouverture française, la tragédie-ballet et la comédie-ballet de Molière, sans parler de son influence sur la scénographie baroque.

   On considère le Balet comique de la Royne (1581) comme le premier véritable ballet de cour, parce qu'il représente un des premiers efforts pour relier tous les éléments du spectacle à une intrigue dramatique suivie. L'allégorie y est au service de la propagande morale et politique, une analogie étant établie entre l'harmonie des sphères, l'harmonie politique terrestre et l'harmonie des différents moyens d'expression. Ce ballet met en pratique les théories esthétiques élaborées à l'Académie de musique et de poésie (1571, A. de Baïf), et ses recherches sur les correspondances entre la poésie, la musique et la danse. Il nous en reste un livret écrit par son ordonnateur, Baltazar de Beaujoyeulx. À partir de 1610, l'habitude de publier des livrets devient générale : renfermant les paroles des personnages, des descriptions de décors et de l'action scénique, une autocritique de l'auteur et des aperçus théoriques, le livret pose d'ailleurs un problème de genre tout à fait particulier.

   L'histoire du ballet de cour peut être comprise comme une série de mouvements vers et contre l'élément littéraire. Après une période (1590-1605) où la danse l'emporte, les périodes suivantes (1610-1620, 1620-1636) voient se développer le traitement de thèmes romanesques, puis le ballet burlesque (la Douairière de Billebahaut, 1626 ; R. Bordier, le Sérieux et le Grotesque, 1627). Richelieu fera du ballet une puissante arme de pouvoir (Ballet de la prospérité des armes de France, 1641), tandis qu'avec Mazarin le ballet glisse de nouveau vers l'opéra et, avec le « magicien » Torelli, vers la machine. Parallèlement, même si Louis XIV et ses courtisans « tiennent encore leur partie » dans ces ballets, la part des professionnels (formés dans les académies fondées par le roi) est de plus en plus grande, et les techniques sont de plus en plus complexes. Avec Molière, ballet et comédie s'interpénètrent, et s'insèrent, selon une structure en abyme, dans le cadre plus vaste de la fête de cour. Mais avec Lully et Quinault, Houdar de La Motte et Campra (l'Europe galante, 1697), et surtout Rameau (les Indes galantes, 1735), le ballet de cour s'émancipera de la littérature pour s'intégrer à l'histoire de la danse et de l'opéra. Le ballet de cour avait cependant eu recours, de Bertaud à Voiture, de Baïf à Malherbe, de Ronsard à Corneille, à quelques-uns des meilleurs poètes français.

Baltazar (Francisco)

Poète philippin (Bulacan 1788 – id. 1862), connu sous le pseudonyme de Balagtas.

Prince des poètes talagogs et auteur dramatique, il est le précurseur du genre littéraire balagtasan. Ses poèmes lyriques témoignent de la naissance d'un patriotisme philippin opposé à la domination espagnole. Dans Florante at Laura (Florante et Laura, 1838) et La India Elegante y el Negrito Amante (l'Indienne élégante et le Petit Noir amant, 1842), il dénonce, sous le couvert de personnages fictifs habitant un pays étranger, les ravages du colonialisme. Le jour de sa mort est une fête nationale.

balutchi (littérature)

Le balutchi est une langue indo-européenne parlée par les nomades baloutches au Pakistan, en Iran, en Afghanistan et en Asie centrale soviétique. La littérature baloutche fut d'abord de tradition héroïque à l'époque médiévale, avec un bel essor dans les cours princières des XVIIIe et XIXe s. (Khan Abdullah Khan, Mohammad Khan Gachkori, Mullah Fazil Rind). À l'époque contemporaine, on peut citer les poètes Zahur Chah Sayad et Gulkhan Nasir Margal. L'Association des écrivains du Balutchistan, fondée en 1949, rassemble Ghulam Mohammad Chahwani, Abdullah Jan Jamaldini, Kamil-ul-Qadri, Zamurrad Husain. Elle servit de modèle à la Balutchi Sarchmay, société littéraire établie à Karachi. Des périodiques sont animés par les écrivains Khair Mohammad Nadwi ou Azad Qamalini.

Baluze (Étienne)

Écrivain français (Tulle 1630 – Paris 1718).

Il fut secrétaire de l'archevêque de Toulouse, Pierre de Marca, puis bibliothécaire de Colbert (1667) et inspecteur du Collège royal (1707). Grand érudit, célèbre pour sa collection de manuscrits et de livres, il fut exilé en province (1710) pour avoir inséré dans son Histoire généalogique de la maison d'Auvergne (1708) des pièces fabriquées par J.-P. de Bar (ce qu'il ignorait), qui appuyaient les prétentions de la famille de La Tour d'Auvergne.

