Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Valdés (Juan de)

Humaniste espagnol (Cuenca, fin du XVe s. – Naples 1541).

L'influence d'Érasme est manifeste dans sa Doctrine chrétienne (1529), dénoncée comme hétérodoxe. Réfugié en Italie (1531), il contribua à faire pénétrer les idées de la Réforme (Alphabet chrétien, 1546 ; Cent Dix Considérations divines, 1550). Son Dialogue sur le langage (1535-36) est un ouvrage capital dans l'histoire de la philologie espagnole.

Valdés (Zoé)

Femme de lettres espagnole d'origine cubaine (La Havane 1959).

Ses romans sont remarquables par la violence des propos, à la fois intimistes et politiques : elle s'y livre volontiers à un regard rétrospectif, entre fiction et autobiographie, sur son exil et celui des siens (le Néant quotidien, 1995 ; la Douleur du dollar, 1998 ; Café Nostalgia, 1999). Elle a aussi publié un volume de 14 contes intitulé Trafiquants de beauté (1998) ainsi que des poèmes (les Poèmes de La Havane, 1997).

Valduga (Patrizia)

Poète italienne (Castelfranco Veneto, Trévise, 1953).

Sa poésie renferme une dimension érotique et une présence obsédante de la mort (Médicaments, 1982 ; la Tentation, 1985 ; Requiem, 1991 ; Cent Quatrains et autres histoires d'amour, 1997).

Valencia (Guillermo)

Homme politique et poète colombien (Popayán 1873 – id. 1943).

La publication de Rites (1898), recueil d'inspiration parnassienne, le rendit célèbre. Il traduisit les classiques grecs et les poètes français de son temps ; cette double influence, particulièrement sensible dans Poésies (1917), Catay (1928) ou Anarkos (1930), lui valut d'être appelé « le classique du modernisme ». Son œuvre se distingue par sa perfection formelle, sa richesse en métaphores et la profondeur de son inspiration marquée par le catholicisme.

Valentin (Valentin Ludwig Fey, dit Karl)

Artiste et auteur allemand (Munich 1882 – id. 1948).

Clown génial qui jouait dans les théâtres des faubourgs de Munich en jonglant avec les mots du patois bavarois, il a laissé des textes d'un comique grinçant ainsi que des documents filmographiques et phonographiques. Incarnation de la mauvaise conscience du monde, Valentin force la critique à recourir aux comparaisons les plus flatteuses : il rappelle Nestroy, il a croisé le chemin de Brecht, qui lui doit beaucoup. On évoque Chaplin, Beckett, Ionesco. Tout cela a lieu avant son heure dans les monologues de Valentin, combats de l'homme avec les pièges de sa langue.

Valera (Diego de)

Écrivain espagnol (Cuenca ? 1412 – Puerto de Santa María 1488 ?).

Il écrivit des Lettres, où abondent les conseils politiques, une Chronique abrégée (1482) dite « valeriana », sorte de résumé de l'histoire du monde jusqu'à son époque, et un Mémorial de divers hauts faits, chronique du règne d'Henri IV de Castille, pleine de moralités et prolongée par la Chronique des Rois Catholiques (1474-1488).

Valera (Juan)

Écrivain espagnol (Cabra 1824 – Madrid 1905).

Critique littéraire et fondateur de la Revista ibérica (1861), il annonce, par ses articles et ses essais, la sensibilité de la « génération de 1898 » et passe pour avoir révélé des personnalités comme Menéndez Pelayo et Rubén Darío. Romancier, il illustre par son œuvre, proche du costumbrisme et imprégnée de l'atmosphère andalouse (Pepita Jiménez, 1874 ; les Illusions du docteur Faustino, 1875 ; le Commandeur Mendoza, 1877 ; Jouer au plus fin, 1878 ; Doña Luz, 1879 ; la Grande Jeannette, 1896 ; Morsamor, 1899), un art narratif de tradition classique, affranchi des préoccupations idéologiques et du projet documentaire caractéristiques du naturalisme prôné par Emilia Pardo Barzán, à laquelle il s'oppose dans son essai Notes sur le nouvel art d'écrire les romans (1887).

Valera (Paolo)

Écrivain italien (Côme 1850 – Milan 1926).

Journaliste, il est l'auteur de romans naturalistes dénonçant la misère du sous-prolétariat urbain (Milan inconnu, 1879 ; les Hommes en bras de chemises, 1881 ; À la conquête du pain, 1882 ; la Foule, 1901, qui explore le phénomène moderne de la foule).