Balzac (Honoré de)

Écrivain français (Tours 1799 – Paris 1850).

L'auteur de la Comédie humaine est l'un des initiateurs, théorique et pratique, du réalisme en littérature à l'époque romantique. L'ambiguïté de son œuvre, cependant, interdit de l'enfermer dans cette catégorie, quelque peu figée après lui, tant par les écrivains naturalistes que par une critique se réclamant du matérialisme historique (Lukács).

Les débuts

Lorsque le jeune Honoré Balzac, fils d'un fonctionnaire impérial (qui avait été berger dans l'Albigeois, qui avait cru aux Lumières et avait achevé après 1789 une ascension sociale commencée sous Louis XVI), entre dans la vie, il est porté par la vague encore fortement ascendante des couches bourgeoises non définitivement pourvues. Honoré Balzac veut être quelqu'un, le bonheur pour lui passant exclusivement par l'affirmation de soi. Du côté de sa mère, par contre, ce sont très vite les stigmates de la vie privée, la solitude de l'enfant, l'exemple d'une vie gâchée par un mariage précoce et les illusions de l'adultère. Élève médiocre pour l'extérieur, le jeune Balzac se livra à une débauche de lecture et commença certainement à réfléchir et à écrire sur les problèmes philosophiques. Ces efforts continueront lorsque Honoré, après 1814, suivra sa famille à Paris, où il sera élève du lycée Charlemagne, et lorsque, en 1819, il obtiendra de pouvoir s'enfermer dans une mansarde de la rue Lesdiguières pour tenter de devenir écrivain. Balzac entreprend, pour réussir dans ce qu'on appelle alors « littérature » (poésie lyrique, histoire, philosophie, théâtre), d'écrire une tragédie, Cromwell. Pour vivre, il va se faire romancier mercenaire : il travaille pour des officines qui ravitaillent en romans les cabinets de lecture. L'histoire de cette première production, parue sous les pseudonymes de lord R'Hoone et Horace de Saint-Aubin, est aujourd'hui bien connue. Balzac y exploite la tradition ironique du roman gai et de la satire parodique (l'Héritière de Biraque et Jean Louis, 1822), mais il aborde aussi les thèmes de la vie privée et met en place ses premières figures de jeunes filles : Annette et le Criminel (1823, réédité en 1836 sous le titre plus connu d'Argow le pirate) et surtout Wann Chlore, commencé en 1822 et publié seulement en 1825, qui s'inspire directement du couple Mme Balzac-Laurence. Le Vicaire des Ardennes et le Centenaire (fin 1822) se réclament, eux, du roman philosophique et du roman sentimental.

   La fortune ne venant pas, les journaux ne s'ouvrant pas, Balzac, après 1825, se lance dans les affaires : imprimerie, fonderie. Il trouve une aide financière auprès de Mme de Berny, femme mûrissante qui lui tient lieu à la fois de mère et d'initiatrice amoureuse et mondaine. La catastrophe survient en 1827. Balzac s'endette auprès de sa mère, qu'il ne pourra jamais rembourser et qui le lui rappellera toute sa vie. Il décide alors de tenter à nouveau sa chance avec sa plume. Il écrit un roman sur les guerres civiles de l'Ouest : le Gars, titre remplacé par le Dernier Chouan et que Balzac publie en 1828. Le modèle est évidemment Walter Scott, mais Balzac, alors encore profondément libéral et de plus admirateur récent des saint-simoniens, nourrit son roman historique de deux thématiques nouvelles : celle de la vie privée (la femme abandonnée, la femme dans la Révolution) et celle de la critique antilibérale (le roman prend le contre-pied des théories libérales courantes sur la nature profonde des guerres de l'Ouest). Le succès est très moyen, mais Balzac ne quittera plus jamais la littérature. Il entre de manière plus sérieuse dans les milieux de la presse et de la librairie. Il devient l'ami de Latouche, fait sans doute la connaissance personnelle de Stendhal. Ses activités se développent dans deux directions : l'un des animateurs du Feuilleton des journaux politiques, feuille saint-simonienne, et collaborateur de la première Presse de Girardin, ayant ses entrées à la Silhouette et à la Caricature, Balzac connaît alors l'expérience qu'il prêtera plus tard à Lucien de Rubempré dans Illusions perdues ; par ailleurs, il écrit une Physiologie du mariage (commencée vers 1825, mais qui n'est achevée que fin 1829) et entreprend une série de Scènes de la vie privée, dont les premières paraissent en mars 1830. C'est en février 1830 qu'il utilise pour la première fois la particule devant son nom dans une publication en revue.