Valère-Maxime, en lat. Marcus Valerius Maximus

Historien romain (Ier s. apr. J.-C.).

Il dédia à Tibère les neuf livres des Faits et Dits mémorables, dans lesquels il avait rassemblé par catégories de multiples anecdotes. Cet ouvrage, sans originalité et rédigé dans un style très orné, était sans doute destiné aux élèves des écoles de rhétorique qui y trouvaient de nombreux exemples pour illustrer leurs discours. Il eut un très vif succès dans l'Antiquité et au Moyen Âge.

Valeri (Diego)

Écrivain italien (Piove di Sacco, Padoue, 1887 – Rome 1976).

Professeur, traducteur et critique de la littérature italienne et française, il est l'auteur d'élégants poèmes lyriques teintés de mélancolie (les Gaies Tristesses, 1913 ; Ariel, 1924 ; le Petit Clocher, 1928 ; Plaisanterie et fin, 1937 ; Temps qui meurt, 1942 ; Troisième Temps, 1950 ; Jeux de mots, 1956 ; la Flûte à deux pans, 1956 ; Écluses du vent, 1975), influencés par Pascoli et les symbolistes français.

Valerius Flaccus

Poète latin (vers 45 – 90 apr. J.-C.).

On ne sait pour ainsi dire rien de cet écrivain qui, sous le règne de Vespasien, mourut avant d'avoir pu terminer son épopée, les Argonautiques. Le poème, en 8 chants, est inspiré de l'œuvre d'Apollonios de Rhodes ; malgré l'abus rhétorique et le recours systématique au merveilleux mythologique, il comporte une étude psychologique nuancée de la passion de Médée pour Jason.

Valerius Messala Corvinus (Marcus)

Général et écrivain latin (Rome 64 av. J.-C. – 8 apr. J.-C.).

Partisan de Brutus, il fut proscrit (43) par les triumvirs mais, après la bataille de Philippes, il se rallia au vainqueur. Admis dans l'intimité d'Octave, il prit une part active à la bataille d'Actium, guerroya dans les Pyrénées et reçut (27) les honneurs du triomphe, avant d'être (26) préfet de la Ville. Érudit, auteur de discours, de vers légers, il s'entoura de poètes comme Tibulle, Aemilius Macer, Valgius Rufus, Cornelius Severus, Ovide.

Valéry (Paul)

Écrivain français (Sète 1871 – Paris 1945).

Fils d'un fonctionnaire des douanes et de la fille d'un consul d'Italie, il écrit ses premiers vers tout en espérant entrer à l'École navale. Lecteur de Gautier, de Hugo, de Baudelaire, il s'intéresse au dessin et à la musique, se passionne pour l'architecture. Rêve est son premier poème publié, dans la Revue maritime, en 1889, année où il découvre Huysmans, Verlaine, les Goncourt et, surtout, « quelques-uns des secrets poèmes par qui s'impose la gloire solitaire de Mallarmé » (lettre de 1890 à Pierre Louÿs).

   En 1892, il connaît une aventure sentimentale qui s'achève en crise spirituelle : il décide d'abandonner les séductions de la sensibilité pour les puissances de l'intelligence. Installé à Paris en 1894, il meuble sa petite chambre d'un tableau noir et d'une reproduction du célèbre décharné de Ligier Richier. Louÿs, qui a publié son Narcisse parle dans le premier numéro de la Conque, l'a introduit au sein des mardis de la rue de Rome. Mallarmé prend figure de père idéal, mais le drame du jeune homme est qu'il a rencontré « le personnage de l'art savant et le suprême état de l'ambition littéraire », alors même que la littérature lui apparaît comme un exercice précaire et dévoyé, incompatible avec « la poursuite d'une certaine rigueur et d'une entière sincérité de la pensée » (« Dernière Visite à Mallarmé »). Rêvant d'« un être qui eût les plus grands dons – pour n'en rien faire, s'étant assuré de les avoir », Valéry commence la Soirée avec Monsieur Teste (1896), où il brosse le portrait de l'intellect épuré, publie son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci (1895), qui est surtout l'esquisse de sa propre méthode intellectuelle (farouchement distinguée de tout système), et entreprend de noter chaque matin les réflexions qui constitueront pendant cinquante et un ans ses 261 Cahiers.

   Rédacteur au ministère de la Guerre, il produit un essai sur la Conquête allemande (1897), puis devient secrétaire particulier de l'administrateur de l'agence Havas (1900). C'est l'époque où il rencontre Degas, autre père spirituel dont les souvenirs nourriront Degas Danse Dessin (1936). Après l'émerveillement suscité par la nouveauté du Coup de dés mallarméen, la mort brutale du poète de Valvins lui fait « monter les larmes de l'esprit ». Désormais Valéry ne cessera de camper un Mallarmé plus proche d'une algèbre des formes et d'une symbolique mathématique que de « l'Impératif d'une poésie ». Dans un mouvement d'identification, il fait de lui le maître non d'une poésie, mais d'une poétique : « Mallarmé, le premier, ou presque, se voua à la fabrication de ce qu'on pourrait nommer les produits de synthèse en littérature par analogie avec la chimie, c'est-à-dire des ouvrages – ou plus exactement des éléments d'ouvrages construits directement à partir de la matière littéraire qui est langage – et par conséquent impliquant une idée et des définitions du langage et de ses parties. Idée atomique » (Cahiers, IX). C'est dans cet état d'esprit qu'il reçoit la requête de Gide et de Gallimard, qui lui demandent de réunir ses vers de jeunesse : il songe en réalité à écrire un bref « Adieu à la poésie », tandis que le premier classement de ses notes et le bilan désabusé qu'il fait de ses méditations abstraites le poussent d'une part vers une analyse des rêves fort éloignée de Freud (Études, 1909), d'autre part vers la dispersion esthétique et mondaine (il fréquente Ravel et Odilon Redon, voyage à Florence, s'intéresse à la construction du théâtre des Champs-Élysées).

   C'est l'obsession de la guerre qui l'amène à « arranger, vernir, redorer » ses anciens poèmes et à en écrire de nouveaux. De la Jeune Parque (avril 1917), il dira : « Son obscurité me mit en lumière : ni l'une ni l'autre n'étaient l'effet de ma volonté », mais dès lors, il va lire à des amis quelques-unes des pièces qui composeront le recueil de Charmes (1922). Dès septembre 1919, des Fragments du Narcisse paraissent dans la Revue de Paris ; en juin 1920, le Cimetière marin est publié dans la N.R.F. ; en 1921 sortent le dialogue socratique Eupalinos ou l'Architecte et une « manière de ballet dont l'image et l'idée sont tour à tour les coryphées », l'Âme et la Danse. Une enquête de la revue Connaissance consacre Valéry comme le plus grand poète français vivant. En 1924, celui-ci prend, avec Larbaud et Fargue, la direction de la revue Commerce et inaugure la série de Variété (poursuivie en 1929, 1936, 1938, 1944), dont la table du dernier volume traduira l'éclectisme (Études littéraires, Études philosophiques, Essais quasi politiques, Théorie poétique et esthétique, Enseignement, Mémoires du poète). En 1931, il donne Regards sur le monde actuel, fait jouer Amphion à l'Opéra, sur une musique d'Arthur Honegger (en compagnie duquel il récidive avec Sémiramis, en 1934) et entreprend la publication de ses Œuvres complètes (douze tomes jusqu'en 1950).

   Il faut dire qu'entre-temps Valéry a inauguré une carrière de conférencier et d'écrivain officiel : en 1925, le ministre de la Marine lui a offert une croisière sur le Provence et il a été élu à l'Académie française, au fauteuil d'Anatole France – dont, dans son discours de réception, il ne prononça pas le nom, autant par volonté de dérogation aux conventions que par dilection pour la difficulté et fidélité à la mémoire de Mallarmé (que France avait jadis critiqué). Directeur de l'Institut de coopération intellectuelle à la S.D.N. (1931), administrateur du Centre méditerranéen de Nice (1933), Valéry a également bénéficié de la création d'une chaire de poétique au Collège de France (1937). Pendant la guerre et l'Occupation, il publie plusieurs extraits des Cahiers (Mauvaises Pensées et autres, 1941-1942 ; Tel Quel, I, 1941 ; II, 1943) et fait, à la mort de Bergson, un courageux éloge du philosophe, stigmatisé comme juif par Vichy. En 1943, Valéry adhère au Front national des écrivains, expose des eaux-fortes accompagnées de Variations sur ma gravure. En 1944, sa Cantate du Narcisse, avec une musique de Germaine Tailleferre, est jouée au Conservatoire ; il achève l'Ange, bref poème en prose commencé en 1922. Mon Faust, tentation nihiliste dont la N.R.F. donne la primeur en février 1945, ne sera publié qu'en 1946, quelques mois après les obsèques nationales décidées par le général de Gaulle.